tegucigolpeLa nouvelle stratégie putschiste des Etats-Unis en Amérique Latine



Traduction JC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/



par Miguel Urbano Rodrigues, journaliste et écrivain, dirigeant historique du PC Portugais



Le dénouement du coup d'Etat au Honduras a attiré l'attention sur la nouvelle stratégie des Etats-Unis en Amérique Latine.



Il est évident que Washington, en ayant recours à d'autres méthodes que celles traditionnelles, est parvenu à ses fins: renverser un président progressiste démocratiquement élu et le remplacer par des hommes de confiance.



Cette victoire de l'impérialisme ne doit pas être sous-estimée car elle s'insère dans une stratégie ambitieuse qui vise à neutraliser, tout doucement, le mouvement de contestation de la domination Américaine par les peuples d'Amérique Latine.



Le système de pouvoir impérial identifie comme une « menace » les gouvernements du Vénézuela Bolivarien et de la Bolivie qui dénoncent le capitalisme, et proposent le socialisme comme alternative. La Maison Blanche craint que l'Équateur suive la même voie et ne cache pas son inquiétude vis-à-vis de l'élection en Uruguay, au Nicaragua, au Salvador et au Paraguay de présidents avec des programmes anti-néolibéraux (bien qu'ils ne les mettent pas toujours en œuvre).



Enlisés dans des guerres perdues en Irak et en Afghanistan, effrayés par le chaos pakistanais et incapables, jusqu'à maintenant, d'imposer sa volonté à l'Iran – seul grand pays musulman d'Asie à développer une politique indépendante – le système de pouvoir des Etats-Unis a senti le danger d'une « percée révolutionnaire » des peuples d'Amérique Latine. Le précédent de Cuba fait peur.



Dans ce contexte, le coup d'Etat atypique au Honduras fut le prologue d'une stratégie dont l'objectif est la restauration du vieil ordre impérial dans une Région qui, pendant plus d'un siècle, fut considérée comme « son arrière-cour ».



Pourquoi le coup d'Etat au Honduras est-il atypique?



En apparence, ce fut un putsch à l'ancienne. Le commandant de l'Armée (un général formé à l'Ecole des Amériques, avec un casier judiciaire chargé en tant que chef d'un gang de voleurs de voitures) a donné l'ordre d'arrêter le président. A l'aube, les militaires ont envahi le palais présidentiel et Manuel Zelaya, encore en pyjama, a été placé dans un avion et expulsé vers le Costa Rica. Dans le même temps, un politicien d'extrême-droite, s'est auto-proclamé Président de la République.



Mais tout a été minutieusement préparé. Le caractère primaire et la brutalité du coup d'Etat ont suscité une répulsion universelle. La Maison Blanche s'est empressée de condamner les gorilles et de demander la restauration de la normalité constitutionnelle. Tout a été monté pour placer Obama au-dessus de tout soupçon. Mais pendant que les pays de l'Union Européenne retiraient leurs ambassadeurs de Tegucigalpa, les Etats-Unis ont maintenu le leur dans la capitale hondurienne et n'ont pas suspendu l'aide économique et militaire au gouvernement fantoche de Micheletti.



Au fil des jours, la complicité des Etats-Unis est devenue évidente. L'ambassadeur Hugo Llorens est un cubain de Miami naturalisé nord-américain. Ce fut dans son ambassade même que Micheletti et les généraux gorilles ont monté le coup d'Etat. Le QG de la force aérienne hondurienne est d'ailleurs installée sur la base militaire états-unienne de Palmerola.



Il s'en est suivi un communiqué de l'OEA condamnant formellement le coup d'Etat et la médiation du costaricain Oscar Arias, un inconditionnel de Washington. Il fallait gagner du temps. Le retour spectaculaire de Manuel Zelaya et son installation à l'Ambassade du Brésil a créé une situation imprévue. Mais Hillary Clinton a manœuvré pour que le président légitime ne puisse pas reprendre ses fonctions. En outre, elle a toujours refusé de définir comme un « putsch » le coup de main qui a renversé Zelaya.



La préparation de la mascarade électorale de Novembre a été montée en accord avec le sous-secrétariat d'Etat des Etats-Unis, Thomas Shanon. Envoyé par Obama, ce membre du gouvernement a garanti à celui qui était alors candidat à la Présidence, le millionnaire Porfirio Lobo, son ancien camarade de l'université de Yale, que Washington reconnaîtrait les élections comme légitimes.



Dans les semaines suivantes, marquées par une intense répression, ont eu lieu encore d'autres exemples de cette mascarade qui n'ont pas vraiment modifié le résultat. L'abstention réelle lors de cette élection frauduleuse, louée comme démocratique aux Etats-Unis, a été supérieure à 60%.



