kpl2.pngÉlections au Luxembourg : le Parti communiste résiste et progresse avec près de 2% dans un contexte difficile

 

 

Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

 

Ce dimanche 20 octobre, les électeurs du « Grand-duché » étaient appelés aux urnes pour sortir d'une des grandes crises politiques de son histoire et sceller le sort d'un des hommes forts de l'Union européenne, son Premier ministre, Jean-Claude Juncker.

 

Petit Etat de 400 000 habitants, le Luxembourg a toujours occupé une place particulière au cœur de l'Europe. Pays fondateur de l'UE, autrefois puissance sidérurgique (berceau d'Arcelor), aujourd'hui place bancaire majeure, le « Grand-duché » rayonne au-delà de ses frontières exiguës.

 

De tradition, les dirigeants luxembourgeois sont aussi des hommes forts de l'Union européenne. Hier, Jacques Santat, aujourd'hui Jean-Claude Juncker.

 

Juncker sauve sa tête dans un scandales d'Etat qui

 

Artisan du Traité de Maastricht, président depuis 2004 de l'Euogroupe, la rencontre des Ministères des Finances, mais aussi ancien gouverneur du FMI, de la Banque mondiale, Juncker est un des décideurs de la politique du capital financier international.

 

Roué aux combinaisons politiciennes, Juncker s'est maintenu pendant 18 ans comme premier-ministre du pays au gré des alliances tantôt avec le Parti démocrate (DP), tantôt – comme ces neuf dernières années – en « grande coalition » avec le Parti socialiste (PS).

 

Or, depuis le début de l'année 2013, le pays est en crise, Juncker éclaboussé par le scandale du « SREL » (Services de renseignement de l'Etat luxembourgeois).

 

La police secrète de l'Etat luxembourgeois a, pendant la guerre froide, mis en place un système de fichage d'une ampleur colossale (300 000 fiches). Elle serait impliquée dans une série d'attentats dans les années 1980 pour créer un climat de tension, de terreur favorable à une solution autoritaire.

 

Sous la direction politique de Juncker, les pratiques des « SREL » sont caractérisées par la poursuite du fichage de masse, les écoutes clandestines, les échanges frauduleux de bons procédés à des fins pécuniaires ou politiques.

 

Le rapport d'enquête parlementaire a pointé la connaissance de la part de Juncker de ce système d'espionnage, sa responsabilité au mieux dans le laissez-faire, voire dans son implication active dans cette machine d’État parallèle.

 

Si le premier ministre a été contraint de démissionner, de convoquer les élections du 20 octobre, il risque pourtant de rester à la tête du Grand-duché.

 

En effet, son parti, le Parti chrétien-social (CSV) reste avec 33,8% le premier parti. Bien qu'il perde 5 points et 3 sièges, elle est la seule formation capable de faire une coalition gouvernementale.

 

Parmi ses alliés potentiels, son ancien partenaire le Parti socialiste perd aussi du terrain avec 20 % des voix ( - 1,5 point) tandis que le Parti démocrate est un des principaux gagnants du scrutin, passant de 15 à 18,2 %.

 

Les deux formations se retrouvant à 13 sièges chacune, elles joueront un rôle-clé dans la création d'une coalition majoritaire (31 sièges), forcément avec le parti de Juncker.

 

Parmi les autres partis, tant la droite dure représentée par le Parti des retraités (le « Parti réformiste d'alternative démocratique ») avec 6,6 % que les Verts, dépassant à peine la barre des 10 % reculent.

 

Le « Parti pirate » fait son apparition sur la scène politique, avec un peu moins de 3 %, profitant de l'effet neuf qui avait contribué à son succès dans d'autres pays du Nord de l'Europe, comme chez le voisin allemand notamment.

 

Un Parti communiste résiste et progresse depuis dix ans sur un programme de rupture

 

Ce qui intéressaient les communistes français, c'est aussi la tenue de nos camarades luxembourgeois (KPL) face au duel imposé par la formation reconnue par la « Gauche européenne », le parti Dei Lenk, de tendance alter-européenne et encline aux solutions réformistes.

 

Le bilan est honorable pour le KPL, plus qu'une résistance une nouvelle progression électorale, certes modeste mais réelle, dans la lignée des résultats des législatives de 2009 et des municipales de 2011.

