Zelaya de retour au Honduras

Le peuple défie la dictature dans la rue

 

Article publié dans Avante, Numéro 1869 du 24 septembre

 

Traduction JC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

 

Le président légitime du Honduras, Manuel Zelaya, est revenu au pays ce lundi, 21 septembre, et s'est réfugié dans l'ambassade du Brésil. Bien que le gouvernement usurpateur ait imposé un couvre-feu, le peuple est descendu dans la rue pour soutenir Zelaya.

 

La décision de Zelaya de rentrer clandestinement au pays, au 86ème jour de son exil manu militari, a surpris tout le monde. Le gouvernement de facto de l'entrepreneur Roberto Micheletti, qui a pris le pouvoir après le coup d'Etat du 28 Juin et qui a déposé et déporté Zelaya, a été totalement pris au dépourvu et a passé une bonne partie de la journée à démentir les nouvelles annonçant le retour du président. C'est seulement après que Zelaya ait donné une interview à la chaîne locale Canal 11 et qu'il soit apparu au balcon de l'ambassade brésilienne à Tegucigalpa pour saluer ses milliers de supporters qui s'était pressés à ses alentours, que les putschistes se sont rendus à l'évidence.

 

Les réactions ne se sont pas faites attendre: Micheletti a imposé le couvre-feu, fait fermer les quatre aéroports du pays et a donné l'ordre de réprimer les manifestants qui s'étaient rassemblés près de l'ambassade du Brésil. Les premiers affrontements ont eu lieu dans la matinée de mardi. Selon le correspondant de Telesur dans la capitale hondurienne, Adriana Sivori, les forces militaires ont pris position aux alentours de l'ambassade avec l'objectif exprès de faire évacuer la zone. On ne connaît pas, à l'heure où cette édition est bouclée, quelles conséquences auront ces actes dictés par le désespoir des putschistes, qui peuvent compter sur le soutien de l'oligarchie du pays mais pas sur celui du peuple. Ce que l'on sait, c'est que Zelaya, en rentrant clandestinement sur ses terres, a contrecarré les plans de ceux qui se préparaient à laisser filer le temps jusqu'à la mascarade électorale de Novembre qui était censé légitimer le coup d'Etat.


 

Faire ce qui doit être fait


 

Dans une interview à Canal 11, Zelaya a parlé franchement. « Je suis venu faire ce qui aurait du être fait dès le début, mettre un point final aux éléments de médiation dans ce processus et trouver une solution en face à face à ce problème » a dit le président légitime, soulignant que son retour est « pratiquement une question de conscience, un devoi ». Cela renforce l'idée, selon Zelaya, qu'il est nécessaire de mettre un terme à la situation d'isolement dans laquelle se trouve le pays et les conséquences dramatiques qui en découlent. « Le Honduras ne peut pas continuer à vivre dans cette situation, isolé de la communauté internationale, condamné par les organismes internationaux, avec une crise économique, politique et sociale très profonde », a-t-il dit, insistant sur le fait que « le peuple a déjà senti la poigne de fer de la répression qui ne peut pas perdurer ».

 

Tout en remerciant son homologue brésilien Lula da Silva et l'ambassadeur Celso Amorim de lui avoir « ouvert leurs portes afin de lutter pour la démocratie hondurienne », Zelaya a assuré qu'il dialogue directement avec le secteur patronal du pays qui a contribué au succès du coup d'Etat, et a réaffirmé être disposé à trouver une solution pacifique au conflit. « C'est pour cela que je suis revenu au pays, pour dire que nous allons reconstruire la démocratie, pour dire aux honduriens que c'est notre démocratie et que personne ne peut nous la voler », a-t-il affirmé.

 

Le président légitime a également regretté que le gouvernement ait instauré l'État de siège « parce qu'est revenu le président que le peuple a élu pour gouverner », et demandé la fermeture des aéroports « pour empêcher la venue du secrétaire-général de l'OEA [José Miguel Insulza] qui cherchait à trouver une solution au conflit ». Une telle attitude, a-t-il fait remarquer, est une preuve que le gouvernement putschiste n'est pas le moins du monde intéressé à se replacer dans la légalité et à restaurer la démocratie.

 

Zelaya est sûr de pouvoir compter sur le soutien des masses et même « d'entrepreneurs honnêtes ». Les professeurs ont décrété une grève générale illimitée et dans tout le pays des milliers de personnes marchent en direction de la capitale, et rencontrent en cours de route des forces armées et policières qui cherchent à leur bloquer le passage. A Tegucigalpa, malgré le couvre-feu et le déploiement des forces de l'ordre autour des édifices de l'ONU et de l'ambassade du Brésil, des milliers de personnes se sont déclarées disposées à rester dans la rue tout le temps qu'il serait nécessaire pour protéger l'intégrité du président qu'ils ont élu démocratiquement.


 

Appel à la communauté internationale


 

Dans une déclaration diffusée ce mardi 22 septembre, Manuel Zelaya en a appelé à la communauté internationale « pour qu'elle intervienne de manière plus vigoureuse » contre le gouvernement putschiste de Micheletti, dénonçant la répression des manifestants qui se sont rassemblés près de l'Assemblée du Brésil où il se trouvait.

