L' « union sacrée » en Italie, de la gauche du PD à la droite, du patronat aux syndicats, derrière le gouvernement technocratique du banquier et bureaucrate européen Mario Monti
18 nov. 2011L' « union sacrée » en Italie, de la gauche du PD à la droite, du patronat aux syndicats, derrière le gouvernement technocratique du banquier et bureaucrate européen Mario Monti
Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
« Maintenant le règne des banquiers va commencer ». Après Lukas Papademos en Grèce, un autre grand banquier, haut responsable européen est nommé de façon arbitraire à la tête d'un État européen – qui plus es quatrième puissance économique de l'UE – sous pression de l'Union européenne, instrument de coordination du capital financier, et avec l'assentiment des partis du consensus dominant.
Le choix du patronat : remplacer Berlusconi par un gouvernement technocratique
Nous l'avions annoncé (cf Le peuple Italien rejette à 95% la privatisation de l'eau et un gouvernement Berlusconi discrédité : le Parti Démocrate soutenu par le patronat s'apprête à prendre la relève de l'austérité), depuis des mois, le capital italien et européen cherchait une alternative à Silvio Berlusconi.Imprévisible dans ses choix, susceptible par démagogie d''alimenter un discours remettant en cause l'Euro par exemple, fantasque et remettant en cause par ses frasques un consensus social basé sur l'ordre moral, la Confindustria, le MEDEF italien, lui reprochait essentiellement une chose : le courage de ne pas avoir entamé les « réformes structurelles »
Pour se ménager une partie de sa base populaire, Berlusconi n'est pas réellement allé au bout sur la casse du code du travail, sur la contre-réforme retraites et sur les privatisations. Sur ces questions, il s'est même révélé en retrait par rapport au précédent gouvernement Prodi.
La présidente du MEDEF italien, Emma Marcecaglia, avait intensifié ses critiques ces dernières semaines sur la politique du gouvernement Berlsuconi. Des convergences s'étaient manifestées avec le numéro un du Parti démocrate, Pier-Luigi Bersani, celui qui a privatisé l'ENEL (EDEF italien) en 1999, sur la nécessité d'entreprendre ces « réformes structurelles ».
Devant la crainte d'élections anticipées aux résultats incertains et source de désordre, le patronat italien a décidé de bafouer ouvertement la démocratie et de réaliser son vieux rêve : celui d'un gouvernement technocratique, des « experts ». A la fois au-dessus des partis et des élus du suffrage universel, mais fondamentalement avec les partis dominants, et en fin de compte pour les protéger et ne pas les salir dans la politique d'austérité.
Qui est Mario Monti, le chef du gouvernement des élites du pouvoir italiennes ?
Derrière le portrait hagiographique répandu par les médias dominants de l'homme intègre, le « Père la rigueur » incarné, celui du « Cardinal » ou du « Professeur », se cache en réalité un des responsables de la crise actuelle, par ses responsabilités politiques passées
Ancien commissaire européen au marché intérieur puis à la concurrence de 1995 à 2004, consultant de Goldman Sachs depuis 2005 mais aussi président de l'ultra-libérale faculté privé d'économie de la Bocconi à Milan, Mario Monti est avant un serviteur zélé des financiers et de l'Union européenne, formé dans les grandes universités américaines (Yale) aux recettes libérales qu'il assène depuis lors, sur un ton professoral d'autorité.
Le gouvernement technocratique de Mario Monti regroupe en réalité un condensé des élites du pouvoir italiennes, politiques, économiques, militaires ou religieuses.
Outre Monti lui-même qui s'octroie le ministère de l'Economie ; le banquier Corrado Passera, PDG de la banque Intesa Sanpaolo,qui récupère le super-ministère du développement économique et des transports ; l'amiral atlantiste Giampolo di Paolo, président du Comité militaire de l'OTAN, chef d'Etat major italien en plein cœur des opérations en Afghanistan s'empare du ministère de la Défense ; le diplomate pro-américain et sioniste Giulio Terzi di Sant'Agata,ancien ambassadeur en Israël et aux États-Unis, responsable des relations avec l'OTAN au moment de la chute du mur, est propulsé à la tête des Affaires étrangères ; plus symboliquement le fondateur de la communauté religieuse Sant'Egidio, Andrea Riccardi, entre lui aussi au gouvernement.
Un discours d'investiture sous les auspices de Alcide de Gasperi, Robert Schumann et Jean Monnet !
Le nouveau président du Conseil – intronisé par Giorgio Napolitano, l'ancien leader de l'aile-droite du PCI, remplissant plus que jamais son rôle de fossoyeur de la démocratie italienne – a déjà promis des sacrifices pour tout le monde, entendre les travailleurs italiens, mais pas le grand capital.
Son discours à la Chambre ce 17 novembre a annoncé le ton, placé sous l'égide des pères de l'Europe Alcide de Gasperi, Robert Schumann et Jean Monnet et commencé par ses mots :« Il n’y a pas nous et l’Europe, nous sommes l’Europe ! ».
Parmi les premières mesures annoncées :
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de nouvelles baisses d'impôts pour les entreprises compensées par des hausses de la TVA et de la taxe foncière ;
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une réforme des retraites avec la remise en cause des régimes spéciaux et des « pensions d'ancienneté » qui permettent aux salariés de partir soit à 60 ans, soit après 40 années de cotisation ;
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enfin une réforme des contrats de travail, avec une égalisation par le bas des statuts et comme objectif un contrat précaire unique.
