iu-psoeLe syndicat des travailleurs d'Andalousie dénonce la collaboration d'Izquierda Unida au gouvernement socialiste régional d'austérité

 

Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

 

L'Andalousie, la première région d'Espagne, cristallise les contradictions de la situation espagnole : corruption massive et austérité inhumaine, combativité des travailleurs espagnol et alternative verrouillée, incarnée par la collaboration d'Izquierda Unida avec le PS.

 

L'Andalousie ce n'est pas seulement la première région d'Espagne par sa population (8 millions d'habitants), la troisième par son économie (145 milliards d'€, l'équivalent du Vietnam!).

 

C'est aussi un concentré des problèmes de l'Espagne : une corruption massive, une pauvreté et un chômage endémique. La région compte 1,3 millions de chômeurs (36 % des travailleurs de la région) et 3 millions de pauvres (35 % de la population).

 

Les travailleurs d'Andalousie souffrent de la politique d'austérité de l'Etat espagnol mais aussi de la politique anti-sociale du gouvernement socialiste en coalition avec Izquierda Unida (IU)

 

Ce 19 janvier, le congrès de la formation CUT-BAI – branche politique du Syndicat des travailleurs andalous (SAT), qui réunit le combatif Syndicat des ouvriers ruraux (SOC) – a livré une critique radicale du pacte de gouvernement régional PS-IU. L'occasion de revenir sur la situation locale.


« Exproprier les expropriateurs » : l'action du SAT, de l'occupation de terres aux distributions de produits de première nécessité

 

 

L'expérience des syndicalistes andalous a circulé jusqu'en France, notamment dans les médias alternatifs, constituant un exemple de « volontarisme » dans une situation où la résignation domine.

 

D'abord, depuis près de deux ans, par les occupations des terres abandonnées par leurs propriétaires, latifundiaires ou pouvoirs publics.

 

Ce fut le cas en 2012 de la propriété de Sormonte (400 ha) appartenant au gouvernement d'Andalousie, et celle de las Turquillas appartenant au Ministère de la Défense (1 200 ha).

 

Les syndicalistes ont été délogés par la Guardia civil, et condamnés en novembre 2013 par la Cour d'Andalousie à une amende pour « désobéissance à l'autorité » et « délit d'usurpation ».

 

Ensuite, ce furent les opérations coup de poing dans les super-marchés d'Andalousie pour prendre des produits de première nécessité et les distribuer dans les quartiers populaires de Séville. Ce fut le cas en août 2012 à Ecija, près de Séville et dans un Carrefour de la banlieue de Cadix.

 

Une centaine de syndicalistes ont rempli vingt caddies remplis de riz, de pâtes, d'olives, de lait, distribués notamment dans la communauté « Corrala Utopia », un immeuble vide occupé par 36 familles expulsées de leur ancien logement.

 

Comme le rappelle justement le dirigeant du SAT, député au parlement d'Andalousie Juan Manuel Sanchez Gordillo : « Dans cette période de crise, où on exproprie le peuple, nous voulons exproprier les expropriateurs : les latifundiaires, les banques et les grandes surfaces, qui gagnent de l'argent en pleine crise économique ».

 

Certes, ces opérations ont leurs limites. Le volontarisme se heurte à la question du pouvoir, les solutions locales à une alternative nationale. Mais face à la résignation ambiante, face à la répression de la police et de la justice bourgeoisies, c'est un exemple à saluer !

 

Pourtant, quelle fut la réaction d'Izquierda Unida ? Le député européen Willy Meyer a tenu à souligner que ces expériences « n'avaient rien à avoir avec IU », que ce « type d'opérations d'avant-gardes ne servaient à rien, pouvant même devenir un obstacle. » Obstacle à quoi, on se le demande ?

 

Le vice-président de la région Andalousie, dirigeant d'Izquierda Unida, Diego Valderas, a lui fait savoir qu'il ne « partageait pas la forme prise par cet acte symbolique », suivant avec plus de nuance l'invective du président socialiste Grinan pour qui il s'agissait d'un « acte barbare » (sic).

 

« Du côté des propriétaires » : la collaboration d'Izquierda Unida au gouvernement socialiste, champion de l'austérité

 

Ces réactions hallucinantes nous emmènent au cœur du problème : la collaboration depuis mars 2012 d'Izquierda Unida à un gouvernement socialiste en Andalousie, qui mène la politique la plus droitière qu'est connue la région depuis la chute du franquisme.

 

Les premières mesures du gouvernement « de gauche plurielle » PSOE-IU, c'est l'austérité maximale : la baisse de 5 à 10 % du salaires des fonctionnaires territoriaux, une hausse générale de l'Impôt sur le revenu et l'augmentation du temps de travail hebdomadaires de 35 à 37,5 heures !

 

Le gouvernement andalou vient d'annoncer son deuxième budget, pour l'année 2014. Non rien n'a changé, l'austérité va continuer : un budget en baisse de 3,5 %, soit 1 milliard d'euros en moins, 2,5 milliards depuis l'arrivée du gouvernement de « gauche » !

 

Les conséquences vont être terribles. Déjà le gouvernement annonce pour la troisième année consécutive le non-paiement des primes de fin d'année, la baisse de 10 % de la paye des travailleurs en contrat temporaire, le gel du salaire pour les autres.

