Les travailleurs du métro de Madrid en grève depuis trois jours contre la baisse des salaires imposée par le gouvernement socialiste et l'exécutif régional de droite reconduisent leur mouvement
01 juil. 2010Les travailleurs du métro de Madrid en grève depuis trois jours contre la baisse des salaires imposée par le gouvernement socialiste et l'exécutif régional de droite reconduisent leur mouvement
Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net
Mardi 29 juin, deuxième jour d'une grève des travailleurs du métro Madrilène suivie à plus de 90%.
2 500 grévistes, réunis en Assemblée générale, décident non seulement de reconduire la grève pour une troisième journée, mais surtout de ne pas appliquer la législation sur le service minimum– qui cherche à casser la grève en imposant le fonctionnement de la moitié des métros les jours de grève
Les travailleurs du métro avaient décidé de lancer initialement le mouvement de grève pour protester contre la baisse de 5% des salaires qui touchent tous les travailleurs du public.
Bien que cette réduction des salaires ne concernait pas à l'origine les salariés du métro, dépendant de la région, le Parti Populaire (droite) au pouvoir dans la région de Madrid s'est aligné sur l'exécutif national socialiste et a imposé la même baisse de salaire aux travailleurs de l'Entreprise municipale des transports (EMT). Il a signé, à cet effet, un décret-loi sur le « gel des salaires » violant la convention collective en vigueur.
Après deux jours de grève massivement suivis, le troisième jour a mené à la paralysie quasi totale du service, contraignant les 2 millions d'usagers du système de métro madrilènes à emprunter d'autres moyens de transport.
Malgré une intense propagande médiatique mettant l'accent sur le « ras-le-bol » des gens de la rue, les agressions isolées de grévistes envers les « jaunes », le coût de chaque jour de grève pour le contribuable ou encore le coût indirect pour les commerces du centre, les travailleurs ne lâchent pas et annoncent déjàla poursuite de la grève jusqu'à la fin de la semaine, en respectant cette fois le service minimum.
Après une halte durant le week-end pour permettre « au peuple de Madrid de souffler », selon le communiqué du Comité de grève, les 7 500 salariés de l'EMT se réuniront lundi pour décider de la poursuite de la grève la semaine prochaine.
Combativité de la base et frein des directions syndicales
C'est sous la pression de la base que la loi sur le service minimum a été courageusement bravéepar les grévistes mercredi, avec de lourdes sanctions disciplinaires prises par la Région envers 200 travailleurs grévistes.
C'est sous la pression des directions syndicales, et de celle des CC.OO en particulier, que les grévistes feront marche arrière dès jeudiet respecteront à nouveau la loi sur le service minimum.
Les deux grands syndicats, l'UGT, proche du Parti socialiste, et les CC.OO, historiquement liés au Parti Communiste, ont manifesté une attitude ambiguë:
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appel simultané à l'intensification de la grève (« S'il faut faire un nouveau pas en avant, on le fera », a déclaré Teodoro Pinuela, secrétaire-général de l'UGT-Métro) et à l'ouverture de la table des négociations (« Les syndicats sont disposés à négocier », selon Ignacio Arribas, porte-parole de CC.OO ou encore « c'est le moment de s'asseoir à la table », disait Ignacio Toxo, secrétaire-général de CC.OO);
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condamnation du principe du service minimum (« Nous critiquons la prétention de la direction d'imposer des services minimums abusifs qui restreignent un droit essentiel, comme celui de grève », a proclamé Candido Mendez, secrétaire-général de l'UGT) mais aussi application stricte de la loi (« la première chose sur laquelle on doit se mettre d'accord, ce sont les services minimums pour que l'on ne puisse effectuer une grève sans préjudices pour les citoyens », pour Ignacio Toxo, secrétaire-général des CC.OO).
A noter que derrière l'attitude équivoque des deux syndicats et le hiatus entre les beaux discours et la pratique « pragmatique » typique de l'UGT, c'est à chaque fois le syndicat socialiste qu'est l'UGT qui joue le beau rôle, de la centrale affichant des positions de lutte.
Hypocrisie saisissante, quand on sait qu'elle lutte contre une politique régionale, menée par un exécutif de droite, qui est pourtant la copie conforme de celle du président socialiste, dont la centrale syndicale réformiste reste le principal soutien depuis six ans, et dont elle a accepté les plans de rigueur successifs.
Une grève politique? Et si la présidente de région de droite n'avait pas tout à fait tort...
La présidente de région, reconnue comme faisant partie de l'aile-droite du Parti populaire (PP), Esperanza Aguirre s'est fendu d'une déclaration paradoxalement aussi virulente que censée sur l'attitude ambiguë de syndicats pourtant dociles envers la politique nationale du gouvernement socialiste « Le gouvernement socialiste baisse les salaire de 5% de tous les fonctionnaires et cela se traduit par une grève seulement à Madrid (…) si les syndicats avaient voulu s'opposer à cette mesure, ils auraient pu convoquer une grève nationale contre le gouvernement et son leader », ajoute-t-elle, en précisant que dans ce cas, bien sûr, elle n'aurait pas adhéré non plus au mouvement.
Elle a également dénoncé l'hypocrisie de la vice-présidente de la région, Maria Teresa de la Vega, fidèle lieutenant de Zapatero, et qui a rejoint les piquets de grève dans le cadre d'une « manœuvre politique ».
En partisane de la ligne dure à droite, Aguirre ne peut s'empêcher de réveiller le fantôme de Lénine: « Et je pensais qu'on avait oublié Lénine! »,faisant une analogie douteuse entre la stratégie du PSOE et la conception léniniste du syndicat comme « courroie de transmission pour apporter au monde du travail les intérêts et les objectifs fixés par les partis politiques ».
La valeur d'une « grève politique » pas entamée par les récupérations politiciennes
D'un anti-communisme hystérique, la déclaration d'Aguirre dénonçant une « gréve politique » vise quand même plutôt juste:
D'abord, elle vise juste sur l'hypocrisie du PSOE ainsi que celle des deux syndicats UGT et CC.OO qui condamnent une politique au niveau régional qu'il défendent au niveau national. Pourquoi ce mouvement ne serait pas un point d'appui pour une grève nationale contre la politique du gouvernement et des régions?
Dans cette optique, cette grève ne peut être que « politique », en ce sens qu'elle dépasse les revendications purement corporatistes et pose la question de l'alternative politique aux politiques du capital, portées par les partis de l'alternance.
La petite boutade ironique d'Aguirre envers Lénine montre à quel point la conception d'un rapport organique entre syndicat de lutte et parti révolutionnaire hante toujours l'esprit des anti-communistes espagnols et les terrorise.
Elle hante également celui des dirigeants réformistes des CC.OO, qui la récusent pour mieux épouser la ligne de la collaboration de classe.
En tout état de cause, le double discours des syndicats réformistes et de l' « opposition » socialiste ne remet pas en cause la valeur de cette grève.
Comme la combativité des grévistes l'a montré, en bousculant les mots d'ordre des directions même, il est possible de construire un mouvement de grève généralisé mettant en échec la politique régionale et surtout nationale de casse sociale.
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