tsipras1.jpgLe président de SYRIZA Tsipras en visite au mont Athos pour rassurer l’Église sur ses privilèges fonciers et fiscaux !



Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/



Alexis Tsipras, leader du parti grec SYRIZA, était en visite du 7 au 9 août au mont Athos, lieu sacré de l'orthodoxie, qui dispose avec ses vingt monastères d'un « statut spécial » en Grèce. Le symbole d'une Église grecque arc-boutée sur ses privilèges, ses abus, son hypocrisie.



Ceux qui voient encore en Tsipras un leader de « gauche radicale » en Grèce ont eu du mal à en croire leurs yeux. Comment ? Lui, la figure montante du « PGE » (Parti de la gauche européenne) et de SYRIZA au Mont Athos ?



La « sainte montagne », lieu saint de l'orthodoxie mais aussi passage obligé pour les futurs gouvernants de la Grèce, halte de prestige pour les « Grands » de ce monde : de Poutine aux oligarques russes, de la famille royale britanniques aux armateurs grecs.



Le mont Athos : Une étape dans la normalisation de SYRIZA, un pas obligé pour tout « honnête » Premier Ministrable



La « normalisation » est en marche, une étape de plus dans la route vers le pouvoir.



Après les assurances envers les dirigeants de l'UE, du FMI, de l'OTAN sur sa volonté de « sauver l'Euro et l'UE », de restaurer la « stabilité sociale » en Grèce, il s'agit maintenant de rassurer les piliers de l'ordre social en Grèce : le patronat, l'armée et maintenant l’Église.



Tsipras a pourtant fort à faire tant l'identité « de gauche », progressiste en Grèce se lie à l'anti-cléricalisme, le ressentiment face à une Eglise au rôle contre-révolutionnaire depuis deux siècles, alliée des régimes dictatoriaux, nantie de privilèges dignes de l'Ancien régime, jouant avec l'Armée la vieille mélodie du 'sabre et du goupillon'.



Alors, que retiendra-t-on de Tsipras au Mont Athos ? M.Tsipras tient à insister qu'il nti'est venu sur ce mont sacré regroupant 20 monastères intégrés à une « république théocratique du Mont Athos » que sur invitation personnelle de la communauté monastique.



Il est néanmoins accompagné de ses deux conseillers aux affaires religieuses Yannis Amanatidis et Makis Lykopoulos, ainsi que de Nikos Pappas, son bras droit. On voit mal ce que ces trois personnes influentes dans la ligne politique (et ici religieuse du parti) auraient à faire dans une simple « visite de courtoisie ».



En décembre, il était prêt à taxer les croyants … en août, il évoque son « respect pour l'Eglise » !



La visite de Tsipras fait suite à une délégation de la communauté monastique à Athènes avec le leader de « gauche » en décembre.



Il y a huit mois, Tsipras aurait évoqué l'hypothèse non d'une nationalisation des biens du clergé, mais d'une taxe sur tous les croyants, comme cela est le cas en Allemagne. Les moines avaient alors encouragé M.Tsipras à mûrir sa position et à venir les rencontrer à Athos.



Tsipras a mûri sa position. Selon ce qu'en rapporte la presse, il aurait cité Nietzsche et Héraclite, devisé sur Dieu et l'homme, la vocation monastique. Au diable les préoccupations mondaines, les taxes foncières non acquittées, les exonérations fiscales maintenues, la laïcisation de l'Etat.



Tsipras aurait par la suite manifesté « son profond respect pour l'Eglise grecque », pour ensuite trouver bien des points communs entre les moines d'Athos et son parti : des valeurs d' « honnêteté (sic) et de respect », les mêmes idéaux « d'égalité et de solidarité ».



L'abbé (bien-nommé) Philotheos lui a rendu la pareille, confiant tout le bien qu'il pense de son attitude auprès des moines, lui confiant : « On suit votre parcours, nous prions pour que la Grèce, les Grecs puissent avoir de bons gouverneurs ». Amen.



Le pacte : Tsipras ne touchera pas aux privilèges de l'Eglise, en échange elle ne fera pas obstacle à son élection



La presse grecque ne s'est pas trompée sur le sens de cette visite « touristique » de Tsipras.Le leader de « gauche » sait qu'il ne peut être majoritaire si il s'aliène le vote des croyants (79 % des Grecs croient en Dieu).



Il sait que ce vote dépend du pouvoir social énorme de l’Église, qu'aucun premier ministre ne peut être élu sans recevoir la bénédiction de l'institution ecclésiastique.



