On le sait peu en France mais il existe un Parti communiste au Luxembourg qui a une histoire glorieuse et un ancrage réel notamment dans le bassin sidérurgique. Il a joué ainsi en 2005 un rôle important dans les 43,4% de non au référendum sur le projet de « constitution » européenne.


Sur bien des points, la situation et les débats du Parti communiste luxembourgeois (KPL) présentent des similitudes avec les nôtre. A partir des années 1990, une partie des directions ont poussé pour l’abandon de la référence communiste et de ce qu’elles représentent. Mises en échec une première fois, les mêmes sont revenues à la charge avec une coalition électorale « de gauche » qui s’est vérifiée être destinée à supplanter le KPL et à récupérer (et dévoyer) son patrimoine politique. Les pressions, notamment du PGE, ont été et demeurent d’autant plus fortes que le pays est au cœur de l’UE.


Nos camarades luxembourgeois ont refusé de se laisser enfermer et de se saborder. Ils restent fidèles à leur choix de classe et internationaliste.


Un exemple encourageant pour les communistes français. Le Luxembourg est un petit pays mais le KPL est voisin, sous bien des aspects, notamment des fédérations du PCF de Lorraine.

 

Ci-dessous, l’article écrit par notre camarade JV, après interviews sur place, pour vivelepcf détaille la situation du KPL.



Tentative de dilution des partis communistes dans « la gauche » : l’exemple du Parti communiste luxembourgeois et de sa résistance.

 

Retour sur l’Histoire du KPL :

 

Le Parti Communiste du Luxembourg (KPL) a été fondé en 1921. Dès l’origine, il est en butte à une répression féroce de la part des gouvernements réactionnaires. Il parvient cependant à s’implanter durablement dans le bassin sidérurgique et minier du sud du pays, autour notamment d’Esch-sur-Alzette, deuxième ville du pays.

 

Principale force politique engagée dans la Résistance à l’occupant nazi, le KPL gagne une grande popularité après la Libération.
 

En 1945, sur une population de 220.000 habitants, 20.000 travailleurs sont sidérurgistes. Ils soutiennent massivement le Parti, tout comme les Lorrains le PCF de l’autre côté de la frontière. Le syndicat d’inspiration communiste fondé après-guerre domine parmi eux. Il est le seul à mener le combat de classe contre le grand trust sidérurgique ARBED.


A Esch-sur-Alzette dont il a détenu la municipalité, à Differdange, le KPL réalise des scores électoraux de 25 à 30 % dans les années 1950 et 1960, bien qu’en pleine guerre froide il soit traité comme un ennemi de l’intérieur par les autres forces sociales et politiques.


        

Les efforts du KPL se sont portés vers les nouveaux segments de la classe ouvrière qui se sont développés dans les années 1960 (installation de nouvelles usines par les groupes américains Du Pont de Nemours et Goodyear près de Luxembourg et dans le nord du pays, qui ont généré des milliers de nouveaux emplois dans l’industrie). Dans des zones essentiellement rurales et sans culture revendicative, les tentatives d’organisation des ouvriers de ces industries ont été farouchement réprimées et ont rencontré un succès limité. Le KPL n’a pas non plus réussi à s’implanter fortement parmi les employés du public ou du privé : les socialistes du LSAP et les chrétiens-sociaux du CSV, qui gouvernent ensemble le pays depuis 1948 au sein d’une « grande coalition », y sont restés prédominants. Ces deux organisations ont pu et peuvent d'ailleurs encore compter sur leurs relais syndicaux dans le monde du travail pour maintenir leur hégémonie.


La crise de la sidérurgie a touché le Luxembourg de plein fouet. En 1974, alors que le trust ARBED annonce des coupes sombres dans les effectifs, le gouvernement de « grande coalition » instaure une commission « tripartite » (Etat, ARBED, syndicats) pour prendre des mesures « anticrise ». Alors que toutes les autres forces politiques acceptaient les conditions d’ARBED et discutaient que sur l’indemnisation des sidérurgistes licenciés, les communistes se battirent pour sauver les emplois, faisant campagne pour la nationalisation de la sidérurgie en porte-à-faux avec la direction nationale du syndicat réunifié OGB-L. Une situation qui n’est pas sans rappeler notre situation en Lorraine au même moment.