L' "union sacrée" de la droite à la gauche de la gauche, de la Confindustria à la CGIL
Alors que la personnalité et l'action de Berlusconi divisait et pouvait opposer les différentes fractions de la bourgeoisie, le gouvernement Monti recrée l'unité de la classe bourgeoise, des partis du consensus dominant, dans une atmosphère d' « union sacrée ».
Emma Marcecaglia a rangé son ton critique envers Berlusconi et adopté une posture de soutien inconditionnel à Monti : «Nous soutiendrons son gouvernement avec force. Nous pensons que ce gouvernement est la dernière chance pour l'Italie de sortir d'une situation d'urgence».
Du côté des syndicats, aucune surprise pour les syndicats de collaboration de classe UIL et CISL qui apportent un appui total au nouveau gouvernement. L'UIL (FO italien) se permet même d'affirmer que se dessine « une voie rose pour sortir de la crise ».
La CGIL, ancien syndicat proche des communistes, aujourd'hui proche du Parti démocrate a apporté son soutien avec une certaine dose d'équivoque pour se ménager sa base militante. La secrétaire Susanna Camusso a réclamé l'ouverture d'un dialogue social, réclamant des mesures fiscales plus équitables compatibles avec le plan gouvernemental, gardant un silence total sur les sujets qui fâchent, comme la réforme des retraites.
A la sortie de sa première rencontre avec le nouveau chef du gouvernement, Susanna Camusso a lâché le mot : « Le premier ministre Mario Monti nous a démontré qu'il ne travaillait pas dans l'urgence, mais sur des réformes dont le pays a besoin ».
Du côté des partis, l'union sacrée est plus que jamais de mise. Le Parti des libertés (PDL), de droite, accepte la décision de ses commanditaires patronaux, et se range derrière le nouveau gouvernement, malgré la chute de son leader charismatique. Toutefois, c'est le Parti démocrate (PD), porte-parole du patronat par la voix de son leader Bersani, qui est, à la surface du monde politique, l'instigateur de ce remaniement. C'est Bersani qui a lancé le premier l'hypothèse d'un gouvernement technocratique et le nom de Monti. Depuis, il a annoncé que son parti accordait un « soutien total au gouvernement ».
A la « gauche de la gauche », les masques tombent. Les partis du juge Di Pietro (Italie des Valeurs), qui surfe depuis quinze ans sur la défiance envers la politique, et de l'ancien liquidateur communiste Nichi Vendola (Gauche, écologie et libertés) ont salué la formation du gouvernement des « experts ».
Démagogue et ambitieux, toujours partant pour participer à d'éventuelles primaires du PD, Vendola a dans un premier temps souligné l'opportunité du gouvernement Monti « pour mettre en œuvre des mesures d'équité sociale » avant d'exprimer dernièrement un avis plus critique, sentant qu'un créneau est à occuper à la gauche d'un PD discrédité.
Les critiques ambiguës des communistes comme seule alternative, la Ligue du nord comme opposition officielle du système
Seuls les communistes pourraient porter une critique cohérente de ce gouvernement au service du capital. Ils expriment par la voix du Parti des communistes italiens (PdCI) et de Refondation communiste une opposition à un gouvernement dicté par la BCE et l'UE, aux mesures libérales qui vont être adoptées et à la politique de collaboration du PD.
Pourtant, de fortes ambiguïtés persistent. Refondation communiste maintient, tout comme le PdCI, la nécessité d'une alliance politique avec le Parti démocrate, pourtant partisan de l'union sacrée avec la droite. Refondation communiste s'est même affirmé en faveur de l'ouverture de primaires à gauche avec le PD. De façon assez surprenante, Oliviero Di Liberto, secrétaire du PdCI a même salué hier la composition du gouvernement Monti comme « une rupture positive non seulement dans la forme mais aussi dans le fond ».
Face à ces équivoques, ces volte-faces et surtout le déclin de l'enracinement organisationnel et des positions politiques historiques des communistes, la Ligue du nord aura le beau rôle de l'opposant au consensus dominant droite-gauche, grand patronat-syndicats.
Elle devrait être la seule formation parlementaire à ne pas participer à l' « union sacrée », elle a déjà affirmé son opposition résolue à la contre-réforme des retraites, et est le seul parti à exprimer une critique forte de l'Union européenne notamment à partir de la remise en cause de la monnaie unique. Un tour de force pour un parti qui était, jusqu'aux années 1980-90 le plus européiste de la vie politique italienne au nom de l'Europe des régions.
Orienter la colère sociale envers les politiques de libéralisation et de casse sociale, envers l'Union européenne et l'Euro, vers un parti xénophobe, séparatiste, fondamentalement européiste, représentant une fraction importante de la bourgeoisie du Nord, pour mieux renforcer le consensus dominant, stériliser toute opposition et boucher toute alternative. Voilà le piège que tend, en Italie comme en France, la bourgeoisie aux classes populaires, dépourvues de toute alternative claire aux politiques du capital.
Plus que jamais le peuple Italien ressent aujourd'hui la perte du Parti communiste italien, liquidé par les Pier-Luigi Bersani, Giorgio Napolitano et Walter Veltroni, premiers collaborateurs du patronat et de l'UE.
Plus que jamais le peuple italien a besoin d'un Parti communiste reconstruit sur des bases idéologiques et organisationnelles saines, pour défendre ses acquis sociaux, ses conditions de vie et désormais sa sa souveraineté populaire et nationale !
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