 

Les inquiétudes de Zelaya sont justifiées. D'une part, la campagne de désinformation sur le Honduras est une réalité, aggravée par la censure imposée à l'intérieur du pays aux médias qui ne se rangent pas derrière le « gouvernement de fait ». D'autre part, tant les Etats-Unis que l'Union Européenne (UE) ont réagi de manière équivoque au retour du président du Honduras

 

Aux Etats-Unis, le porte-parole du département d'Etat, Ian Kelly, a appelé « au calme » les deux parties. « Je crois qu'en ce moment tout ce que l'on peut dire, c'est réitérer notre appel quotidien à ce que les deux parties se passent d'actions qui auraient un dénouement violent » a-t-il dit.

 

Dans le même temps, la secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, et le président costa-ricain Oscar Arias, ont affirmé espérer que le retour de Zelaya au pays pourrait servir à ce que « toutes les parties retournent à la table des négociations ». Clinton et Arias trouvent naturel que l'on « négocie » avec les putschistes qui ont usurpé le pouvoir.

 

L'UE insiste également sur la « négociation ». Dans un communiqué publié par la présidence suédoise on souligne « l'importance d'une solution négociée pour la crise actuelle au Honduras ».

 

Le texte « exhorte toutes les parties à s'abstenir de toute action qui pourrait accroître la tension et la violence » ce qui paraît une critique à peine voilée à l'appel de Zelaya aux forces armées à ce qu'elles ne tournent pas leurs armes contre le peuple mais au contraire les retournent contre les ennemis du peuple.


 

L'ALBA soutient le retour de Zelaya

 

Les gouvernements de l'Alliance Bolivarienne pour les Peuples d'Amérique (ALBA) a publié ce mardi un communiqué exprimant son soutien au retour de Zelaya au Honduras et appelant la communauté internationale à ce qu'elle soutienne la décision prise « par le président légitime et constitutionnel » de « se voir rétabli dans ses fonctions présidentielles ».



« Le retour du président Manuel Zelaya au Honduras est conforme aux décisions adoptées par l'Alliance Bolivarienne pour les Peuples de Notre Amérique, par l'Assemblée Générale des Nations-Unies, par l'Organisation des Etats Américains, par le Groupe de Rio, entre autres, et ouvre le chemin à la restauration de la démocratie hondurienne, sérieusement atteinte par le coup d'Etat du 28 juin 2009 » - lit-on dans le communiqué.



Le texte, rendu public par l'ambassadee vénézuelienne, fait remarquer également que les gouvernements de l'ALBA, conscients des « violations continues des droits de l'Homme et des libertés fondamentales commises par la dictature [de Roberto Micheletti], exhortent les gouvernements d'Amérique Latine, des Caraïbes, et du monde, les organismes régionaux et internationaux, ainsi que les mouvements et organisations sociales, à mettre en œuvre des actions coordonnées qui permettent au gouvernement légitime de Manuel Zelaya d'être rétabli dans ses fonctions ».



Le document souligne, pour terminer, le fait que les gouvernements de l'ALBA considèrent que le rétablissement de Zelaya dans ses fonctions doit se dérouler « sans aucunes conditions préalables », en « conformité avec la volonté démocratique exprimée par le peuple hondurien, qui de manière souveraine l'a élu comme président de la République du Honduras ».



Chronologie:



28 Juin – Les militaires enlèvent Zelaya et le déportent au Costa Rica; Michelletti se saisit de ses fonctions présidentielles;



29 Juin – L'ONU condamne le coup d'Etat; des milliers de personnes manifestent pour revendiquer le rétablissement de la légalité démocratique;



1er Juillet - L'OEA demande le rétablissement de Zelaya dans ses fonctions dans un délai de 72 heures; l'État de siège est imposé, la censure instaurée et les libertés fondamentales restreintes;



5 Juillet – Zelaya tente de revenir au pays, mais les militaires bloquent l'aéroport de Tegucigalpa l'empêchant d'atterrir; des milliers de personnes qui sont venues sur place soutenir le président sont réprimées;



7 Juillet – Zelaya est reçu à Washington par Hillary Clinton; les Etats-Unis prônent la voie de la négociation avec le président du Costa Rica, Oscar Arias, comme « médiateur ».



18 Juillet – Arias présente un plan en sept points qui prévoit le rétablissement de Zelaya dans ses fonctions de président jusqu'à la fin de son mandat, en Janvier, mais le gouvernement putschiste refuse la proposition;



11 Août– Les forces de l'ordre répriment violemment des milliers des personnes qui, comme cela se passe tous les jours dans le pays, manifestaient à Tegucigalpa et à San Pedro Sula pour demander le retour de Zelaya;



21 Août – La Commission interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH) dénonce « l'usage disproportionnée de la force » par la Police et l'Armée honduriennes;



31 Août – La campagne pour les élections générales du 29 Novembre commence au Honduras;



14 septembre – Le représentant du Honduras à Genève, Delmer Urbizo, est expulsé du Conseil des Droits de l'Homme à l'ONU, après avoir manifesté son soutien au gouvernement putschiste;



21 septembre – Manuel Zelaya rentre clandestinement à Tegucigalpa est s'installe à l'ambassade du Brésil; le gouvernement putschiste impose le couvre-feu, ce qui n'empêche pas des milliers de personnes de se réunir près de l'ambassade pour soutenir le président légitime.



Site d'Avante: http://www.avante.pt/

 



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