  

La défaite finale du mouvement, l’effondrement des effectifs de la sidérurgie, qui passe de 30 à 15.000 ouvriers entre 1974 et 1986, contribuent à accentuer l’affaiblissement de l’influence du KPL dans la même situation internationale que nous connaissions.


 

Evolution dans les années 1980.


Le recul électoral est très net. La base des soutiens du KPL dans la société est désorientée par le déclin industriel. Une partie se laisse courtiser par un nouveau parti d’extrême droite, qui affecte un discours ouvriériste et prétend défendre les « petits ».

Le paradoxe est que le KPL ne perd pas d’adhérents. Il en gagne même, grâce à son action efficace et résolue dans le mouvement de protestation contre l’installation de missiles « Pershing » au Luxembourg, et semble même à cette occasion réussir à étendre son influence dans de nouvelles couches de la population: jeunes intellectuels, enseignants, fonctionnaires, professions libérales… Certains représentants de ces couches sociales adhèrent au KPL, qui leur laisse assez rapidement des postes de responsabilité au sein du parti jusqu’au bureau politique. Le plus en vue de ces nouveaux dirigeants est André Hoffmann, professeur de philosophie, adhérent depuis les années 1970, qui devient député à la fin des années 1980.

 

En finir avec le communisme ? Les débats internes au sein du KPL avant la rupture de 1994.

 

Le KPL n’avait jusqu’au début des années 1990 jamais connu de grandes dissensions en son sein, juste des débats dans les années 1980 sur la stratégie à adopter vis-à-vis des couches intermédiaires. Comme dans tous les partis communistes du monde, l’effondrement du bloc de l’est entraîna dans les sections du KPL des débats très durs sur l’analyse du régime soviétique et de sa chute. Ils le furent particulièrement à la section d’Esch-sur-Alzette, la plus grosse du pays, dont André Hoffmann était un dirigeant. Ce dernier défendait dès 1991 la renonciation à l’étiquette communiste et la fondation d’une nouvelle force : il lança ainsi avec ses partisans les « forums de la Nouvelle Gauche », cercles de discussion censés préparer la transformation du KPL en nouvelle force « de gauche ». Seul député du parti élu en 1990, Hoffmann disposait d’une influence non négligeable dans le KPL et bénéficiait de nombreux soutiens dans la direction : ses partisans tenaient la page consacrée à la vie interne de l’organisation dans le journal du parti (le Zeitung vum Letzebuerger Vollek = Journal du Peuple Luxembourgeois), ce qui permettait de diffuser largement ses vues en direction des adhérents.
 

Les tensions au sein de l’organisation et le cours nouveau qu’une partie des dirigeants voulait amorcer ont alors éloigné du KPL bon nombre de militants.


Au congrès de 1993, les tenants de la ligne Hoffmann proposent au vote des militants une résolution de sabordage du KPL et de transformation en une nouvelle organisation ouvertement réformiste, faisant passer au second plan l’entreprise et la lutte des classes. Ils parviennent à l’emporter chez les adhérents des sections d’Esch-sur-Alzette et de Luxembourg-ville.


Mais malgré le soutien de la moitié du comité central, les adhérents se prononcent à une majorité de plus des deux-tiers pour une autre voix : pour le texte affirmant le maintien du parti sur des bases communistes.


Du coup, Hoffmann, en mauvais perdant, quitta le parti avec plusieurs de ses amis, dirigeants et élus locaux, pour fonder la « Nouvelle Gauche » (Néi Lénk), qui trouva d’emblée dans les media une complaisance sans commune mesure avec son influence réelle dans la population.
 

Aux élections législatives de 1994, KPL et Nouvelle Gauche présentent chacun leurs listes, aucune des deux organisations ne parvenant à faire élire un député.

