Remise en cause historique des droits syndicaux par le patron de FIAT à Mirafiori-Turin: le syndicat des métallurgistes FIOM crie au « néo-corporatisme » et appelle à la grève le 28 janvier
02 janv. 2011 Remise en cause historique des droits syndicaux par le patron de FIAT à Mirafiori-Turin
Le syndicat des métallurgistes FIOM crie au « néo-corporatisme » et appelle à la grève le 28 janvier
Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
Le patronat et la classe dirigeante italienne continuent leur oeuvre de démolition systématique de tous les acquis sociaux gagnés dans la Résistance au fascisme, en particulier grâce à l'action décisive du Parti communiste italien.
Après l'accord séparé concernant l'usine de Pomigliano (Naples) signé en juin dernier (cf Chantage du patron de FIAT à l'usine de Pomigliano: alignement sur les conditions de travail des ouvriers polonais ou fermeture de l'usine), c'est encore le patron de la FIAT, Sergio Marchionne qui est à l'initiative d'un accord symbolisant une nouvelle étape dans la remise en cause des droits fondamentaux des travailleurs italiens.
Cette fois-ci, c'est au site historique de Turin, Mirafiori, que s'attaque le président de la FIAT. Marchionne avait annoncé son intention, en juillet dernier, de produire finalement les futures Fiat Ideaet Multiplasur le site serbe de Kragujevac, condamnant les salariés de Mirafiori à des périodes de chômage technique récurrentes en cette fin d'année.
Or, comme à Pomigliano auparavant, la pratique du chantage est la norme pour le patron de la FIAT.
En échange d'un plan d'investissement, présenté comme celui de la dernière chance pour Mirafiori, conjoint de Fiat et Chrysler pour la production de jeep et de berlines Alfa Romeo,le patron de la FIAT exige des travailleurs qu'ils renoncent à l'essentiel de leurs droits et qu'ils acceptent une augmentation intenable des cadences.
L'accord proposé est en tout point semblable à celui signé à Pomigliano: réduction de 25% du temps de pause; nouveau système de chronométrage informatisé; système de rotation du personnel en 3-8 7 jour sur 7, 24 heures sur 24; augmentation du quota d'heures supplémentaires imposées; suppression des droits aux allocations-maladie en cas d'absentéisme jugé « anormal » par la direction etc.
Une attaque contre le monde du travail et les acquis de la résistance: vers un néo-corporatisme de réminiscence fasciste
Pour le président de la FIOM, syndicat des métallurgistes affilié à la CGIL et resté sur des positions de classe, Giorgio Cremaschi: « Il s'agit de l'acte anti-démocratique le plus grave envers le monde du travail depuis l'époque fasciste ».
Il s'agit également d'une attaque en règle contre l'existence même de syndicats indépendants du patronat, représentant les intérêts du monde du travail, ainsi que contre le droit du Travail même.
Le principe des conventions collectives nationales est piétiné, et avec lui le terrain sur lequel l'inégalité fondamentale entre patron et ouvrier au sein d'une entreprise pouvait être contre-balancé par la reconnaissance de droits collectifs nationaux conquis dans la lutte.
Avec le retour aux accords d'entreprise, les travailleurs, sur le terrain du patron, se retrouvent désarmés et contraints à signer les diktats patronaux.
Le secrétaire-national de la FIOM Giorgio Airaudo évoque à juste titre le fait que la « FIAT impose dans l'usine et dans le système italien des relations de travailun modèle d'entreprise et néo-corporatiste ».
Car tel est l'ultime but du patronat italien, revenir aux accords de Vidoni signés en 1925 entre le patronat et l'État fasciste. Ces accords mettaient alors fin à l'indépendance des syndicats vis-à-vis du patronat et installaient un système dit « corporatiste ». A travers l'instauration de « syndicats maison », sous contrôle patronal et étatique, la bourgeoisie italienne s'assurait la collaboration loyale des syndicats à la gestion des entreprises et un contrôle total sur la main d'œuvre ouvrière.
En excluant la FIOM, qui refuse de signer cet accord ignominieux de toute représentation future dans l'entreprise, le patronat compte bien pouvoir mettre en œuvre ce plan avec les « syndicats maison » et collaborationnistes, membres de la CES, qui ont eux signé l'accord et accepté, sinistre première, l'interdiction de fait d'un autre syndicat.
La FIOM seule contre tous (1) – la gauche syndicale réformiste signe des deux mains
Car les autres syndicats de l'entreprise, en particulier le syndicat réformiste FIM-CISL, membre de la CES, et les syndicats-maison UILM et FISMIC, ont signé l'accord des deux mains. Cet accord de capitulation, présenté par tous les syndicats comme une nécessité inéluctable, est même présenté par la FISMIC comme un accord « historique ».
