wetteren.jpgLes accidents ferroviaires se multiplient en Belgique : conséquences de la libéralisation du rail imposée par l'Europe

Article de Tony Pirard, pour Solidaire (organe du Parti du travail de Belgique-PTB) repris par http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/



L’accident de Wetteren, ce 4 mai, pose des questions fondamentales : depuis des années, les cheminots mettent en garde contre les conséquences de la libéralisation voulue par l’Europe. Un peu facile, donc, d’imputer la seule faute au machiniste, histoire d’éviter de parler du système de sécurité défaillant.

 

Un mort, des dizaines de blessés, des centaines de personnes qui ne pourront regagner leur domicile durant des jours, des milliers de navetteurs et d’écoliers qui, plus longtemps encore, ne pourront prendre le train, un million de litres d’eau empoisonnée largués dans l’Escaut… L’information prétendant que « tout était sous contrôle », diffusée une demi-journée après la catastrophe par le centre de crise de Wetteren, n’avait vraiment rien du « tout va très bien, madame la marquise »…


    Le déraillement d’un train de marchandises à Wetteren, samedi dernier, était particulièrement dangereux : le train transportait un gaz incolore à l’odeur d’amande, extrêmement toxique, mortel même, l’acrylonitrile. Mélangé à l’eau, il dégage du cyanure d’hydrogène, le même que le Zyklon B, le gaz utilisé par les nazis dans les camps d’extermination.


    La catastrophe soulève bien des questions. Comment se fait-il qu’on n’ait pas compris plus vite qu’il fallait dégager une zone bien plus vaste que celle décidée initialement ? Pourquoi la communication n’a-t-elle pas été meilleure ? Et, surtout : pouvait-on empêcher la catastrophe ?

Quand le profit prime sur la sécurité…



Cette dernière question, surtout, est importante. Que faut-il faire pour réduire les risques d’accident au maximum dans le trafic ferroviaire ? Après la catastrophe ferroviaire du 15 février 2010, à Buizingen, une équipe indépendante d’experts avait enquêté. Elle ne s’est pas exprimée spécifiquement sur cet accident et, trois ans plus tard, il n’y a toujours pas de conclusions officielles, au grand dam des familles des 18 morts et des 162 blessés. Ils ont toutefois enquêté sur la sécurité en général. Leur conclusion était que trois éléments, ici, jouent un rôle important : le matériel et les installations de sécurité, l’efficience de l’organisation globale du trafic ferroviaire et les conditions de travail des cheminots. Sur tous ces plans, cela risque de mal tourner, chez nous, en raison de la politique européenne de libéralisation, préviennent les syndicalistes.


    Depuis des années, ils répètent que davantage de catastrophes de ce genre se produront si, dans le transport ferroviaire des marchandises – et hélas dans le transport des voyageurs aussi –,  la maximalisation du profit devient la préoccupation centrale. En Belgique, le transport des marchandises par rail a été complètement libéralisé début 2012, dans le cadre de la politique européenne de libéralisation et de privatisation que le gouvernement belge applique docilement à 100%.


    Depuis lors, nous faisons face à des situations qui, dans certains cas, font penser aux abus dans le secteur du transport routier, où les entreprises de sous-traitance embauchent des routiers polonais pour un salaire moindre et un nombre d’heures supérieur, ce qui en fait un danger sur la route.


    Est-ce chercher trop loin ? Le train qui a déraillé venait des Pays-Bas et se rendait à Gand-Port maritime pour le compte de B-Logistics, la filiale privatisée du groupe SNCB. Le chauffeur de train qui, par miracle, a survécu à l’accident, est un Hollandais. Il roulait avec deux locos allemande de l’entreprise DB Schenker, la filiale marchandises des chemins de fer allemands. Autrement dit, DB Schenker roulait en sous-traitance pour B-Logistics.


    Les entreprises ferroviaires travaillent d’ailleurs de plus en plus avec des sous-traitants. Depuis quelques semaines, par exemple, l’opérateur ferroviaire polonais PKP fait rouler des trains Cargo en Belgique. Les wagons de marchandises sont de plus en plus entretenus en Europe de l’Est. En Roumanie, tout est manifestement meilleur marché, mais quid de la qualité ? Et aurons-nous bientôt des machinistes polonais aussi en Belgique ?

Terminés, les contrôles par les autorités



Naguère, avant la privatisation du transport des marchandises, les trains étaient contrôlés au plan technique et de la sécurité par des agents bien formés par la SNCB. Aujourd’hui, les entreprises privées – elles sont déjà une dizaine – contrôlent leurs trains elles-mêmes. En théorie, il y a encore ensuite un contrôle par les autorités, c’est-à-dire le SPF Transport, mais celui-ci n’a pas le personnel nécessaire. Il n’est donc pratiquement pas question de contrôle des temps de repos et des parcours des machinistes des entreprises privées. Autrement dit, les autorités commettent ici ce qu’on pourrait appeler un délit de fuite permanent.

 

Cinq catastrophes ferroviaires graves en un an


Ce qui est vraiment catastrophique, c’est que l’accident de Wetteren est loin d’être le premier. Et, hélas, ce ne sera probablement pas le dernier. Ces douze derniers mois, il y a eu au moins cinq déraillements de trains de marchandises. Cinq accidents en un an !


• 12 avril 2012. Un train de marchandises déraille à Melsele. Cause : mauvais état des voies.
• 4 mai 2012. Deux trains de marchandises entrent en collision dans un tunnel à Tintigny (près de Virton). Cause : des wagons du premier convoi se sont détachés ; le second convoi les a heurtés.
• 11 mai 2012. Collision entre deux trains de marchandises à Godinne (à 15 km au sud de Namur). Evacuation prolongée des riverains. Cause : perturbations dans la signalisation ; celles-ci avaient déjà été mentionnées plusieurs fois par les machinistes, mais rien n’avait été réparé.
• 19 février 2013. Un train de marchandises déraille à Muizen. Cause : rupture d’essieu d’un wagon polonais.
• 4 mai 2013. Déraillement d’un convoi de marchandises à Wetteren. Un mort, 50 blessés, d’énormes dégâts environnementaux… 

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