 

1999 : naissance de « la Gauche » comme coalition électorale

 
Devant l’accélération des contre-réformes et de la remise en cause des conquêtes démocratiques et sociales par les gouvernements successifs de « grande coalition », l’idée d’une convergence, notamment en vue des élections nationales, entre les formations situées à gauche de la coalition s’est développée, y compris au sein du KPL.

Le parti décida d’intégrer une alliance électorale pour les élections législatives et européennes de 1999 qui prit le nom de « La Gauche » (Déi Lénk
), avec notamment la « Nouvelle gauche ». La possibilité de l’adhésion individuelle à « La Gauche » avait été acceptée pour permettre à des syndicalistes ou des citoyens non organisés de s’y associer.

Rapidement cependant apparurent des divergences de fond entre le KPL d’un côté, les autres organisations de l’autre, à savoir la « Nouvelle gauche » et des petites formations notamment trotskistes. Désaccord sur l’analyse de l’Union Européenne : la « Nouvelle Gauche » défendant l’idée d’une réorientation de l’UE vers une « Europe sociale » ; désaccord sur les questions internationales, par exemple à propos de Cuba ; désaccord sur la pratique politique, le KPL souhaitant donner la priorité au travail politique dans les entreprises, quand les autres organisations préféraient s’adresser « aux citoyens ».

 

2004 : le KPL se dégage de « La Gauche »


Après le succès relatif de « La Gauche » aux élections de 1999, qui vit Hoffmann élu à nouveau député sous cette nouvelle étiquette, les contradictions se sont encore accusées.


A côté des divergences de fond, la coalition électorale « La Gauche » devenait progressivement un parti à part entière sous l’impulsion notamment d’André Hoffmann. « La Nouvelle Gauche » s’est ainsi dissoute pour se fondre dans « La Gauche ». Dès le début des années 2000, les pressions de « La Gauche » sur le KPL se firent très fortes pour qu’il se dissolve à son tour.


Le KPL perdait son autonomie et sa visibilité. Quant à ses adhérents, ils se détournaient du cadre de « La Gauche » qui ne leur convenait pas. 


Pour les élections de 2004, « La Gauche » avait même la prétention d’écarter les candidats proposés par le KPL et de choisir des candidats communistes à sa place.


2004 a été l’année de la rupture pour le KPL. La recherche de l’unité ne pouvait passer par l’étouffement du Parti et de ses positions. Au lieu de rassembler, les positions de « La Gauche » dégoûtaient et écartaient de nombreux communistes et sympathisants, délaissaient les luttes sociales, notamment à l’entreprise.


Le KPL, à une large majorité, décida donc de retrouver son indépendance d’expression et d’action. Il quitta « La Gauche » avant les élections et se présente depuis de nouveau sous ses propres couleurs. De son côté, « La Gauche » aligne ses positionnements sur ceux du Parti de la Gauche européenne (PGE) qui la soutient fortement. Elle bénéficie manifestement aussi d’une complaisance des media dominants du pays.

« La Gauche », le « Parti de la Gauche », les coalitions électorales de « gauche » ou « Arc-en-ciel » amenant un effacement des partis communistes : l’exemple luxembourgeois en rappelle d’autres, en Espagne, en Allemagne, en Italie, en France maintenant. De façon parallèle et coordonnée, maintenant avec le PGE, il apparaît qu’est déployée méthodiquement partout en Europe une stratégie d’abandon de l’identité communiste, d’alignement dans le cadre institutionnel sur une version de « gauche » de l’idéologie dominante. Capter l’héritage des partis communistes tout en coupant avec leur organisation et leur théorie révolutionnaires, voilà le projet mené tantôt par des directions internes, tantôt par des personnalités extérieures. Sans ou contre les communistes. 

Non sans difficultés et déchirements, nos camarades luxembourgeois ont réussi à dépasser cet épisode, à garder la raison d’être de leur Parti.


Le KPL continue d’être un élément de la coopération internationale entre partis communistes et ouvriers, souhaitons-le toujours avec le PCF, notamment ses fédérations de Lorraine.


Extrait de l'article suivant: http://vivelepcf.over-blog.fr/article-30604116.html


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