En Janvier, Porfirio Lobo prendra ses fonctions et l'Administration Obama reconnaîtra son gouvernement comme légitime. Tout indique que les gouvernements de l'Union Européenne, à peu d'exceptions près, rétabliront également graduellement les relations diplomatiques avec le Honduras.



La Maison Blanche ne cache pas sa satisfaction. Elle considère comme résolue la crise hondurienne. Au final, les Etats-Unis ont inspiré et parrainé un coup d'Etat, feint de condamner le renversement du président constitutionnel, et, par une farce électorale, ont placé à Tegucigalpa un homme de confiance. Le gouvernement de Lobo sera une dictature derrière une façade institutionnelle.



L'affaire Hondurienne a renforcé à Washington l'autorité des défenseurs de la nouvelle stratégie musclée pour l'Amérique Latine.



Un autre aspect de celle-ci est l'amplification de la présence militaire directe des Etats-Unis dans la Région. Le retour de la IVème Flotte dans les eaux sud-américaines a anticipé une décision qui constitue une menace ostensible envers les pays qui tentent de suivre une politique souveraine: l'installation en Colombie de 7 bases militaires nord-américaines.



L'initiative a suscité un tollé dans tout le continent. La publication du texte en anglais de l'accord signé avec le gouvernement de Bogota a confirmé que les Forces Armées des Etats-Unis installées sur le territoire colombien non seulement peuvent, dorénavant, participer au combat contre les guérillas des FARC et de l'ELN mais peuvent aussi intervenir sans aucune limite partout où Washington l'estime nécessaire.



L'indignation des peuples latino-américains a été manifeste lors de la Conférence de l'UNASUR, qui s'est tenue à Bariloche, en Argentine. Mais rien n'est sorti de cette rencontre où le président Lula, conciliateur avec Uribe, a passé plus de temps à critiquer Chavez, Evo Morales et Rafael Correa qu'à dénoncer la menace que constituent, pour l'Amérique Latine, les nouvelles bases militaires états-uniennes.



Washington, au-delà de son appui inconditionnel au gouvernement néo-fasciste d'Alvaro Uribe, a un solide allié avec le gouvernement du péruvien Alan Garcia et est confiant dans le fait qu'au Chili le candidat d'extrême-droite, le multi-millionaire Sebastian Pinera, sera élu président le 17 janvier, lors du second tour.



Le soutien de cette troïka et les excellentes relations maintenues avec le Brésil, l'Argentine et l'Uruguay ont permis à Obama, dans le cadre de sa nouvelle stratégie, de durcir sa position vis-à-vis des gouvernements de Chavez, Evo et Correa.



La ratification par le Congrès du Brésil de l'adhésion du Vénézuela au Mercosur a été, entre temps, un coup dur pour les Etats-Unis. Washington ne dissimule pas son soutien à la politique économique et financière du gouvernement Lula, d'inspiration néo-libérale, qui dans le fond, en tant que bon gestionnaire du capitalisme, favorise le grand capital et l'industrie agro-alimentaire et ne s'attaque pas aux intérêts des multi-nationales. Mais Obama ne cache pas non plus ses appréhensions vis-à-vis de certaines initiatives de Brasilia dans le domaine de la politique extérieure. Le projet de créer le Sucre comme monnaie qui remplacerait le dollar dans les transactions commerciales entre membres de l'ALBA est vu – un exemple – par la Maison Blanche et par les banquiers de Wall Street comme un défi intolérable. L'approfondissement des relations entre l'ALBA et l'Union Européenne est un autre motif de préoccupation pour l'Administration Obama.



La nouvelle stratégie putschiste pour l'Hémisphère a été conçue justement pour apporter une réponse globale à l'avancée des forces progressistes au sud du continent. Le Département d'Etat et le Pentagone sont arrivés à la conclusion qu'il était urgent de s'opposer à cette avancée.



A Washington, on exclut pour l'instant l'intervention militaire directe dans les pays qui ne se soumettent pas. La répercussion internationale d'une initiative de ce genre serait désastreuse pour l'image des Etats-Unis, tellement écornée par ses guerres asiatiques.



Mais ce serait une preuve de naïveté que de croire que les bases nord-américaines en Colombie ne seront pas utilisées pour une escalade des provocations contre le Vénézuela et d'autres pays de la région. Indépendamment du renforcement de l'intervention contre les FARC, l'héroïque guérilla/parti calomniée par l'impérialisme.



Le département d'Etat – où Hillary Clinton développe une activité tout aussi négative que celle de Condolezza Rice sous la présidence Bush – s'appuie principalement sur les effets qu'auront sa politique sur les pays dont les gouvernements sont déclarés comme « ennemis ».