Si les syndicats-maison et jaunes ont ouvertement soutenu l'accord, la position de la direction de la CGIL– syndicat historiquement identifié à une expression de classe dans le pays et auquel est affilié la FIOM – révèle au-delà des ambiguïtés, également une certaine capitulation devant cette attaque gravissime envers le monde du travail.
En effet, la nouvelle secrétaire-générale de la CGIL Susanna Camusso a reproché publiquement à la FIOM son « intransigeance » et invité la FIOM à signer l'accord en cas de victoire du « Oui » au référendum interne organisé par l'entreprise pour légitimer son coup de force. Pire, cette dernière envisagerait de faire front commun avec le MEDEF (Confindustria) italien pour signer de nouveaux accords nationaux sur la représentativité syndicale, pour proposer donc une alternative nationale corporatiste... au néo-corporatisme de Marchionne.
La FIOM seule contre tous (2) – face à la capitulation de la gauche réformiste, une attente envers les communistes
Sur la scène politique, le Parti démocrate (PD) démontre une nouvelle fois son alignement presque total sur les positions de la droite patronale italienne. Par la voix de ces chefs, tels Piero Fassino déclarant qu'il voterait « Oui » s'il était ouvrier de la FIAT, le PD se range derrière un patronat revanchard.
A côté des oppositions stériles des chouchous médiatiques Antonio di Pietro et Nichi Vendola, les communistes sont incontestablement réduits au silence par les médias dominants. Toutefois le décalage entre leurs préoccupations souvent politiciennes et les attentes des travailleurs de la FIAT contribuent également à ce manque de lisibilité politique.
Les communistes apparaissent comme étant « aux côtés des travailleurs en lutte », dans une posture de soutien, sans pour autant répondre à l'attente de plus en plus forte d'une force politique non seulement représentant la classe ouvrière italienne mais également capable, à partir d'une démarche ancrée dans les luttes, de proposer une perspective politique au mouvement.
Centrées sur l' « unité de la gauche » et la perspective institutionnelle, pourtant rendue vaine par les positions de la gauche syndicale et politique réformiste, les perspectives des partis communistes, regroupés désormais dans une Fédération de gaucheeffaçant identités et positions autonomes des communistes, ne cadrent pas avec la perspective de gagner, ici et maintenant dans les luttes, le bras de fer entamé avec le patronat par les métallurgistes.
Après la grève lancée par la FIOM le 28 janvier à la FIAT, à quand la convergence des luttes?
Pourtant, la FIOM indique la voie depuis plusieurs mois. Après être parvenu à mobiliser plus d'un million de métallurgistes, ainsi que des travailleurs d'autres secteurs, dans les rues de Rome le 16 octobre dernier et lancé un appel à la grève générale à cette occasion (cf Près d'1 million de métallurgistes dans les rues de Rome à l'appel de leur syndicat de classe pour leurs conditions de travail et pour préparer les conditions de la grève générale), la FIOM relance le mouvement en refusant le référendum bidon du 28 janvier , organisée par la direction pour orner d'un vernis démocratique l'acte le plus anti-démocratique qui soit, et appelant ce jour même à une grève de 8 heures à FIAT. En cette même journée, seront organisées des manifestations de solidarité dans toute l'Italie.
Des perspectives inédites de convergences des luttes existent actuellement en Italie. De la manifestation historique du 16 octobre à l'ébullition estudiantine de novembre-décembre (cf Les étudiants à l'avant-garde de la lutte contre la politique du gouvernement Berlusconi en Italie: absence de convergence des luttes et responsabilité des communistes), le rapport de forces existe potentiellement pour faire plier le patronat et le gouvernement.
Or, la FIOM, syndicat de branche, ne peut remplir le rôle du parti de classe qu'elle n'est pas. Le « Parti FIOM » est identifié par certains médias comme un parti de classe par défaut, se substituant à celui qui devrait remplir ce rôle d'impulseur, d'animateur et de directeur des luttes, participant à leur convergence et leur donnant une perspective révolutionnaire: le Parti communiste.
En ce sens, l'analyse du dirigeant du Parti de la refondation communiste Fosco Giannini, membre du courant de L'Ernesto, dans Liberazionedu 31 décembre, est pertinente sur les défis qui attendent les communistes italiens dans les semaines à venir: « Il n'est plus l'heure de faire rire le patronat (…) de notre incapacité à répondre à la lutte de classe lancée par le capital. Il faut réagir, unir les communistes et la gauche de classe, construire le parti communiste dans le feu de la lutte, en arrêtant de l'éroder dans les guerres de courants, dans le refus de l'unité des forces communistes (…). Et y être, être présents dans la rue et les manifestations, tisser des liens avec la FIOM, le mouvement ouvrier et étudiant, être pour eux un repère politique et social, œuvrer en tant que communistes à l'unité des ouvriers et des étudiants dans la lutte ».
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