HK-manif.jpgLa CES (Confédération européenne des syndicats) comdamne la Chine sur Hong-Kong.

 

Pourquoi ne condamne-t-elle pas l'Europe du capital ?



Article AC pour http://www.solidarite-internationale-pcf.fr/



En pleine crise de l'UE du capital, la CES (Confédération européenne des syndicats) frappe par sa couardise ici : aucune convergence des luttes, une critique absente de cette Europe de l'argent. La CES réserve sa témérité pour critiquer les vrais ennemis des peuples européens : la Russie, la Chine, autrement dit les rivaux du capitalisme européen.



La CES vient d'émettre une déclaration sur les événements à Hong-Kong. Nous vous la communiquons avant de la commenter :



« La Confédération européenne des syndicats (CES) s’est jointe aujourd’hui à la Confédération des syndicats de Hong Kong (HKCTU) pour exiger démocratie et justice sociale.



Elle condamne le gouvernement chinois pour avoir rompu son engagement inscrit dans la déclaration commune sino-britannique de 1984 à développer la démocratie à Hong Kong après la rétrocession du territoire à la Chine. En 2007, le Congrès national du peuple chinois (CNP) avait également adopté une résolution convenant que le Chef de l’exécutif de Hong Kong serait élu au suffrage universel en 2017.



En dépit de ces engagements, et contrairement à la volonté du peuple de Hong Kong, le gouvernement chinois a maintenant l’intention de remanier arbitrairement le processus électoral en imposant un comité de nominations politiquement contrôlé et en instaurant des tests biaisés portant sur la loyauté des candidats aux élections prévues en 2017.



La Secrétaire générale de la CES, Bernadette Ségol, a déclaré :« Les agissements des autorités chinoises soulèvent de sérieuses questions de confiance. Elles ont rompu leur promesse de donner au peuple de Hong Kong la possibilité d’élire démocratiquement le Chef de leur exécutif au suffrage universel. Pouvons-nous leur faire confiance pour qu’elles jouent franc-jeu dans leurs relations avec l’Union européenne ? Il faut assurément que l’Europe rejette leur exigence de statut d’économie de marché. »



« Démocratie », « justice sociale » : pourquoi la CES est muette sur leur état désastreux en Europe ?



Cette intervention de la CES emmène beaucoup de questions. La première, sur l'exigence de « démocratie et de justice sociale ». La CES ne peut peser que sur l'Union europénne qui est l'organisation qui bafoue la « démocratie » et la « justice sociale » quotidiennement en Europe.



Que dit la CES sur la démocratie en Europe ? On se souvient qu'en 2005, la CES elle avait soutenu – par la voix de son secrétaire d'alors, le baron John Monks – l'anti-démocratique Constitution européenne. Elle n'a rien trouvé à redire quand le gouvernement français, comme celui irlandais, commeles autorités européennes ont bafoué le vote des peuples.



La CES n'a pas non plus élevé la voix quand les autorités européennes ont imposé contre la volonté des peuples leurs dirigeants amis des banquiers en Grèce ou en Italie, avec l'ancien commissaire européen Mario Monti, pour faire passer la pire politique d'austérité.



Que dit la CES sur la justice sociale en Europe ? Lisons ses trois dernières interventions : encourager M.Juncker à « réaliser son plan ambitieux pour la croissance et l'emploi », saluer les intentions de M.Draghi pour relancer la croissance, soulever l'espoir que le Traité de libre-échange trans-atlantique (NAFTA) ait un contenu populaire.



Une ode à l'Europe actuelle de la finance et ses dirigeants adeptes de la politique d'austérité !



Pourquoi la CES organise les manifestations à Hong-Kong contre la Chine, et pas à Paris, Berlin, Londres contre la politique du capital européen ?



Pourquoi la CES n'est pas là pour faire converger les manifs, les luttes en Europe ? La CES est prêt à monter sur les barricades en Ukraine, à Hong-Kong … partout où l'Union européenne est sur le front idéologique et politique de lutte contre ses impérialismes rivaux.



Par contre, en Europe, les luttes se multiplient, souvent dans les mêmes secteurs – transports, éducation, santé, sidérurgie, ports. Jamais la CES ne contribue à la convergence des luttes, à identifier dans la politique de l'UE actuelle un ennemi commun à combattre.



Le cas des luttes dans les transports au printemps en Allemagne, Belgique, France, Portugal ou en Suède qui n'ont pas trouvé de débouchés, d'instrument de coordination européen, en est le symptôme patent.



