Quand un dirigeant du Bloc de Gauche est l'exécutant du patronat dans la lutte des travailleurs d'Autoeuropa

 

L'entreprise Autoeuropa, dont la principale usine se trouve à Setubal, est responsable de l'assemblage de plusieurs véhicules des firmes Volkswagen, Seat et Ford. Usant comme prétexte les difficultés que connait le secteur automobile, la direction a imposé aux travailleurs un chantage inacceptable tristement habituel ces derniers temps (cf Volkswagen en Allemagne ou Goodyear à Amiens). Travailler plus pour gagner moins. Outre les contradictions d'une direction qui veut dans le même temps faire travailler plus les ouvriers de l'usine et réduire la production, les travailleurs d'Autoeuropa, qui ont déjà consenti à d'immenses sacrifices ces dernières années, sont décidés à ne plus faire de concessions.

Sur la scène publique, le clivage est clair. Du côté du patronat, on retrouve le gouvernement PS, avec en première ligne son chef, le premier ministre Socrates, et l'opposition de droite. Ils reprennent sans mal la rhétorique patronale de la nécessité de faire des sacrifices en temps de crise, de l'adaptation aux conditions nouvelles imposées par la concurrence mondiale et fustigent l'archaisme du syndicalisme de classe.

Mais qui fait face à cette coalition patronale? La gauche? Oui, mais quelle gauche. Pour ceux qui pensent que le Bloc de Gauche et le PCP, au-delà de divergences tactiques, se retrouvent dans un vaste espace de « gauche radicale » et représentent tous deux les travailleurs et les intérêts, cette lutte est le révélateur non seulement des différences entre les deux partis mais même de l'opposition entre ces deux partis et leurs stratégies. Et cette opposition, qui peut paraître floue au plan national, devient plus claire au sein des entreprises, quand les travailleurs se mobilisent contre le chantage patronal.

Ainsi, à Autoeuropa, on retrouve, d'un côté, celui de la direction, le bloc de Gauche, avec ici l'ancien député Antonio Chora, qui est aujourd'hui président de la Commission des Travailleurs d'Autoeuropa qui a signé cet accord honteux avec la direction et qui ne cesse de vanter les mérites de cet accord et de fustiger l'attitude jusqu'au boutiste du syndicats de classe et du parti. De l'autre, justement, le Parti Communiste (ainsi que le syndicat de classe ultra-majoritaire des Métallurgiques du Sud lié à la CGTP, le syndicat communiste), qui n'est pas seulement aux côtés des travailleurs à travers l'expression solidaire de son secrétaire-général, mais qui impulse et anime directement la lutte à travers la cellule du PCP à Autoeuropa.

AC

 

Traduction AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

 

Autoeuropa


de Filipe Diniz


Tout le monde sait bien, même si les intéressés n'aiment pas qu'on le dise, que les grands médias (et pas seulement) vont main dans le main avec le Bloc de Gauche. Mais avec M. Antonio Chora, on peut dire qu'ils sont bras dessus, bras dessous.

On comprend bien de quoi il s'agit. Si pour le grand capital, il est précieux d'avoir une rustine électorale qui évite qu'un trop grand de voix ne s'échappe vers le PCP et la CDU – voix qu'il estime pouvoir récupérer tôt ou tard –, il est bien plus précieux d'avoir un contre-maître dont la tête est remplie par l'idéologie de la classe dominante.

Dans la lutte de classes, il y a des épisodes qui prennent une double valeur: une valeur intrinsèque et une valeur symbolique. Et c'est le cas actuellement d'Autoeuropa, de la résistance de ses travailleurs, et du violent chantage dont ils sont victimes, surtout depuis qu'ils ont rejeté le pré-accord négocié entre la direction et la CT [la Commission des Travailleurs – organe de représentation des travailleurs au Portugal] . De Socrates et son gouvernement jusqu'à l'UGT [centrale syndicale réformiste liée au Parti Socialiste] en passant par les grands médias, en particulier ceux contrôlés par Belmiro de Azevedo [une des plus grandes fortunes du Portugal, propriétaire de plusieurs journaux du pays] , il ne se passe pas un jour sans qu'une menace ne soit proférée, sans que les travailleurs ne soient mis dos au mur, sans que les travailleurs ne soient poussés à accepter de nouvelles concessions, ce que beaucoup se voient être contraints à faire. Et il ne se passe pas un jour sans que M.Chora, en prenant toutefois ses précautions, ne vienne se joindre à leur choeur.

Là où on exigerait d'un dirigeant de la résolution dans la défense des intérêts de classe, chez M.Chora ce que l'on trouve, c'est un ressucé des arguments de l'administration, la disposition réaffirmée à liquider les droits sociaux, l'attaque contre les travailleurs qui ont eu le courage de s'opposer, la rhétorique anti-communiste.

M.Chora, et avec lui certainement le Bloc de Gauche, trouve rétrograde le syndicalisme de classe (terme qu'il écrit en guillemets), et trouve qu'il faut « s'adapter » (25 janvier 2009, www.esquerda.net). S'adapter aux « nouveaux systèmes de travail », à la « flexibilité », aux « nouvelles formes de polyvalence », aux « nouveaux horaires de travail en assumant les charges de travail ». Pour cette « adaptation », la lutte n'est pas nécessaire, car ces mots sont justement une musique qui sonne bien aux oreilles du grand patronat.

La lutte d'Autoeuropa se poursuivra dans la voie que ses travailleurs se sont fixés. Son issue dépendra, en dernier lieu, de leur unité et de leur conscience de classe.

Des choses dont M.Chora ne sait même pas ce qu'elles signifient.


Numéro 1857, du 2 juillet 2009 d'Avante: http://www.avante.pt/


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