Le physicien Stephen Hawking décide de boycotter une conférence en Israël : les critiques pro-israéliennes désarmées
26 mai 2013Le physicien Stephen Hawking décide de boycotter une conférence en Israël : les critiques pro-israéliennes désarmées
Article de Ramzy Baroud repris par le Morning Star, quotidien du PC britannique
Traduction MA pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
La décision de Stephen Hawking de boycotter la conférence universitaire israélienne le mois prochain a été décrit comme un événement aux « dimensions planétaires » par un universitaire palestinien.
Il s'agit également d'un appel moral résolu rendu public le 8 mai par l'université de Cambridge, dont Hawking est professeur.
Hawking est un physicien et cosmologiste. Son travail scientifique a un impact tel qu'il a redéfini ou remis en cause des pans entiers de la recherche, de la théorie de la relativité à la mécanique quantique ainsi que d'autres champs d'étude.
Cette grande figure est aussi attachée à son fauteuil roulant – souffrant d'une complète paralysie physique causée par une maladie dite de sclérose latérale amyotrophique. Pour Hawking, cependant, cette réalité douloureuse semble être une simple note de base de page à ces contributions incroyables à la science.
Ce qui est considéré comme une prestigieuse conférence scientifique en Israël est endossée par le président Shimon Peress, dont les Libanais et les Palestiniens se souviennent pour avoir ordonné le bombardement d'un camp de l'ONU près du village de Qana, dans le sud-Liban, en 1996.
Le camp constituait un refuge sûr pour les civils fuyant les frappes israéliennes. Pas cette fois. 106 personnes innocentes, essentiellement des femmes et des enfants, furent tués et 116 blessés, y compris des forces de l'ONU.
Cet événement effroyable, à lui seul, aurait du conduire Peres, alors premier ministre israélien, au fond d'une prison pour le reste de ses jours.
Mais, bien sûr, Israël est au-dessus de la loi, ou c'est ce que croit le gouvernement israélien, et il a toujours agi ainsi ses 65 dernières années, au prix de vies innombrables, de destructions incalculables et de la souffrance prolongée de nations entières.
La réponse de Hawking à l'appel au boycott était extrêmement importante. Le statut légendaire de l'homme de science mis à part, le mouvement Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS) s'est révélé plus durable et efficace que ce que ses détracteurs – pour l'essentiel apologistes d’Israël – voulaient bien le croire.
La décision de Hawking était aussi un témoignage : raison et moralité doivent aller de pair. Israël peut se gargariser de ses succès scientifiques, cela ne vaut rien si cette technologie est mise en pratique pour appuyer la violence d’État, raffermir l'occupation militaire et mettre au service d'autres pays des drones meurtriers, pour exporter la violence et le chaos.
Cette « science » a été abondamment utilisée en Israël, dans les guerres des deux dernières années, à Gaza en 2008-2009 et en 2012 qui ont coûté la vie à des milliers de personnes, entre les morts et les blessés.
L'université de Cambridge, craignant peut-être un possible retour de bâton, a tenté de dissimuler la décision de Hawking derrière des problèmes de santé, ce que ce n'était naturellement pas.
L'université a finalement retiré sa déclaration car le scientifique britannique souhaitait que le motif de sa décision apparaisse clairement à tous.
Le journal The Guardian a rapporté le boycott par Hawking de la conférence, en citant une déclaration du Comité britannique pour les Universités de Palestine qui l'a co-rédigé avec le bureau de Hawking :
« Nous comprenons que le professeur Stephen Hawking a décliné l'invitation à assister à la Conférence présidentielle israélienne. Il s'agit de sa décision indépendante de respecter le boycott, sur la base de sa connaissance de la Palestine, et sur les conseils unanimes de ses propres contacts académiques là-bas ».
Contrairement à d'autres cas de boycott, souvent balayés par les responsables israéliens comme insignifiants, celui-ci a été un choc pour Israël.
Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, cité dans le New York Times, déclarait : « Jamais un scientifique de cette envergure n'avait boycotté Israël ».
Et depuis, la décision inattendue d'Hawking de soutenir le boycott a provoqué des réactions pro-israéliennes désordonnées, allant de blagues dégradantes et d'insultes sur sa maladie, d'accusations sans fondement et même d'attaques personnelles visant son recours à une technologique soi-disant développée en Israël pour combattre sa maladie dégénérescente.
Jamais auparavant, le pays n'avait perdu ainsi le contrôle de son récit soigneusement tissé de son occupation militaire et de ses violations des droits de l'Homme en Palestine.
