Le dirigeant révolutionnaire congolais Patrice Lumumba reste un exemple vivant, cinquante ans après son assassinat par les agents du colonialisme et de l'impérialisme
21 janv. 2011Le dirigeant révolutionnaire congolais Patrice Lumumba était assassiné il y a 50 ans par les agents du colonialisme et de l'impérialisme
Patrice Lumumba, un héros africain
Carlos Lopes Pereira, pour le journal du PC Portugais Avante, 20 janvier 2011
Traduction AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
Cela fait désormais un demi-siècle. Ce fut le 17 janvier 1961 que les agents du colonialisme belge et de l'impérialisme nord-américain, avec la connivence de traîtres congolais, assassinèrent de façon barbare Patrice Lumumba, combattant pour l'indépendance de son pays et premier chef du gouvernement de la République du Congo. Bien que disparu il y a 50 ans, encore très jeune, sa figure émerge aujourd'hui comme celle d'un patriote intègre et courageux, d'un lutteur anti-colonialiste et anti-impérialiste. En Afrique, en Asie et en Amérique latine, différentes générations de révolutionnaires l'ont admiré, aux côtés de Kwame Nkrumah,Amílcar Cabral, Agostinho Neto ou Samora Machel, comme un héros de la libération africaine dont l'héritage est toujours vivant et inspire de nouvelles luttes pour l'émancipation sociale des peuples du continent et du monde entier.
La biographie de Patrice Lumumba peut être résumée en quelques lignes. Né le 1 juillet 1925, fils de paysans pauvres, dans la commune de Onalua, dans la province du Kasai, alors colonie du Congo belge (devenu plus tard République du Congo, ensuite Zaire et aujourd'hui République démocratique du Congo).
Il accomplit ses études primaires dans une école missionnaire catholique – la seule opportunité pour de nombreux jeunes africains de l'époque – et, dans sa jeunesse, travailla comme fonctionnaire des Postes et employé de plusieurs entreprises belges.
A partir de l'âge de 23 ans, il participa activement à la vie politique de son pays, alors possession belge, mettant en action ses idéaux indépendantistes et subissant pour cette raison la répression des colonialistes belges – il est alors arrêté à plusieurs reprises. Syndicaliste, il écrivit dans des journaux comme le Uhuru(Liberté) et Indépendanceet, en 1958, il fondait le grand parti congolais dont il devenait le leader, le Mouvement national congolais (MNC) – le seul constitué sur des bases non-tribales.
En 1958-59 il assista, à Accra, capitale du Ghana tout-juste indépendant, de Nkrumah, à la première conférence pan-africaine des peuples – où il fut élu à son secrétariat permanent –, et à Ibadan, au Nigeria, à un séminaire international sur la culture, où il fit un discours défendant l'unité africaine et l'indépendance nationale.
Début 1960, à Bruxelles, il participait à la conférence belgo-congolaise lors de laquelle fut négociée, entre nationalistes congolais et puissance coloniale, l'indépendance du Congo, imposée par la longue résistance populaire et par les revendications des forces nationalistes.
Aux élections parlementaires de mai 1960, le MNC et les partis qui le soutenaient conquièrent la majorité des voix. Le 30 juin, le Congo devint indépendant et Patrice Lumumba fut nommé premier-ministre du gouvernement de la république. Son discours, ce jour-là, restera dans les annales de la diplomatie mondiale comme un discours magnifique, dans lequel le jeune dirigeant africain, en présence du roi belge Baudouin, et d'autres dignitaires étrangers, dénonça ouvertement les crimes hideux du colonialisme belge contre le peuple congolais et tracé les perspectives du futur Congo, libéré du joug de la domination étrangère.
En septembre 1960, Lumumba était démis par le président Kasavubu, soutenu par les États-Unis et par les militaires putschistes commandés par un certain Colonel Mobutu. En novembre il est arrêté et, le 17 janvier 1961, après des mois de détention illégale, il est de façon barbare torturé et assassiné. Il n'avait même pas encore 36 ans.
L'ordre de la CIA et des Etats-unis d'enlèver et d'assassiner le « danger » Lumumba
Les historiens et journalistes qui ont enquêté sur les circonstances de l'assassinat de Patrice Lumumba ont convergé dans la description de ce qui s'est passé en ce déplorable jour du 17 janvier 1961.
Dans la matinée, la police politique mobutiste alla chercher Lumumba à la prison de Thysville et le plaça dans un avion, avec deux autres camarades, Mpolo et Okito, les transportant jusqu'à la capitale du Katanga « indépendant ». Pendant le voyage pour Elisabethville (devenue Lubumbashi), les prisonniers subirent des agressions sauvages et, arrivés à l'aéroport, ils furent accueillis par des militaires sécessionnistes katangais et des mercenaires belges. Jetés dans une jeep et conduits dans une ferme proche, ils furent fusillés cette nuit par une peloton commandé par un officier belge. Leurs bourreaux firent disparaître les corps de Lumumba et de ses deux camarades.
