Le Parti communiste sud-africain dénonce les pratiques d'exploitation du grand groupe minier Lonmin derrière la tragédie de la mine de Marikana
23 août 2012Le Parti communiste sud-africain dénonce les pratiques d'exploitation du grand groupe minier Lonmin derrière la tragédie de la mine de Marikana
Traduction MA pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
Le Comité central a commencé sa première session après le Congrès de juin en observant une minute de silence et en exprimant ses condoléances à ceux qui ont perdu des proches et des collègues dans les événements tragiques de la semaine dernière, et nos meilleurs vœux de rétablissement à ceux qui ont été blessés, du côté des travailleurs et du côté de la police. Le Comité central salue l'annonce du président Zuma de lancer une commission d'enquête. Il est important que le mandat de l'enquête ait une portée générale. Il est impossible de comprendre la tragédie sans comprendre ses causes sous-jacentes.
L'enquête devrait, entre autres, se baser sur le rapport de 167 pages de la Fondation Bench Marks parrainée par une association religieuse, « Les communautés dans les mines de platine », qui a été publié la semaine dernière. Ce rapport dresse un tableau sombre de la façon dont les grands groupes miniers ont dégagé des milliards de rands de profit grâce à l'extraction des plus importants gisements de platine au monde dans le district de Bojanala dans la province du Nord-ouest, tout en ne laissant dans son sillage que la misère, la mort, la pauvreté, la maladie et la pollution environnementale dans les communautés environnantes. Le rapport constate que les opérations de Lonmin, par exemple « impliquent des taux élevés de décès » et des « conditions déplorables de logement des employés de Lonmin ». Le rapport attribue par ailleurs le niveau élevé de décès à Lonmin et dans d'autres mines de platine de l'entreprise dans le district au recours massif aux contrats précaires (près d'un tiers de la main d’œuvre dans le cas des opérations de Lonmin à Marikana). « Les emplois sont généralement assortis de bas salaires, avec des salariés mal formés, mal éduqués et mal logés », note le rapport, ajoutant : « Par conséquent, le sort des travailleurs précaires met en danger la santé et la sécurité des autres travailleurs ».
Nos propres membres du SACP dans le district, la plupart d'entre eux mineurs, ont bien sûr averti le parti sur ces réalités, ce depuis des années, et nous avons soulevé ces problèmes publiquement, mais nous faisons référence au rapport de la fondation Bench Marks pour éviter que l'on nous accuse d'esprit partisan. Point important, le rapport souligne que la pratique de l'embauche en contrats précaires par les compagnies minières remonte à la période immédiatement postérieure à 1994, une mesure de réduction des coûts et une tentative de « casser la force du NUM » [Syndicat national des mineurs – sous influence communiste], de revenir sur les droits à la négociation collective que la classe ouvrière organisée avait finalement obtenu après des décennies de lutte. En outre, le rapport fait remarquer que le recours massif aux travailleurs précaires venant d'autres régions, y compris du Cap oriental, a créé des tensions dans les communautés entre « locaux » et « étrangers ». L'an dernier, il y eut des manifestations violentes au sein des jeunes chômeurs locaux originaires de Marikana, furieux que les emplois des mines soient pris par des « étrangers ».
La Commission d'enquête présidentielle doit aussi prendre en compte le cycle de la violence alimenté par le pseudo-syndicat AMCU, qui cherche à s'implanter localement. Lancé à Witbank par deux anciens membres du NUM, exclus pour comportement anarchique, l'AMCU a été financé par BHP Billiton [Grand groupe minier concurrent de Lonmin] dans une tentative délibérée de saper l'influence du NUM. La commission devrait tout particulièrement enquêter sur son leader, Joseph Mathunjwa.
La violence associée à l'AMCU s'est étendue aux mines de platine du Rustenburg l'an dernier lorsque de la direction d'Impala Platinum a délibérément remis en cause les conventions collectives signées avec le NUM, en cherchant d'attirer, avec des salaires plus élevés, les mineurs d'autres entreprise spécialisés dans le dynamitage ; cela a naturellement suscité des griefs chez les piocheurs moins qualifiés. Des griefs utilisés de façon démagogique par l'AMCU, ce qui a conduit finalement au licenciement de milliers de travailleurs.
A Marikana, la semaine passée, la direction de l'AMCU a encore une fois profité de la crédulité et du désespoir des couches les plus marginalisées de la main d'oeuvre de Lonmin, de ces travailleurs précaires « étrangers », la plupart venant du Pondoland oriental. Les membres du SACP de la région confirment les compte-rendus des journaux selon lesquels les travailleurs armés qui se sont rassemblés sur la colline ont été induits en erreur, imaginant être invulnérable aux balles de la police après avoir ingurgité de l' « intelezi » [plante psychotrope], sous condition qu'ils laisseraient de côté leurs femmes et qu'ils ne reculeraient pas devant la police.
En bref, il est impossible de comprendre la tragédie de la semaine dernière sans une compréhension de la façon dont les grands groupes miniers, faisant main basse sur plus de 80% des ressources mondiale de platine, ont suscité une pauvreté communautaire source de désespoir, des tensions créant des divisions, et une attitude fataliste face au danger et à la mort. Il n'est pas possible de comprendre la tragédie sans comprendre comment l'avidité d'entreprises guidées par leur soif de profit a délibérément cherché à ébranler l'influence d'un puissant syndicat ainsi que les conventions collectives, de connivence avec des forces démagogiques. Cette stratégie s'est désormais retournée contre les grandes compagnies minières elles-mêmes, et leurs profits.
Pour toutes ces raisons, le SACP rejette fermement la tentative de dépeindre les événements de la semaine dernière comme étant une manifestation d'une rivalité entre syndicats. Ce récit n'est guère différent de celui élaboré dans les dernières années de l'apartheid, lorsque des vigiles fomentés, entraînés et escortés par le régime d'apartheid se sont déchaînés sur les communautés qui soutenaient le Front démocratique unitaire (FDU), la COSATU et l'ANC, et ce qui était rapporté dans les médias comme étant une « violence des noirs contre des noirs ».
On peut apprendre beaucoup de leçons de cette tragédie. Une bonne compréhension de ses causes sous-jacentes devraient couvrir de honte tous ceux qui cherchent à saper nos conventions collectives en appelant à un « marché du travail plus flexible », en défendant la pratique des intermédiaires de travail (labour-brokers) et le recours massif à toute autre forme de travail « atypique », et en cherchant à dépeindre la COSATU et ses syndicats affiliés comme la source de tous les maux.
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