Il espère, grâce à une nouvelle stratégie, rencontrer un succès qu'en un demi-siècle de guerre non-déclarée, les Etats-Unis n'ont pas connu à Cuba.



Le coup d'Etat Hondurien ne peut évidemment pas se répéter dans tous les pays qui défendent une alternative au capitalisme.



Mais Washington a su tirer d'importantes leçons de son succès... pour le Vénézuela



Détruire de l'intérieur le régime vénézuelien serait, pour les conseillers d'Obama, l'objectif principal. Hillary a en effet multiplié les attaques contre le gouvernement de Caracas, consciente du fait que la Vénézuela bolivarienne est aujourd'hui – comme l'affirme l'économiste français Rémy Herrera – « un des fronts anti-impérialistes les plus dynamiques au monde ».



Mais la Révolution Bolivarienne traverse une phase difficile. La chute des prix du pétrole a privé le gouvernement de ressources financières qui ont été fondamentales dans la bataille contre l'analphabétisme, pour fournir des aliments subventionnés aux couches les plus pauvres de la population et pour garantir le succès des missions qui ont permis d'offrir des soins médicaux, avec la coopération solidaire de plus de 20 000 médecins cubains, à des millions de vénézueliens qui n'y avaient jusqu'alors pas accès.



L'énorme popularité du président auprès des masses et l'adhésion de celles-ci à sa dénonciation du capitalisme et au projet de transition vers le socialisme comme alternative à l'hégémonie de l'impérialisme a été avant tout la conséquence de l'humanisation des conditions de vie de la grande majorité de la population, engluée dans la misère.



Les effets de la crise mondiale capitaliste, se sont manifestés au Vénézuela – notamment par le biais des cours du pétrole et l'accélération de l'inflation – et ont porté atteinte, inévitablement, à l'ensemble de cette stratégie de développement.



Le Parti Socialiste Unifié du Vénézuela (PSUV) n'a pas atteint son objectif. A sa fondation répondait une nécessité historique. Mais le PSUV a été créée à la hâte, par décision du Président, et organisé à partir du sommet, de haut en bas, avec une intervention minimale des masses populaires. Résultat: il est né infesté d'opportunistes. Il est significatif que le Parti Communiste du Vénézuela et Patrie pour Tous, deux organisations révolutionnaires qui ont toujours soutenu (et soutiennent) Chavez, ne se soient pas dissous et intégrés au PSUV



Ce qu'on appelle le Socialisme du XXIème siècle cherche à être l'idéologie qui fera avancer la Révolution Bolivarienne dans la voie d'un socialisme original. Mais ceux qui ont en fait un modèle pour l'ensemble de l'Amérique Latine ont surtout contribué à semer la confusion idéologique. Certains dirigeants et cadres du PSUV se sont montrés plus préoccupés par la critique du marxisme qu'à collaborer avec le Président pour lutter contre les secteurs de l'État Vénézuelien qui restent sous le contrôle de la bourgeoisie.



Contrairement à ce que beaucoup d'européens croient, le Vénézuela continue à être un pays capitaliste dans lequel les vieilles élites conservent un grand pouvoir économique qui leur garantit la propriété des moyens de production (terres, industries, commerce, etc.), le contrôle partiel de l'activité bancaire et financière, ainsi que des médias.



C'est dans ce contexte qu'une opposition puissante et de plus en plus arrogante défie Hugo Chavez, consciente que la survie de la révolution bolivarienne est inextricablement liée à la personne du Président.



Les espoirs des Etats-Unis reposent donc sur une aggravation de la situation économique du pays qui puisse modifier le rapport de forces existant.



Des sondages récents révèlent que la popularité de Chavez est en train de diminuer.



Ne pouvant pas intervenir militairement, Washington appuie en coulisses toutes les initiatives d'opposition qui puissent déstabiliser le pays, diviser le chavisme, semer le doute au sein des Forces Armées et affaiblir le pouvoir du Président.



On ne doit pas – je répète – sous-estimer le danger représenté par la patiente stratégie putschiste de l'Administration nord-américaine vis-à-vis du Vénézuela. Washington essaie d'encourager au maximum, et de stimuler par des provocations extérieures, le travail interne de sabotage de Révolution bolivarienne.



La Bolivie, nouvelle cible de la stratégie putschiste



La Bolivie est une autre cible de la nouvelle stratégie états-unienne.



Tout comme au Vénézuela, le succès du processus révolutionnaire en cours est inséparable de l'action et du prestige de son leader. Evo Morales compte sur le soutien écrasant des masses aymaras et quechuas, qui constituent la majorité de la population. Evo est le premier indigène qui parvienne à la Présidence en Amérique du Sud.