Sur la Chine, la CES est indifférente aux conditions de travail des ouvriers chinois dans une situation contradictoire



Revenons au cœur du grief de la CES : la dénonciation de la politique de la Chine, tout comme la CES a déjà publié des déclarations audacieuses pour condamner l'ingérence extérieure russe en Ukraine, ou soutenir les sanctions européennes contre la Biélorussie, alliée de la Russie.



On le voit, les attaques ne concernent qu'une cible : les rivaux internationaux de l'impérialisme européen, les puissances émergentes russes ou chinoises. Rien ou si peu récemment sur les pays qui bafouent la « démocratie et la justice sociale » quand ils sont nos alliés.



Ainsi, les luttes récentes très dures de la classe ouvrière en Corée du sud contre un pouvoir autoritaire, contre le despotisme patronal, n'ont pas trouvé le même écho au sein de la CES.



Surtout, le soutien de la CES aux « indignés de Hong-Kong », à la « révolution colorée » se fait sur tout .. ce qui ne concerne pas le monde du travail, qui devrait être le premier souci de la CES. On parle de non-respect des règles électorales, de procédures démocratiques, des conditions de l'autonomie. Jamais de démocratie à l'entreprise, de conditions de travail, de sécurité sociale.



Or, c'est sur ces points que la CES pourrait intervenir sur la situation en Chine. L' « atelier du monde » chinois est là les multi-nationales européennes profitent d'une main d'oeuvre peu onéreuse pour la sur-exploiter avec des horaires, des cadences, des salaires souvent peu dignes.



La situation est très contradictoire. D'un côté, la Chine est dans le même lot que ces autres pays comme l'Indonésie, le Bangladesh, le Vietnam, la Thailande qui offre des conditions salariales, de travail, syndicales très avantageuses pour le patronat.



De l'autre, comme le soulignent certains experts de l'OIT ainsi que le révèle le récit des luttes sociales en Chine (comme au Vietnam), la situation est différente par rapport à l'Indonésie ou le Bangladesh, plus favorables dans la pratique aux luttes sociales des travailleurs. Ce, en vertu de l'histoire, de la situation politique, du niveau de conscience propres à la Chine et au Vietnam.



Les syndicats gouvernementaux jouent un rôle ambivalent, reflet de la politique générale de l'Etat chinois. D'un côté, défendre les investissements étrangers attirés par la maximisation de leurs profits. De l'autre, défendre certains droits à la Sécurité sociale, la hausse des salaires, voire même une forme de défense syndicale autonome dans l'entreprise.



Résultat,de plus en plus souvent dans les luttes sociales, les forces représentant l'Etat chinois sont perçues comme un rempart pour les ouvriers chinois face aux milices privées patronales. Face aux syndicats officiels, les ouvriers sont tiraillés entre adhésion et défiance, selon les cas.



Aujourd'hui, le salaire des ouvriers chinois augmente, lentement mais sûrement, leurs conditions de travail, d'accès à la Sécurité sociale progressent. Ironie de l'histoire, aujourd'hui un ouvrier chinois est mieux payé qu'un ouvrier mexicain ou ukrainien … pays qui ont subi de plein fouet le capitalisme occidental, le Traité de libre-échange nord-américain pour l'un (ALENA), le renversement du communisme pour l'autre !



La situation est extrêmement difficile à démêler, assurément, tout comme l'évaluation de l'ensemble du processus chinois (« restauration du capitalisme », « voie originale vers le socialisme », « processus contradictoire » ...).



Pourquoi la CES ne défend pas la « démocratie à l'entreprise » face au « despotisme patronal » des multi-nationales ?



Au lieu de soutenir des revendications démocratiques liés à des agendas peu clairs, la CES devrait défendre la « démocratie à l'entreprise » contre le « despotisme patronal » imposé par les multi-nationales européennes, américaines ou sud-coréennes.



La HKCTU (Confédération des syndicats de Hong-Kong) qui organise les « manifestations démocratiques » contre le pouvoir chinois s'est fondée dans les années 1990 sur la base des syndicats de cadres, cols blancs, au moment où la Grande-Bretagne cédait le territoire à la Chine.



Elle est liée au « Parti démocrate » (démocrate-libéral, pro-capitaliste, comparable à son homonyme américain), et son cheval de bataille est le combat pour les « libertés démocratiques » (à l'occidentale) en Chine, notamment le multi-partisme, le pluralisme syndical, qui éroderait le système socialise chinois et la direction du Parti communiste.



C'est peu dire que cet agenda trouve de nombreuses convergences avec celui des impérialismes occidentaux. Ce n'est pas tout à fait un hasard qu'autant de drapeaux britanniques, d'anciens drapeaux de l'Hong-kong coloniale avec Union Kack aient fleuri dans les cortèges.



