cpusa.jpgVieilles luttes dans une « Nouvelle ère » : le Parti Communiste des Etats-Unis dans les années 1960


Par Norman Markowitz, professeur d'histoire à Rutgers University, et membre du Parti Communiste des Etats-Unis



Traduit par AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net


 

Bien que la législation McCarthyste et le harcèlement gouvernemental ciblant le Parti Communiste et ses membres aient continué dans les années 1960, les dirigeants et les militants du parti ont contribué à l'émergence d'un nouveau mouvement de masse qui s'est développé en opposition à la réaction politique et la stagnation sociale due à la mise en œuvre des politiques internes et internationales de Guerre Froide. Les communistes ont aussi lutté pour ralentir la course aux armes nucléaires dont la seule issue idéologique logique était ce que l'historien marxiste Britannique E.P.Thompson appelait « l'exterminisme ».



Au cours de cette décennie, le mouvement des droits civiques/de libération des Noirs Américains, dans lequel les Communistes ont joué un rôle central depuis les années 1920, a servi de catalyseur pour tous les autres, rendant les tactiques de protestation de masse, interdites par les mesures de Guerre Froide, légitimes aux yeux de millions de personne.



La Guerre Froide se réchauffe



La « doctrine Truman » de 1948 a mondialisé la « diplomatie de la canonnière » comme fondement de « l'endiguement » de Guerre Froide. La Révolution Cubaine a constitué le premier défi régional à un impérialisme Américain apparemment invincible dans cette décennie. Jusque là, Cuba avait servi de modèle régional pour la « diplomatie de la canonnière » Etats-unienne, au nom de la « liberté » et de « l'auto-détermination », depuis la guerre Hispano-Américaine. Au Vietnam, les Etats-Unis ont créé « un État tampon », une « nouvelle Corée du Sud » en violation des accords de Genève de 1954. Cela a mené à une escalade militaire ultérieure devant la défaite qui se profilait et qui conduira à la mort de millions d'indochinois et de près de 60 000 soldats Etats-uniens. Les Communistes aux Etats-Unis ont mené campagne, comme ils l'ont toujours fait, contre le racisme et l'impérialisme dans cette nouvelle période, cherchant à impulser et à renforcer les mouvements de masse populaires.



L'escalade Etats-Unienne de la guerre au Vietnam en 1965 a coïncidé avec la marche arrière de l'administration Johnson sur sa « guerre contre la pauvreté » et les programmes de la Grande Société. Ces répercussions ont débouché à la fois sur les révoltes urbaines et la radicalisation politique et culturelle. Pendant ce temps, les Communistes ont lutté pour rallier les travailleurs aux campagnes pour les droits civiques et pour la paix et pour s'opposer à la fragmentation qui se développait dans le mouvement pour les Droits Civiques. Nombre d'entre eux ont cherché à aider la mise en œuvre du programme de Martin Luther King, dans sa tentative dans les dernières années de sa vie de porter le mouvement jusqu'aux villes du Nord et de centrer la campagne sur la lutte pour la justice économique et sociale, en développant une définition plus profonde et plus large des droits fondamentaux des citoyens Afro-Américains.



Angela Davis, une intellectuelle et universitaire Afro-Américaine, est venue au Parti Communiste à partir de ces luttes. En 1969, le Bureau des Régents de l'Université de Californie – sous les ordres de Reagan – a viré Davis de son poste d'enseignant à l'UCLA sous prétexte qu'elle était une Communiste. En 1970, elle est accusée de complicité dans une « conspiration » qui a mené à une fusillade dans un tribunal Californien et l'a contrainte à vivre cachée. Davis a obtenu comme « distinction » d'être la troisième femme sur la Liste des 10 Femmes les plus recherchées par le FBI. Un jury l'a déclaré non-coupable en 1972, en partie parce qu'un mouvement international s'est levé pour la défendre et l'aider à gagner le droit à un procès équitable au tribunal. Elle a plus tard gagné la bataille pour récupérer son poste d'enseignant à l'Université de Californie. Les deux événements ont été des grandes victoires contre la culture politique de Guerre Froide.