Tandis que d'une part les responsables israéliens parlent de « paix », ils continuent à construire plus de colonies ou à étendre celles déjà existantes, toutes construites de façon illégale sur la terre palestinienne.
Dès que la décision d'Hawking de boycotter la conférence a été annoncée, l' « Administration civile » en Israel a convenu de la construction de 296 bâtiments dans le campement illégal de Beit El, renforçant ainsi l'occupation militaire et le nettoyage ethnique.
Les responsables et les médias israéliens insistent toujours sur le fait qu'il n'y a pas de liens entre de telles violations flagrantes du droit international et humanitaire et la montée du mouvement pour le boycott.
Ils accusent ceux qui critiquent Israël d'être anti-sémites et lancent des avertissements à ceux qui tentent de « délégitimer » Israël, comme si ils attendaient que le monde reste totalement aveugle à ses crimes de guerre perpétuels, à l'occupation illégale et à la discrimination institutionnalisée contre les non-Juifs de Palestine et d’Israël.
La logique derrière la décision d'Hawking est aussi importante. C'est la preuve que la société civile reste importante, qu'elle peut avoir du poids et elle montre aussi que les sites officiels ne sont pas les seules plate-formes où l'occupation de la Palestine peut être discutée et traitée de façon appropriée.
Près de 20 ans ont passé depuis les accords d'Oslo, l'occupation israélienne semble encore plus fortement enracinée qu'en 1993.
Il y a peu de doute sur le fait que le mouvement pour le boycott ne cesse de monter, et pas seulement à cause des nouvelles de plus en plus fréquentes d'artistes et universitaires refusant de se rendre en Israël ou de participer à des événements parrainés par Israël.
Tout aussi importants le soutien massif apporté par la société civile qui permet à des artistes, universitaires et à d'autres de suivre le boycott sans craindre des représailles.
On sait désormais qu'une lettre à Hawking, visant à le dissuader de se joindre à la conférence, a été signé par 20 universitaires de haut niveau venant de plusieurs universités, dont le MIT, Cambridge, London, Leeds, Southampton, Warwick and Newcastle.
Les professeurs ont dit à Hawking qu'ils étaient « surpris et profondément déçus » qu'il ait accepté de participer à la conférence, à laquelle devaient assister également l'ancien premier ministre britanique Tony Blair et l'ancien président américain Bill Clinton, chacun traînant un lourd passif en termes d'accusations de crimes de guerre, du Soudan à l'Afghanistan en passant par l'Irak.
Mais la critique de la position d'Hawking ne vient pas seulement d’Israël et du cercle prévisible de ses partisans irréductibles.
Il vient aussi de certains qui se présentent comme des partisans de la cause du camp de la solidarité palestinienne. Ce dernier groupe, qui diminue en nombre et en audience, avance que le boycott tous les aspects de la vie universitaire, culturelle et politique israélienne joue le jeu de l' « anti-sémitisme » et de la « délégitmisation » d’Israël.
Mais un mouvement de solidarité qui limite son boycott à quelques entreprises israéliennes qui ont des liens avec les colonies de Cisjordanie, comment peut-il espérer atteindre des résultats tangibles, à long-terme ?
Ceux qui pensent qu'il suffit de boycotter l'occupation ne semblent pas comprendre la nature de la relation entre les colons de Cisjordanie et le gouvernement israélien.
Israël traite les colonies et leurs habitants bien-armés comme une partie et une parcelle de l’État et de l'économie israélienne.
Ils sont résidents d’Israël même s'ils vivent près de Ramallah. Il n'y a pas de séparation, quoi qu'on puisse attendre d'imaginaires « lignes vertes ». Et désormais avec le mur d'apartheid, même cette séparation s'efface et se redéfinit.
Les Palestiniens de Gaza ou de Naplouse ne voient pas de différence entre un soldat qui vit dans une colonie juive illégale ou un autre qui vit en Israël.
Ils sont tous capables de commettre des meurtres, comme un certain nombre l'ont déjà fait, peu importe les considérations de géographie ou de frontières.
La société civile internationale ne doit pas tomber dans le piège d'illusoires distinctions. Voilà ce qui fait prendre à la décision d'Hawking de boycott une conférence organisée en Israel des « proportions cosmiques ».
Il est moralement défendable et éthiquement juste, des qualités qui correspondent bien au formidable homme de raison qu'est Stephen Hawking.
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