Non seulement il a tenu les engagements qu'il avait pris avec son peuple, mais il a été encore plus loin dans une radicalisation progressive de ses positions, qui l'a emmené à prendre des mesures révolutionnaires, qui l'ont poussé à rentrer en conflit avec l'impérialisme nord-américain et avec les multi-nationales brésiliennes et espagnoles. Dans le même temps, le MAS, qui peut compter désormais sur les deux-tiers du Congrès, continue à être plus un Mouvement qu'un parti à proprement parler. Le « socialisme communautaire », la voie bolivienne vers le socialisme, reflète les contradictions du MAS et l'influence d'une exacerbation de l'indigénisme.



Dans le gouvernement, il existe des forces qui s'efforcent de faire obstacle à des transformations révolutionnaires. Même le vice-président de la République, Garcia Linera, est un intellectuel dont la thèse sur la nécessité d'un « capitalisme andino-amazonienne » laisse transparaître toute sa confusion idéologique, exprimée par ailleurs dans sa défense des idées de Toni Negri.



Washington suit avec attention les fragilités du processus bolivien. L'ambassade nord-américiane a été impliquée dans des conspirations contre Evo Morales et des agents des services d'espionnage, de la CIA et de la DEA, maintiennent des relations étroites avec les dirigeants de l'oligarchie de Santa Cruz, noyau du mouvement séparatiste.



La Bolivie étant, par la force de l'opposition, le maillon le plus faible de la troika progressiste sud-américaine, les Etats-Unis ne perdent pas l'espoir de créer dans le pays une situation de chaos, propice à l'ouverture d'un processus de restauration de l'ancien régime.



Correa sur la liste noire de Washington



Rafael Correa est un réformateur anti-néolibéral, mais il ne propose pas d'embarquer l'Equateur sur la voie du socialsime. Il a cependant été considéré depuis par le Pentagone comme « l'ennemi des Etats-Unis » à partir du jour où il a déclaré qu'il fermerait la Base Militaire de Manta quand a expiré l'Accord qui permettait son installation.



La manière dont il a défendu la souveraineté de son pays dans des situations de conflit avec des multinationales pétrolifères et bananières qui la bafouaient et les excellentes relations qu'il a développé avec le Vénézuela, la Bolivie et Cuba ont contribué à la dégradation des relations entre Washington et le jeune président de l'Equateur. Et la tension est monté d'un cran, quand le gouvernement de Quito a apporté des preuves sur la collaboration active de la Base de Manta avec la force aérienne colombienne dans la préparation du bombardement sur territoire Equatorien du campement du commandant Raul Reyes, des FARC, attaque de piraterie qui a provoqué alors la rupture des relations avec le gouvernement d'Uribe.



La dignité et la fermeté de Rafael Correa dans la défense de l'indépendance nationale ont conquis le respect de son peuple, mais l'agressivité de la droite oligarchique, soutenue par les Etats-Unis, incite à une grande prudence dans les prévisions que l'on pourrait faire à court terme. En pratique, il est très limité le pouvoir réel d'un président patriote et progressiste dans un pays qui à la fin du XXème siècle a été contraint par les Etats-Unis à adopter le dollar comme monnaie nationale.



Obama: l'impérialisme à visage humain démasqué jour après jour



Le discours humaniste de Barack Obama ne touche plus la majorité de ceux qui ont cru en ses promesses de campagne. Les actes du président des Etats-Unis démentent ses paroles. Le citoyen distingué par le Prix Nobel de la Paix approuve et impulse une politique qui promeut le terrorisme, encourage le militarisme et a contribué à l'intensification et l'élargissement des guerres déclenchées par son pays au Moyen-Orient et en Asie Centrale.



Le budget actuel de la défense des Etats-Unis, de 700 milliards de dollars est supérieur à tous les budgets militaires des autres pays du monde réunis.



En ce qui concerne l'Amérique Latine, l'engagement pour une nouvelle politique est nié par la réalité. La nouvelle stratégie impérialiste de la Maison Blanche pour l'Hémisphère Sud est plus interventionniste et dangereuse de celle de George Bush.



Du Rio Grande à la Patagonie, les peuples commencent à prendre conscience de cette menace. Les cibles prioritaires sont le Vénézuela et la Bolivie. De grandes luttes contre l'impérialisme états-unien s'annoncent à l'horizon.



Publié dans le numéro 1885 (14 janvier) d'Avante, hebdomadaire du Parti Communiste Portugais

 

Site d'Avante: http://www.avante.pt/

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