Angela Davis a résumé avec éloquence ce que voulait dire être un Communiste dans les années 1960 quand elle écrivait « comme étudiante, comme Américaine et comme Communiste, j'ai participé dans des luttes communes pour les libertés démocratiques, pour les droits civiques et pour la paix (…) Je suis un membre du Parti Communiste parce que je vois que ce Parti a des principes qui combinent une vision particulièrement éclairée de la société avec un sens de l'humanité et de la paix que je n'ai trouvé nulle part ailleurs. »



« [Le CPUSA se bat pour] mettre fin à la pauvreté » écrivait Davis, « mettre fin au racisme; mettre fin à l'intervention états-unienne au Vietnam et en République Dominicaine (...) Au nom du sacro-saint anti-communisme, ce gouvernement a mené des chasses aux sorcières, exécuté et incarcéré ses victimes. Il a mené des guerres, renversé des gouvernements (par la force et par la violence) (…) Il est temps d'affirmer le droit d'être un Communiste, le droit pour les Communistes à parler et à agir; et le droit du peuple Américain à écouter et à penser par lui-même. »



Le Parti et le mouvement étudiant



Gagner ces droits à parler et à agir en tant que Communistes restait une bataille difficile. Contrairement à d'autres à gauche, on n'accordait même pas aux Communistes ce que le vieux professeur de philosophie de Davis, Herbert Marcuse, appelait la « tolérance répressive », c'est-à-dire la création de niches marginalisées dans lesquelles les voix dissidentes pouvaient s'exprimer mais restaient suffisamment isolées pour les empêcher de parvenir à une quelconque influence sérieuse. Les Communistes devaient toujours batailler dur pour le respect le plus élémentaire du Premier Amendement.



Des leaders éminents du CPUSA, Gus Hall, Ben Davis et James Jackson, entre autres, ont lutté pour regagner le droit à s'exprimer sur les campus universitaires. Quand Ben Davis a été invité à prononcer un discours au City College de New York (CCNY) en 1958, les autorités lui ont brutalement nié le droit à s'exprimer et, pour les étudiants qui l'avaient invité, à l'entendre. Le FBI, dans le cadre de son programme Cointelrpo, avait fait de l'interdiction des discours du CPUSA sur les campus une priorité.



Mais les étudiants du CCNY n'avaient pas abandonné l'idée d'inviter Davis sur le campus. Davis a vaincu les autorités en gagnant le droit à s'exprimer au CCNY trois ans plus tard. Quelques années après ces événements, moi-même, étudiant au CCNY, l'ai vu s'exprimer lors d'un meeting du Club de Débat Marxiste (dont je dois dire, hélas, qu'en être membre me faisait peur à l'époque). Il était le premier Communiste que je voyais en chair et en os, et j'étais impressionné. Gus Hall, secrétaire-général du CPUSA, qui était une cible prioritaire du harcèlement du FBI (de manière honteuse, ils ont utilisé le fait qu'il avait été emprisonné sous l'Act Smith pour lui refuser tout une série de droits fondamentaux, y compris l'accès à un permis de conduire), a parlé à plus de 19 000 étudiants dans le cadre d'une tournée des universités de la Côte Pacifique en 1962. En parlant de cette tournée, Hall a insisté sur la performance mais l'a replacé dans un contexte Marxiste: « Les réalités des années 1930, c'était la Dépression et la montée du fascisme. Comparée aux réalités complexes de notre temps, elles était relativement simples. »



Hall poursuivit en disant que « cette magnifique nouvelle jeune génération » voulait le débat et non l'agitation, comprenant que le droit des Communistes à jouir du Premier Amendement n'était pas seulement fondamental pour respecter les droits de tous, mais était aussi un désir d'entendre les Communistes présenter leur analyse. Mais Hall devait admettre que les préjugés contre les Communistes étaient « énormes », étant donné le pouvoir qu'avait les milliards de dollars dépensés en propagande à la fois pour isoler le CPUSA et « déformer et créer la confusion dans la façon dont les Américains pouvaient comprendre le vrai problème, les vrais ennemis qu'ils avaient à affronter. » Hall voyait dans cet isolement « le véritable obstacle. Un élément qui sonne encore juste aujourd'hui (…) surtout si nous nous isolons nous-mêmes (…) Nous devons abattre le mur idéologique que nous avons construit entre nous-mêmes et les gens. »



