La véritable raison des progrès de l'extrême-droite

 


de Robert Griffiths, secrétaire Général du Parti Communiste de Grande-Bretagne

 


Article paru dans le Morning Star


 

Traduction JC pour Solidarité-Internationale-PCF

 

Nous n'avons pas besoin d'études académiques sur le comportement de vote pour expliquer ce qui s'est passé lors des élections locales et européennes de la semaine dernière.


Quiconque qui milite dans un syndicat ou vie dans un quartier populaire doit savoir que de nombreux travailleurs et leurs familles ne voient pas le Labour comme un parti qui parle ou agit dans leurs intérêts.


Oui, ces intérêts peuvent ne pas être clairement définis dans la tête des gens, encore moins quand il s'agit de les transformer en conscience politique. Ils assimilent souvent les illusions et les préjugés avivés tant par les médias publics que par les médias possédés par les monopoles capitalistes.


Mais au fond, ils représentent – par leur condition – les intérêts de la classe ouvrière, ceux dont la principale source de revenu vient du fait qu'ils ont à travailler pour vivre, qui ont toujours fait ainsi et continueront à le faire à l'avenir, ou se soucient du sort des travailleurs d'hier, d'aujourd'hui et de demain.


Ils ont besoin d'emplois dignes et de bons salaires, de services publics de qualité, de retraites et d'allocations décentes. Ils veulent pouvoir jouir de leur temps libre. Ils veulent être traités avec dignité, vivre et travailler en paix. Ils veulent que leurs enfants puissent hériter d'une meilleure vie que la leur.


Ils peuvent aussi se soucier de questions bien plus vastes, comme celles de l'environnement, de la pauvreté dans le Tiers-Monde, des libertés civiles et de l'équalité des sexes aussi bien que de la question de l'immigration.


Et ils ne croient pas que le gouvernement travailliste fassent la moindre chose pour régler ces problèmes, réels ou supposés.




Le fait est que l'initiative No2EU (Non à l'Union Européenne) a représenté un événement historique au sein du mouvement ouvrier




C'est la principale raison pour laquelle seulement 5% des électeurs inscrits ont voté Labour aux élections européennes du 4 juin. Parmi ceux qui ont pensé que cela valait le coup de se déplacer pour le Parlement Européen, seulement 16% ont voté Labour.


Mais pendant que le Labour perdait plus d'1 million 250 000 voix par rapport aux élections européennes de 2004, les alternatives n'ont pas non plus suscité un grand enthousiasme.


Les Conservateurs, l'UKIP [Parti pour l'Indépendance du Royaume-Uni – parti conservateur euro-sceptique] et les Libéraux-Démocrates ont tous perdu des centaines de milliers de voix.


Parmi les grands gagnants, on retrouve les Verts, qui ont augmenté d'un tiers tant leur nombre de voix que leur pourcentage, et dans une moindre mesure le Parti National Ecossais.


L'alliance No2EU – Yes to Democracy [Non à l'Union Européenne – Oui à la démocratie] a lutté pour percer le mur du silence, presque total, érigé par les médias à l'échelle nationale. En tant que nouvelle initiative, elle a manqué désespéremment d'une couverture médiatique.


La plupart des médias publics et capitalistes se sentaient bien plus à l'aise en gonflant les voiles des fascistes du BNIP et des nationalistes Britanniques de l'UKIP.


Ils ont bien vite compris ce que certains sectaires à gauche n'ont pu ou voulu comprendre, justement que No2EU était au fond une coalition formée dans les intérêts des travailleurs, des syndicats, et montée contre l'Union Européenne, les privatisations et le patronat capable potentiellement d'obtenir un soutien populaire.

Cela a été confirmé par la réception chaleureuse des militants qui ont fait campagne pour No2EU sur les marchés ou au porte à porte.


Oui, notre alliance a mis du temps à se former. Peut-être un meilleur nom et un programme plus clair et radical aurait-il pu être trouvés – bien qu'il soit difficile d'imaginer un forum regroupant différentes organisations en Grande-Bretagne et qui mette moins de 12 moins à parvenir un accord, sans que personne ne fasse cavalier seul ou ne claque la porte.


Le fait est que l'initiative No2EU a représenté un évenement historique au sein du mouvement ouvrier britannique. Un syndicat majeur, militant a décidé de forger une alliance avec des forces de gauche, progressistes afin de contester le pouvoir du patronat et de la clique du New Labour dans toute la Grande-Bretagne, dans des circonstances qui ne fassent pas déboucher cette opposition du mouvement ouvrier sur le retour d'un gouvernement Conservateur.


Distribuer 11 millions de tracts, organiser plus d'un millier d'initiatives publiques, des centaines de stands dans la rue et participer à 7 émissions électorales, tout en gagnant 153 000 voix soit 1%, et tout cela pour un premier départ, reste une performance honorable.