Plus tard, une commission des Nations unies chargée d'enquêter sur l'assassinat du jeune leader congolais accusa du crime l'administration de Léopoldville menée par le président de l'époque Kasavubu et où trônait déjà Mobutu; les autorités du Katanga; les responsables de l'entreprise belge Union minière du Haut-Katanga; et un groupe de mercenaires au service de Tchombé, leader des sécessionnistes katangais.
On sait également qu'une autre commission, celle-ci du Sénat des États-Unis, qui au milieu des années 1970 enquêta sur les activités des services secrets nord-américains, découvrit que la CIA avait organisé en Août 1960 – le Congo était indépendant depuis seulement deux mois! – une conspiration avec comme « objectif urgent et prioritaire » d'assassiner le premier-ministre congolais. Pour Allen Dulles, directeur alors des services secrets nord-américains, Patrice Lumumba était « un danger grave » que les États-Unis devaient éliminer.
L'indépendance du Katanga: convergence entre le colonialisme belge et l'impérialisme nord-américain
L'expulsion de Lumumba de sa place de chef du gouvernement, son emprisonnement et son assassinat furent le résultat conjugué des intérêts du colonialisme belge – qui, en dépit de l'indépendance du Congo, continuait à chercher à exploiter à sa guise les richesses du pays – et de l'intervention de l'impérialisme nord-américain, par le biais la CIA – le jeune premier-ministre était considéré par Washington comme un « gauchiste », sympathisant de l'Union soviétique – de connivence avec les Nations unies et des secteurs de la bourgeoisie congolaise qui n'ont pas hésité à trahir leur propre peuple et à s'allier à la domination étrangère.
Un facteur décisif de la tragédie congolaise fut la sécession du Katanga, province congolaise riche en ressources minières, que Moises Tchombé proclama indépendant du Congo, financé par l'entreprise Union Minièreet avec le soutien de soldats belges et de mercenaires. Le président Kasavabu et le premier-ministre Lumumba appelèrent à l'intervention des Nations unies, qui envoyèrent une petite force au pays, sans réussir à éviter la guerre civile, qui se prolonga jusqu'en 1964. L'année suivante, dans ce contexte de conflictualité prolongée, Mobutu prit la tête du pays, rebaptisé Zaïre, et a mis en place une dictature sanglante, régnant despotiquement jusqu'en 1997, comme un pantin des Etats-unis et des puissances occidentales.
La figure de Lumumba, un exemple vivant pour les révolutionnaires du continent Africain et du monde entier
Déjà arrêté par les soldats putschistes et avant d'être livrés aux sécessionnistes katangais et aux mercenaires étrangers qui allaient l'assassiner quelques jours plus tard. Lumumba écrivit une lettre d'adieu à sa femme Pauline, où il réaffirme sa confiance en l'avenir. Beaux et émouvants, mais pleins d'espérance, ces quelques mots, publiés plus tard dans la revue Jeune Afrique:
« Nous ne sommes pas seuls. L'Afrique, l'Asie et les peuples libres et libérés de tous les coins du monde se trouveront toujours aux côtés de millions de congolais qui n'abandonneront la lutte que le jour où il n'y aura plus de colonisateurs et leurs mercenaires dans notre pays. A mes enfants que je laisse, et que peut-être je ne reverrai plus, je veux qu'on dise que l'avenir du Congo est beau et qu'il attend d'eux, comme il attend de chaque Congolais, d'accomplir la tâche sacrée de la reconstruction de notre indépendance et de notre souveraineté, car sans dignité il n'y a pas de liberté, sans justice il n'y a pas de dignité, et sans indépendance il n'y a pas d'hommes libres. »
Ni brutalités, ni sévices, ni tortures ne m'ont jamais amené à demander la grâce, car je préfère mourir la tête haute, la foi inébranlable et la confiance profonde dans la destinée de mon pays, plutôt que vivre dans la soumission et le mépris des principes sacrés. L'histoire dira un jour son mot, mais ce ne sera pas l'histoire qu'on enseignera à Bruxelles, Washington, Paris ou aux Nations Unies, mais celle qu'on enseignera dans les pays affranchis du colonialisme et de ses fantoches. L'Afrique écrira sa propre histoire et elle sera au nord et au sud du Sahara une histoire de gloire et de dignité.
Ne me pleure pas, ma compagne. Moi je sais que mon pays, qui souffre tant, saura défendre son indépendance et sa liberté.
Vive le Congo ! Vive l'Afrique ! »
Pour les révolutionnaires du XXIème siècle en Afrique et dans le monde entier, qui continuent aujourd'hui de lutter dans des conditions différentes contre la domination impérialiste et l'exploitation capitaliste, Patrice Lumumba continue d'être vivant par son exemple de patriote et de combattant pour la liberté. Et elles sont d'une immense actualité les idées qu'il a défendu généreusement et pour lesquelles il a donné sa vie – l'urgence de l'indépendance nationale et de la souveraineté véritable de tous les pays, l'unité africaine, la lutte intransigeante contre le colonialisme et le néo-colonialisme, le combat pour l'émancipation sociale des peuples.
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