Libération des Noirs Américains



Abattre les murs idéologiques a toujours été une partie importante du travail du Parti dans le mouvement de libération Afro-Américain. Claude Lightfoot, un leader Afro-Américain du parti à Chicago, que le FBI voyait comme une menace majeure, a écrit de manière très subtile sur les « rébellions des ghettos » dans une analyse importante publié par International Publishers en 1968 (La haine personne de J.Edgar Hoover pour Lightfoot provenait d'un rapport de surveillance indiquant qu'il avait dansé avec une femme blanche. Hoover se moquait de lui en privé en le traitant de « danseur »). A l'époque où l'ensemble de la presse établie les appelait « émeutes des ghettos » au mieux, « émeutes raciales » au pire. Lightfoot a insisté sur les causes et les facteurs sociaux, la pauvreté de masse, le chômage et l'absence de services publics – motivés par un racisme institutionnel – qui ont poussé tant de personnes dans les zones urbaines à exprimer leur mécontentement et à se révolter.



Si l'on veut vraiment comprendre ce qui se passait du côté de Watts à 1965 ou de Newark et de Detroit en 1967, The Daily Worker, édité par James Jackson, un important théoricien du mouvement de libération Noir, était probablement le meilleur endroit où aller. Ils n'étaient pas des Communistes dogmatiques dans leurs analyses, comme la légion de leurs ennemis établis n'ont cessé de le répéter.



Par exemple, dans un compte-rendu de la rébellion de Watts à Los Angeles en 1965, William Taylor, président de la Commission du CPUSA chargée de la Libération des Noirs, a écrit en termes positifs sur le livre de l'ancien président d'Harvard James Conant, Slums and Suburbs (Bidonvilles et banlieues), dans son analyse de l'événement comme une rébellion contre la pauvreté contre laquelle l'Administration Johnson avait déclaré la guerre. Taylor a aussi exprimé son approbation du travail de Michael Harrington, L'Autre Amérique (Harrington était un socialiste anti-communiste qui s'est opposé aux militants du CPUSA qui faisaient partie d'organisations de masse).



La militarisation est une question de classe



Les Communistes ont aussi pointé du doigt les fondements économiques de la politique militaire états-unienne dans la période. Bien que l'historien Richard Hofstadter (lui-même figure éminente de l'establishment libéral et ancien membre du Parti Communiste) ait parlé de « Keynésianisme militaire » quelques années auparavant, le théoricien du Parti Communiste Hyman Lumer avait traité la question du « Rôle Économique des Dépenses Militaires » à un Colloque sur le Désarmement en 1960, une année avant que Dwight Eisenhower ait utilisé le terme « complexe militaro-industriel » dans son Discours d'adieu de 1961 – une phrase et un concept qui retentit toujours à travers le monde.



Lumer soutenait que mis à part l'effet de stimulation de la demande à court-terme que cela aurait pu avoir, les dépenses militaires prenaient des fonds aux programmes sociaux nécessaires, « écoles, hôpitaux, logement à loyer modéré et autres besoins sociaux vitaux ».



Le désarmement était fondamentalement une question de classe, un domaine majeure de la lutte de classe aux Etats-Unis. En des termes qui sont plus d'actualité aujourd'hui qu'ils ne l'étaient même en 1960, Lumer concluait: « Puisque les effets [la stimulation de la demande par les dépenses militaires] sont temporaires et limités, ils peuvent seulement être prolongés par de nouvelles augmentations des dépenses militaires. Une telle ligne d'action, si elle est poursuivie jusqu'au bout, mène à la militarisation totale de l'économie, accompagnée par une paupérisation extrême des travailleurs. »



Cuba



La révolution Cubaine, initialement accueillie favorablement par un grand nombre d'Américains, alors qu'elle choisissait la voie socialiste, a déclenché les foudres des administrations Eisenhower et Kennedy. Le CPUSA a soutenu activement la révolution et souligné ses réalisations. Dans leurs groupes et organisations locales, les Communistes ont dénoncé le blocus lancé contre Cuba par l'administration Eisenhower, l'invasion désastreuse de la Baie des Cochons menée par l'administration Kennedy, et la crise Cubaine des missiles, qui a failli engendré une guerre nucléaire.