Surtout, No2EU a présenté un programme électoral qui mettait l'accent sur l'Union Européenne et ses politiques néo-libérales partagées, dans une large mesure, par les Travaillistes, les Verts, le Parti National Ecossais et le Parti du Pays de Galles.




La responsabilité de la montée de l'Extrême-Droite est à attribuer au Labour et à ses politiques de droite




Et ainsi nous en venons aux grands vainqueurs du 4 juin – les Fascistes du BNP, ce que sont sans aucun doute ses deux nouveaux députés européens Nick Griffin and Andrew Brons.


Le BNP est passé de moins de 150 000 voix à près d'un million, tandis qu'en terme de pourcentage de voix, ils ont progressé de près d'un quart.


On peut avoir quelques doutes sur le fait que la campagne de masse menée par le magazine Searchlight, l'organisation Unis contre le Fascisme et quelques autres, ait réussi à endiguer leur progression de manière substantielle. Exposer leur sympathies nazies et la futilité de leur fausses solutions a son effet, mais cela doit être fait tout au long de l'année.


Il n'y a pas de place pour l'autosatisfaction. En gagnant des sièges dans le Yorkshire et le Humberside et dans le Nord-Ouest, le BNP va élargir son audience et faire le plein d'argent européen.


Une réponse plus unitaire à la menace fasciste est nécessaire, mais chercher des boucs émissaires, comme cela commence à se faire dans certaines fractions de gauche, ne nous aidera pas.


C'est un fait que dans le Nord-Ouest, le fuhrer du BNP Griffin n'aurait pas été élu si au moins un quart des voix portés sur No2EU ou le Parti Socialiste du Travail ou 2% des voix portés sur le Labour avaient été portés sur le vote Vert, ou 20 000 voix de n'importe quel autre parti aurait été redirigé vers le Labour, ou encore le même cas de figure avec 14 000 voix pour les Libéraux-Démocrates ou 2 000 pour l'UKIP.


Choisir No2EU comme bouc émissaire simplement parce qu'elle a la témérité de se présenter, toutefois, est condamnable. Surtout parce que cela passe sous silence jusqu'à quel point celle alliance à contribuer largement à la lutte anti-fasciste dans les rues, dans sa littérature et à travers ces émissions électorales tant suivies que les chaînes télévisées et le BNP ont essayé de censurer.


Non, la responsabilité de la percée du BNP est à attribuer à la clique du New Labour qui a pris en hotage le Parti Travailliste.


Ces politiques de privatisation, de soutien à la guerre et de mise en place d'un Etat policier, le fait qu'il préfère renflouer les banquiers et les spéculateurs plutôt que venir en aide aux travailleurs et à leurs familles, son passé fait de mensonges et de corruption à Westminster, ont détourné du parti les électeurs de la classe ouvrière, par millions.


Réparer les dégâts causés par le New Labour et récupérer du désastre ce qui en vaut encore la peine est désormais la responsabilité urgente qui incombe au mouvement ouvrier et à la gauche non-sectaire.

Cela ne peut être réalisé seulement lors des échéances électorales, et certainement pas d'ici à la prochaine élection législative.




Organiser des initiatives de masse, grèves et manifestations, pour contraindre le gouvernement Travailliste à changer de cap




Une relance massive des initiatives de masse de toute sorte, y compris par la grève si besoin est, est nécessaire pour défendre les intérêts de la classe ouvrière et pour combattre les politiques pro-patronales et bellicistes du New Labour.


Un mouvement pour la Charte du Peuple doit être construit à l'échelle locale, dans les quartiers, à travers toute la Grande-Bretagne, impliquant des masses en attente de politiques de gauche, progressistes.


Ceci constitue la meilleure base sur laquelle les organisations socialistes et syndicales peuvent discuter de l'éventualité de développer une grande alliance qui pourrait avoir une approche réaliste, unitaire et non-sectaire de la question électorale.


Mais surtout, le gouvernement Travailliste doit être contraint à changer de cap afin d'éviter l'élection d'un gouvernement Tory encore plus droitier.


Les dirigeants des syndicats qui ont financé les Nouveaux Travaillistes qui ont détruit le Parti Travailliste devraient organiser un défilé de masse avec un message simple pour Gordon Brown: « Stop aux privatisations et à la casse des services publics, taxer les super-riches, s'engager à ce que les chemins de fer et les services d'intérêt général redeviennent propriété publique, soutenir la Loi sur la Liberté Syndicale, abandonner les projets pour une nouvelle génération d'armes nucléaires et retirer les troupes d'Afghanistan – ou alors plus aucune cotisation de nos adhérants ne financera votre défaite aux élections législatives. »

 

Traduit de l'anglais depuis le site du Morning Star: http://www.morningstaronline.co.uk/

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