 

Le KPL obtient 1,7 % des voix contre 1,4% en 2009 et 0,9% en 2004. Grâce au vote obligatoire et à un système électoral permettant le vote multiple, les communistes obtiennent tout de même 60 000 voix.

 

C'est évidemment dans le Sud, proche de la frontière française, encore marquée par ses traditions ouvrières et communistes, que le Parti obtient ses meilleurs scores avec 2,4 % en moyenne, des pointes à Differdange (4,7%), Esch-sur-Alzette et Rumelange (4%).

 

Le mot d'ordre de la campagne du KPL était « Les hommes avant le profit », agrémenté dans le manifeste électoral du parti de l'en-tête « On ne peut pas sauver le capitalisme, il faut l'abolir ».

 

Parmi les propositions phares du parti, on retrouve des mesures d'urgence – le SMIC augmenté de 20 % (400 €), la construction de 40 000 logements publics – des réformes progressistes – retraite à taux plein à 60 ans à 35 annuités, défense d'une éducation et d'une santé 100 % publique.

 

Le programme est également axé sur la lutte immédiate contre les projets du gouvernement : la désindexation des salaires sur les prix, une réforme fiscale injuste, dans les intérêts des entreprises.

 

Toutefois, la mesure mise en avant pour une réelle transformation de la société, c'est la nationalisation des grands moyens de production : sidérurgie, télécoms, énergie, banques, transports mais aussi le logement, par la réquisition des logements vides.

 

Concernant l'Union européenne, le KPL partait du principe qu' « elle n'est pas réformable », l'analysant dès le départ, la CECA, comme une « structure servant les intérêts des entreprises et des banques ».

 

Le KPL défend tout simplement la sortie de l'Euro, le retrait du Traité de Lisbonne et le non-respect des décisions prises par l'Union européenne, conduisant à la casse sociale massive.

 

Dei Lenk progresse ... sur un programme réformiste et euro-compatible

 

Si les deux partis de « gauche » progressent, « Dei Lenk » semble en profiter le plus, grâce à ses bons scores dans le Sud et dans la région de la capitale, Luxembourg, profitant du recul des socialistes et des Verts. « Lenk » passe de 3,3 à 4,9 % et gagne un deuxième député.

 

La progression de cette formation est aussi le reflet d'une certaine radicalisation de classes moyennes touchées par la crise et déçues par les organisations de centre-gauche.

 

Toutefois, si « Dei Lenk » a quelque peu gauchi son discours ces derniers temps, il s'est caractérisé par sa volonté de peser sur le PS luxembourgeois, par un ensemble de réformes « démocratiques » et non de transformation sociale radicale.

 

Ainsi, « Dei Lenk » a mis au cœur de son programme des questions institutionnelles : l'élargissement du droit de vote, le renforcement des droits du Parlement, le principe de non-discrimination, la « neutralité idéologique » de l'Etat.

 

Concernant le travail, « Dei Lenk » se propose de limiter la « flexibilisation du travail » (pas la supprimer!), de créer un système de formation continue payé par l’État … et c'est à peu près tout.

 

L'idée de nationalisation est évacuée, elle est re-proposée comme récupération des « biens communs » à gérer à diverses échelles (étatiques, communales), selon des conditions floues, sûrement concurrentielles, prenant la forme d'un « pôle public financier » pour le secteur bancaire.

 

Enfin, sur l'Europe, on retrouve l'idée réformiste mise à nue: construire une Europe sociale (mais aussi démocratique et de paix), par une révision en profondeur des traités, renforcer l'intégration européenne par l'idée d'un SMIC européen et de standards sociaux européens.

 

On peut rappeler qu'en 2009, « Dei Lenk », s'était présenté aux élections européennes sous le mot d'ordre euro-compatible : « Refonder l'Union européenne ! ».

 

Comme ailleurs en Europe, il existe au Luxembourg deux lignes dans le mouvement héritier de la tradition communiste, une de rupture révolutionnaire, une autre d’accommodement avec le système capitaliste. On peut que se réjouir de la résistance des formations se revendiquant de la tradition de lutte, révolutionnaire du Parti communiste.

 

 

 

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