Pendant la crise des missiles, les Communistes ont travaillé avec une grande variété de militants pacifistes pour organiser des actions de protestation et des manifestations visant à arrêter l'escalade des tensions. En outre, le CPUSA a indiqué que la fin de la crise, qui a été saluée aux Etats-Unis comme une victoire sur l'Union Soviétique, devrait fournir la base d'une réflexion sobre. « Heureux d'être vivant, disent 10 000 personnes devant les Nations Unies », pouvait-on lire à la une du Worker à la fin de la crise. The Worker a également montré l'absurdité de la position de l'administration Kennedy puisqu'elle reposait en fait sur l'idée suivante: « Voulons-nous que l'Union Soviétique arrête, recherche ou coule nos bâteaux à destination des ports Turcs? Voulons-nous que la Chine arrête, recherche ou coule nos bâteaux à destination du Japon ou d'Okinawa? »



Plutôt que de dénoncer simplement la politique Etats-Unienne, the Worker, en réponse à la gravité de la situation, soutenait que « les différends avec Cuba pouvaient attendre des négociations et trouver un règlement à la table des négociations mais que la menace de guerre, que porte en lui ce blocus inconscient, ne peut attendre (…) [Nous lançons tous un appel pour] demander que le Président Kennedy respecte les sages conseils des Nations Unies d'entrer en négociations immédiates avec Cuba et l'Union Soviétique pour un règlement sensé et pacifique des questions en débat. »



Rétablir les libertés civiques



Les Communistes ont également contribué à la renaissance de l'intérêt dans le Marxisme, enracinée dans la vie réelle des années 1960. Les jeunes et les étudiants ont particulièrement trouvé un intérêt croissant dans les écrits et la pensée Marxiste, que les fanatiques de la Guerre Froide étaient parvenues à marginaliser pendant la période d'après-guerre. En 1964, Herbert Aptheker, historien éminent de l'esclavage et militant de premier plan du CPUSA, fondait l'Institut Américain d'Etudes Marxistes (AIMS) qui a aidé à soutenir les travaux qui permettraient au Marxisme d'avoir une audience aussi large que possible.



Les militants de la Jeunesse Communiste ont aussi fondé les Clubs d'Amérique W.E.B. Du Bois à San Francisco en 1964. Les clubs ont rapproché les étudiants et les jeunes travailleurs. Dès leurs débuts, les Clubs Du Bois étaient la cible privilégiée à la fois de la droite et du gouvernement Etats-Uniens. Quand le QG national des clubs Du Bois a été attaqué à l'explosif, le FBI a refusé d'enquêter sur l'accident. En 1967, dix ans après la mort de Joe McCarthy, le Département de la Justice a tenté de détruire les Clubs Du Bois. Cette même année, la Cour Suprême a entendu l'affaire les Clubs d'Amérique W.E.B. Du Bois contre Clark. Après que le ministre de la Justice Ramsey Clark a porté réclamation auprès du McCarthyste Bureau de Contrôle des Activités Subversives en en faisant une organisation du « Front Communiste », les Clubs ont contre-attaqué et ont poursuivi les dispositions concernant les organisations du « Front Communiste », en tentant des les faire invalider comme anti-constitutionnelles.



Bien que l'Acte McCarran ait été grandement affaibli au cours de la décennie précédente, et que beaucoup ont vu dans la manœuvre de Clark une tentative d'effrayer des membres potentiels du Club de le rejoindre, la majorité de la Cour a confirmé que le Département de la Justice avait le « droit » de défendre leur cause. Lors de cet arrêt, le juge William O.Douglas a exprimé avec éloquence une voix dissidente, rejoint par le juge Hugo Black. Ils ont écrit: « Les membres des Clubs Du Bois peuvent ou peuvent ne pas être Communistes. Mais, comme je l'ai dit, je ne vois pas de possibilités sous notre constitution de condamner quelqu'un parce qu'il a telle ou telle croyance. Les Clubs Du Bois peuvent défendre des causes qui rejoignent la pensée Communiste ou des activités communistes. Ils apparaissent, par exemple, comme défendant la fin des hostilités au Vietnam. Mais tant qu'il s'agit de plaidoyer, je ne vois pas de moyen constitutionnel de limiter leur liberté aussi longtemps que nous avons le premier amendement. »



La majorité du Tribunal n'a pas opposé d'objections philosophiques sur ce point, qui avait été développé depuis de nombreuses années – choisissant plutôt de s'attarder sur des questions procédurales. Ramsey Clark, ironiquement, des années après avoir quitté l'administration Johnson, est devenu le chantre d'initiatives et de politiques anti-impérialistes souvent plus radicales que celles pour lesquelles les Communistes ont été poursuivis. Une petite note comique à cette affaire, c'est que Richard Nixon a mené une campagne contre les Clubs Du Bois tellement loin que ses supporteurs ont commencé à dire que les « Boys Clubs d'Amérique » [sorte d'organisation de jeunesse charitable et conformiste] étaient une organisation Communiste!



