Afrique : les coups d'État militaires sont de retour !
19 oct. 2021Article de Carlos Lopes Pereria publié dans Avante! (hebdomadaire du PCP / Parti Communiste Portugais) le 23 septembre 2021. Traduction MR pour Solidarité Internationale PCF
La tentative la plus récente de coup d'État en Afrique s'est passée au Soudan la semaine dernière [ndlr: fin septembre]. Khartoum a annoncé que l'armée a empêché la conspiration et a pris un groupe d'officiers sympathisants d'Omar Al-Bashir. Après 30 ans au pouvoir, Al-Bashir a été déposé par les forces armées en avril 2019 à la suite de grandes manifestations populaires contre l'augmentation des prix du pain, de la pauvreté, le chômage et la répression. Dans les derniers mois, face aux politiques économiques et sociales très sévères imposées par le gouvernement de transition, et à la demande du FMI, les Soudanais sont sortis dans les rues et ont protesté.
Peu de jours avant, la République de Guinée a également subi un coup d'État, mais cette fois avec une issue : le gouvernement a été dissous, la Constitution suspendue et le président Alpha Condé démis de ses fonctions. Malgré la condamnation immédiate des évènements à Conakry par les Nations-Unies, l'Union Africaine, de la Communauté Économique de l'Afrique Occidentale (Cedeao) et l'Union Européenne, il y avait peu de doutes que ce coup d'État militaire obéissait à des intérêts étrangers. Son leader est le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, commandant des forces armées spéciales de l'armée guinéenne. Il a reçu une formation en Israël, a servi dans la légion étrangère française et ne cache pas ses liens privilégiés avec Africom, le commandement militaire des Etats-Unis pour l'Afrique. La Guinée, ancienne colonie française, est un des plus grands producteurs mondiaux de bauxite (aluminium) et est riche de plusieurs autres ressources minérales, du fer au nickel et à l'uranium. Dans l'exploitation du nickel, la Guinée a maintenu jusqu'à aujourd'hui de bonnes relations avec la Chine et la Russie - ce que Washington considère intolérable.
Dans une autre ex-colonie française, le Tchad, fidèle allié de Paris, des protestations populaires ont éclaté à N'Djamena en septembre contre la junte militaire qui dirige le pays depuis la mort du président Idriss Déby Itno, en avril 2021, au cours d'un combat contre les "forces rebelles" basées en Libye. Un conseil militaire de transition, formé de généraux et dirigé par Mahamat Idriss Déby (le fils de l'ancien chef d'Etat), a pris le pouvoir et a promis de tenir des élections libres et démocratiques sous 18 mois. Dans les rues de la capitale, les manifestants contestent la légitimité des formes armées au pouvoir et la France qui les appuie, affirmant que "le Tchad n'est pas un Royaume".
Au Mali, qui n'a connu non pas un mais deux coups d'Etat depuis août 2020, les militaires ont aussi pris le pouvoir. Au début de la semaine [le 23 septembre], Florence Parly s'est rendu à Bamako et a rencontré son homologue malien, le colonel Sadio Camara, à la suite duquel elle a déclaré avoir eu "une conversation franche, directe et complète". Parly a réaffirmé que Paris n'acceptera pas un accord éventuel du Mali avec une entreprise de sécurité russe, suggérant que la France pourrait retirer ses troupes du pays. Les militaires maliens n'ont pas commenté mais ils avaient fait savoir auparavant qu'ils n'accepteraient pas de telles impositions. Depuis 2013, sous prétexte de combattre le terrorisme au Sahel, la France a posté des milliers de soldats au Mali et dans d'autres pays de la région. Les Etats-Unis, l'Union Européenne et les Nations Unies ont également déployé des forces militaires sur place.
La situation actuelle en Afrique signale que les peuples africains sont de plus en plus enclins à protester contre les coups d'Etat militaires, les ingérences et les interventions militaires étrangères parce qu'ils aspirent - comme tous les peuples du monde - à la paix, la souveraineté, au développement et au progrès social.
Commenter cet article