 

Le gouvernement andalou prétend que c'est pour la défense de l'emploi. Or, depuis 2011, 16 000 emplois ont été supprimés par la Région, essentiellement par non-renouvellement des contrats temporaires. Une baisse de 7 % des effectifs qui fait de l'Andalousie la championne de l'austérité !

 

Il est loin le discours qui avait fait avaler la pilule de la participation au gouvernement aux adhérents d'IU, aux militants communistes, le fameux discours sur le « gouvernement rempart » contre la politique du pouvoir central, dominé par la droite.

 

Depuis 2012, le gouvernement régional socialiste d'Andalousie est un relais de la politique de coupes du pouvoir central. En 2014, le budget de la santé et de l'éducation seront réduits de 2,5 % (350 millions de coupes cumulées), celui des aides sociales de 1,5 % (25 millions de coupes).

 

Aujourd'hui, IU préfère le discours de la résignation : « on ne peut pas faire autrement », c'est la faute au pouvoir central qui nous impose des coupes sur les aides aux régions.

 

Juste un rappel : qui a fait passer en 2011 avec le Parti populaire de droite l'article constitutionnel sur la « Règle d'or », le retour à l'équilibre des comptes de toutes les Administrations (dont les régions) pour se conformer aux contraintes européennes ?

 

Le Parti socialiste, ce parti avec qui Izquierda Unida pacte aujourd'hui dans la première région d'Espagne !

 

Où va Izquierda Unida ? « Ne pas perdre sa raison d'être » pour les syndicalistes andalous

 

Le Syndicat des travailleurs andalous (SAT) ne cache plus son impatience face à la collaboration d'IU avec le PS en Andalousie.

 

 

Dans un entretien accordé à un média alternatif, le secrétaire du SAT Diego Canamero déclare :

 

 

« ils nous ont embarqué dans un pacte gouvernemental que nous ne voulions pas, avec un parti pro-capitaliste, corrompu, qui soutient les propriétaires terriens. C'est une honte, une indignité, ce gouvernement. »

 

 

Ce 19 janvier 2014 avait lieu le Congrès de la formation CUT (Collectif d'unité des travailleurs), référent politique du Syndicat des travailleurs andalous.

 

 

La CUT, dans sa résolution finale, a dénoncé le « virage à droite » de la direction régionale d'IU, sa « politique suicidaire de recherche permanente et desespérée d'accords de gouvernement avec le PSOE (…) qui rend son projet impossible à différencier de celui du PSOE ».

 

 

Pour la formation de gauche radicale, « il faut séparer unité d'action du concept plus large de politique d'alliances » et mettre « la cohérence du programme au-dessus de tout poste gouvernemental ».

 

 

Certs, il faut faire barrage à la droite mais « cela n'implique pas de faire partie d'un gouvernement avec le PSOE pour éviter un gouvernement du PP ».

 

Mise en garde, « la conversion de la gauche alternative en une force subalterne aux politiques néo-libérales du PSOE ne peut que conduire à une perte d'identité et de sa raison d'être. »

 

 

Pour conclure, pour la formation andalouse, « l'expérience gouvernementale d'IU en Andalousie est néfaste » après une « négociation à l'aveuglette » avec le PSOE qui a conduit à une « première », la participation d'IU à un gouvernement régional, marquée « par la soumission, l'acceptation et la complicité aux coupes sociales, entrant en totale contradiction avec nos positions historiques ».

 

 

Si la CUT a décidé finalement de ne pas quitter Izquierda Unida, pour ne pas prêter le flanc aux attaques venant de la droite, la politique droitière d'IU dans certaines régions, ces alliances à géométrie variable, avec le PS en Andalousie ou bientôt à Madrid, avec la droite dans les Asturies ou en Extrémadure, conduisent à un certain malaise dans les bases militantes.



Dans ce malaise, ce vide politique, certains tentent de jouer leur carte, quitte à appuyer sur les deux contradictions fondamentales de la formation Izquierda Unida : son soutien explicite ou implicite au PS (hier au gouvernement Zapatero, aujourd'hui dans certaines régions) ; son soutien à l'Union européenne, à l'Euro, sur injonction du PGE, malgré d'énormes contradictions.



C'est le cas du respectable dirigeant historique d'Izquierda Unida, Julio Anguita, et de son projet « Front civique : nous sommes la majorité » qui se veut un « Mouvement de citoyens » par-dessus les partis, partant notamment du rejet de l'Euro et de l'UE du capital financier.



C'est aussi le cas du jeune politologue, présentateur de télévision Pablo Iglesias qui vient de fonder son mouvement : « Podemos » (Nous pouvons) qui axe son discours sur le rejet des partis traditionnels, la désobéissance à l'Union européenne des monopoles.



Bénéficiant d'un coup de publicité dans les médias dominants, ces forces ne représentent pas une réelle alternative, le but étant de la fragmenter, en faisant tenir des positions parfois justes (sur le PS, l'UE) par des forces qui n'ont rien à proposer.



Iglesias et son ami politologue Modenero sont les théoriciens de l' « indignation », du « mouvement du 15 mai », autrement dit de l'impuissance du mouvement populaire espagnol.



Toutefois, les contradictions explosives de la situation espagnole – un mouvement populaire combatif face à une gauche pseudo-radicale institutionnalisée et intégrée au système espagnol – doivent nous faire réfléchir et nous mettre en garde contre un processus similaire chez nous.



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