Bien que la répression anti-communiste ait continué, les droits civiques des Communistes ont été peu à peu restitués. Une lutte importante à cet égard s'est concentrée autour de l'Acte Landrum-Griffin, un acte additionnel anti-communiste à l'Acte anti-ouvrier Taft-Hartley adopté en 1959 soi-disant pour combattre le « racket du travail. » Quand Archie Brown, membre de premier plan du CPUSA, a été élu au Bureau National de l'ILWU, il a été poursuivi et condamné à 6 mois de prison pour avoir gagné une élection, puisque les communistes se voyaient interdits d'occuper une quelconque position de direction syndicale. Cette fois, les avocats de l'ILWU, rejoints par ceux l'ACLU (qui ne défendait pas les droits des Communistes une décennie plus tôt), a gagné l'annulation de la décision soit inversée en cour d'Appel en 1964 avant de remporter une victoire éclatante à la Cour Suprême des Etats-Unis en 1965. Dans sa décision, le Juge suprême Earl Warren a déclaré que la loi telle qu'elle s'appliquait envers Archie Brown « constituait manifestement un Bill d'attainder ».



Dans le fond, toutes les lois anti-Communistes dès le début ont été des Bills d'attainder, c'est-à-dire des lois ciblant un individu ou un groupe et les privant d'une protection égale devant la loi. Pendant une génération, peu ont eu le courage de le dire. Désormais, le Juge en chef de la Cour Suprême le dit.



Dans la lutte contre la répression visant les Clubs Du Bois et les droits des travailleurs, les Communistes ont aidé à faire progresser la cause des libertés civiques et de la liberté d'expression aux Etats-Unis.



Enfin la paix?



Les Communistes ont également contribué fortement au développement du mouvement contre la guerre au Vietnam aux Etats-Unis. Alors que l'administration Johnson lançait l'escalade militaire en 1965, la militante du Parti Communiste Betty Gannett écrivait un pamphlet puissant, « Mettre fin à la guerre au Vietnam ». Elle y exposait une analyse historique concise de l'engagement des Etats-Unis au Vietnam – ce type d'analyse qui a aidé le mouvement pacifiste à se développer et qui est aujourd'hui est largement accepté dans une version édulcorée dans les textes d'histoire. Gannett y détallait le rôle du colonialisme Français, le soutien des Etats-Unis à la France dans sa guerre coloniale, juste après la seconde guerre mondiale, en Indochine, au mépris de l'histoire anti-coloniale des Etats-Unis, la violation des accords de Genève de 1954 et l'installation de Ngo Dinh Diem, un tyran du Nord sur le Sud à prédominance Bouddhiste, tout cela en se servant de sources issues des médias dominants



Avec un œil pour ce qui était important, Betty Garnett a cité l'éditeur du magazine Look, qui avaient ses entrées dans les hautes sphères du pouvoir et qui écrivait sur Diem: « Le Secrétaire d'Etat John Foster Dulles l'a choisi », retranscrivait-elle. « Le Sénateur Mike Mansfield (alors chef de la majorité démocrate) a donné son aval. Francis Cardinal Spellman, farouchement anti-communiste et soupçonné de corruption en tant que Cardinal du diocèse de New York l'a loué. Le vice-président Richard Nixon l'aimait et le Président Dwight D.Eisenhower le trouvait OK. » Plutôt, je dirais, la façon dont un membre du gouvernement est choisi en consultation avec les chefs de groupe au Sénat.



Les jeunes communistes ont joué aussi un rôle important dans le développement d'une opposition de la base à la guerre. En 1966, trois conscrits issus de la classe ouvrière, James Johnson, un Afro-Américain, Dennis Mora et David Samas refusèrent de servir au Vietnam et ont été traînés devant la cour Martiale. Mora était membre des clubs du Bois, et Johnson fut plus tard un des éditeurs du Daily World. Cette affaire est devenue une cause nationale encourageant la résistance à la conscription et l'opposition à la guerre au sein même de l'armée, bien que tous aient été traînés devant la cour martiale et condamnés à de longues peines de travaux forcés. Dans une affaire distincte, Donald Lockman, membre du club Du Bois de Philadelphie, fut condamné à une peine de 2 ans et demi dans une prison fédérale de très haute sécurité à Leavenworth pour avoir refusé d'aller au Vietnam.