Le seul outil qu'aurait la CES pour peser : dénoncer la politique des multi-nationales européennes qui sont les acteurs de cette négation de ces droits démocratiques et syndicaux. Ce serait aussi dénoncer l'Union européenne qui n'y trouve rien à redire dans ses accords commerciaux au nom de la « liberté de commerce ».



« Que l'UE retire à la Chine le statut d'économie de marché », la CES se dévoile comme la voix du capitalisme européen !



Au lieu de cela, que réclame la CES face à une Chine qui ne joue « pas franc-jeu avec l'UE » (le Chinois est fourbe, naturellement) ? « Il faut assurément que l’Europe rejette leur exigence de statut d’économie de marché. », selon la secrétaire de la CES Bernadette Ségol.



On croît rêver ! Il faut que l'Union européenne adopte des sanctions envers la Chine. La première doit être symbolique, retirer à la Chine communiste la prétention à « être reconnu comme une économie de marché ».



Au moins, la proposition de la CES a le mérite d'être clair. Non seulement elle se fiche des droits syndicaux, des conditions de travail des ouvriers chinois, mais la « démocratie et la justice sociale » sont aussi le cadet de ses soucis. Seule l'économie de marché, nom de code pour capitalisme, compte.



Puisqu'en Chine, la liberté de commerce, la liberté de circulation des travailleurs, la liberté de choisir ses maîtres tous les 3 ou 6 ans – comme disaient Rousseau ou Marx – est bafouée, alors il faut lui ôter le droit d'être reconnu comme « une économie de marché » !



La CES se révèle telle quelle. Cette organisation, d'après ses objectifs (sur son site internet), se fixe comme objectifs : défendre « l'Europe sociale », d'exporter le « modèle social européen », de promouvoir l' « intégration européenne », de favoriser la « libre circulation des travailleurs en Europe ». Tout pour l'Europe du capital, rien pour les peuples et les travailleurs.



Sur l'histoire de la CES : une machine de guerre anti-communiste, de collaboration de classe au service de l'impérialisme européen



La CES a été une machine de guerre d'abord du bloc américain et ouest-européen dans la guerre froide contre le bloc communiste (soviétique et chinois). Elle le reste.



La CES a été fondée en 1973 avec l'entrée des syndicats démocrates-chrétiens dans ce qui était la branche européenne de la CISL (Confédération internationale des syndicats libres), ces syndicats qui ont rompu avec la FSM (Fédération syndicale mondiale) communiste, avec l'appui de la CIA, pour créer un syndicalisme atlantiste, européiste, pro-patronal.



Parmi ces syndicats alors, la DGB allemande, le TUC anglais, l'UIL italienne et FO en France. Encore aujourd'hui, sur les 85 syndicats membres de la CES, une immense majorité sont démocrates-chrétiens, libéraux, sociaux-démocrates, anti-communistes.



La CES a été l'alibi syndical de la construction de l'UE du capital, elle s'est developpée en parallèle à l'intégration européenne : comité de coordination avec la CECA en 1951, secrétariat européen avec la CEE en 1957, et après 1992 elle devient pleinement une structure fédérale.



Depuis les années 1970, elle est la machine à (dés-)intégrer les ex-syndicats de lutte pour les transformer en « partenaires sociaux » dociles au patronat : la CGIL italienne l'a intégré en 1974, les CC.OO espagnoles en 1988, la CGT en 2000. Leur adhésion à la CES a marqué leur adhésion à un syndicalisme de compromis, de co-gestion, d'abandon de la lutte de classes.



Que la CGT ait émis un communiqué de soutien – dans des termes analogues à ceux de la CES – aux manifestations de Hong-Kong est révélateur et inquiétant. Sans recul critique, analyse des contradictions en Chine, prudence à l'ère du choc entre impérialismes rivaux.



La CES aujourd'hui sonne le clairon de la guerre contre la Chine, la Russie au nom de la « liberté » (de commerce, de circulation, d'élection), de l' « économie de marché » (donc du capitalisme). Mais elle agite le drapeau blanc de la paix sociale, celui jaune de la collaboration de classe en Europe louant la politique de Juncker, Draghi et le pacte trans-atlantique !



La CES a choisi son camp dans la guerre impérialiste à venir. Pour les peuples, il ne s'agit pas de choisir un impérialisme ou un autre, mais de combattre SON impérialisme, celui français, européen et de reprendre le mot d'ordre de Lénine : transformons la guerre impérialiste entre les peuples qu'on nous propose en guerre civile des classes opprimée contre les oppresseurs !

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