D'où un pacte simple, tacite, forgé durant ce séjour : (1) – un gouvernement mené par SYRIZA ne remettra pas en cause les privilèges de l'Eglise, sa situation prédominante ; (2) – l'Eglise ne fera pas obstacle à l'accession au pouvoir de Tsipras, lui accordant sa bénédiction.



Ce type de marchandages politiciens, bradant l'héritage des luttes populaires pour l'émancipation de la domination cléricale, a indigné un certain nombre de militants mais aussi de cadres de SYRIZA, telle Hélène Portaliou, membre du Comité central, dirigeante du Parti à Athènes.



Elle a dénoncé dans son article « Alexis Tsipras au mont Athos » le fait que « notre dirigeant (Tsipras) est prêt à aller à la pêche aux voix qu'il espère ramener par la voie religieuse ».



Il a osé le slogan zapatiste « Tout est à tous, rien est à nous ici » … dans le temple des privilèges de l'Eglise grecque, riche et corrompue !



Une phrase du leader de « gauche » a particulièrement choqué. Louant le mode de vie monastique, Tsipras a repris le mot d'ordre zapatiste : « Ici, on peut dire que vous vivez sous ce slogan : 'tout est à tout le monde, rien est à nous' ! ».



Serait-ce à Athos, le socialisme du XXI ème siècle ? Cela pourrait prêter à sourire, si les « moines du Mont Athos » ne représentaient pas pour les travailleurs grecs tout ce qu'il y a de plus scandaleux dans la toute-puissance de l'Eglise grecque dans la société.



Rappelons : (1) qu'il n'y a pas de séparation en Grèce entre Eglise et Etat. C'est ce qui explique le voyage de Tsipras à Athos, hors de l'Eglise point de salut pour les dirigeants de Grèce dans un pays où la Constitution impose « le christianisme orthodoxe comme religion d'Etat ».



Cela signifie aussi que les prêtres grecs sont payés par l’État. Une facture qui s'élève à 200 millions d'euros chaque année.



(2)que l'Eglise est le premier propriétaire foncier dans le pays. Un patrimoine (sous-) évalué entre 1 et 2,5 milliards d'euros. Outre les bâtiments religieux, l’Église contrôle 130 000 ha de terres, des réseaux d'hôpitaux et écoles privés, et même des hôtels et restaurants de luxe.



(3)qu'elle bénéficie de privilèges fiscaux exorbitants. Quand on sait que l’Église n'a payé que 12 millions d'euros en 2012, on est loin du compte, au vu du patrimoine officiel. Il faut dire que, jouant de son influence sur le pouvoir politique, l’Église a continué à voir ses privilèges intacts.



En 2010, le gouvernement socialiste avait aboli la taxe de 35 % sur le denier du culte. En 2011, il avait exempté l’Église du paiement de la taxe sur la propriété foncière qui a touché tous les Grecs via la facture d'électricité.



(4)que les moines d'Athos sont un exemple de la richesse fraduleuse de l’Église. Que Tsipras puisse présenter les moines comme un modèle d' « honnêteté », un communisme théocratique en acte, c'est proprement incroyable, pour tout connaisseur de la Grèce.



Athos et l'argent, pour un Grec, c'est le plus grand scandale immobilier, de corruption, de vol du patrimoine public de ces dernières années.



En 2005, alors que les moins entament la rénovation onéreuse du monastère de Vatopedi, ils découvrent lors de fouilles des droits de propriété pluri-séculaires sur des terrains au Nord de la Grèce autour du lac de Vistonida.



Des terres de faible valeur que les moines – par l'entremise du pieux père Ephraim – s'empressent de troquer à l'Etat en échange de terrains publics à haut potentiel immobilier.



Les moines re-vendent immédiatement les terrains et dégotent une plus-value chiffrée entre 100 millions et 1 milliards d'€.



En 2011, le scandale éclate, père Ephraim est rattrapé par la justice : 200 millions d'€ sont retrouvés sur son compte en banque. Ce genre d'opérations de spéculation immobilière sous patronage ecclésiastique n'est hélas pas une exception en Grèce, où elles se chiffraient à plusieurs dizaines.



 

« Tout est à eux, rien est à nous : tout ce qu'ils ont, ils l'ont volé! ». Ce slogan qu'on connaît bien, chaque militant de gauche en Grèce l'entonne depuis des décennies face à une force qui a fait systématiquement obstacle au changement, et qui désormais est prêt à bénir Saint-Alexis.

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