Le mouvement ouvrier bascule dans le mouvement contre la guerre



La direction anti-communiste de l'AFL-CIO sous la coupe de George Meany a soutenu activement la guerre du Vietnam. Les Communistes ont travaillé pour organiser un bloc contre la guerre de gauche au sein du mouvement syndical. En novembre 1967, plusieurs membres du syndicat opposés à la guerre, soutenus par des syndicalistes de gauche de nombreux pays, ont tenu une Assemblée des directions syndicales pour la Paix des Dirigeants syndicaux, au cours de laquelle s'est exprimé le pasteur Martin Luther King.



En écrivant sur cette Assemblée, George Meyers, le secrétaire au Travail du CPUSA et ancien président du CIO du Maryland, a noté l'ampleur de ce rassemblement. On y trouvait des militants de la « vieille gauche » comme Harry Bridges de l'ILWU [International Langshore and Warehouse Union – syndicat de masse des dockers de la côte Ouest] et James Matles de l'UE [Syndicat des Electriciens], des anti-communistes de gauche comme Victor Reuther et Emil Mazey de l'UAW [United Auto Workers – le syndicat des travailleurs de l'Automobile], et d'autres militants syndicaux tels que Cleveland Robinson, président plein d'éloquence du Conseil Ouvrier Noir Américain. Parmi les intervenants, on trouvait Eugène McCarthy, sénateur démocrate du Minnesota, qui annoncera sa candidature pour l'investiture Démocrate à la présidentielle un mois plus tard (avec le soutien de nombre de ces syndicalistes). La candidature de McCarthy poussera l'administration Johnson à entreprendre une tentative très limitée de ralentir l'effort de guerre en mettant fin à trois ans de renforts continus, et d'entamer des négociations.



Meyers a également noté l'activité de Jay Lovestone, qui fut un temps secrétaire général du CPUSA et qui plus tard a glissé vers la droite et est apparu après guerre comme l'organisateur au sein de l'AFL-CIO, en relation étroite avec la CIA, des activités syndicales anti-communistes. Meyers l'appelait le « Secrétaire de la Guerre Froide » de George Meany. Lovestone avait essayé d'intimider les syndicales pour faire capoter l'Assemblée, déclarant que ce n'était pas « la pratique de l'AFL-CIO d'envoyer des représentants dans des assemblées organisées par d'autres, là où les véritables décisions étaient prises. »



Alors que le mouvement contre la guerre s'intensifiait, le mouvement ouvrier s'est engagé de plus en plus contre la guerre. Les Communistes en ont fait aussi une des questions majeures sur lesquelles ils pouvaient battre en brèche l'image du travailleur chauvin ou « réac » que les médias et la droite cultivaient, et qu'une bonne partie de la gauche culturelle acceptait, dénoncer ceux qui écrivaient que la classe ouvrière organisée était désespérément réactionnaire et raciste, les bénéficiaires du « privilège de la peau blanche. »



Le cap de la cinquantaine



Bien que les effectifs du CPUSA restent limités, le parti sentit qu'il pouvait proposer un candidat pour les présidentielles de 1968, pour la première fois depuis 1940. En dépit du fait que les cercles dirigeants continuaient à refuser systématiquement l'accès du CPUSA aux médias dominants et de déclarer que le « Parti Communiste était mort », la campagne de 1968 et la re-publication du journal du Parti, the Worker, en tant que qoutidien, the Daily Worker, était la preuve que la longue période de répression politique appelée McCarthysme, certes toujours pas morte, perdait de son pouvoir institutionnel, ainsi que de son pouvoir idéologique.



Alors que le CPUSA passait le cap de la cinquantaine, Richard Nixon, ce vieux casseur de rouge qu'Adlai Stevenson appelait à juste titre un « McCarthyste en col blanc », était président, cherchant à refouler tous les mouvements populaires et à rétablir le consensus de la guerre froide. Le CPUSA aura de nouveaux défis complexes à affronter dans la prochaine décennie avec l'épuisement de la longue période d'expansion économique entamée pendant la seconde guerre mondiale, et avec le développement de crises politiques et économiques encore plus complexes.

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