enjoy-capitalism.jpgSondage 20 ans après la chute du Mur de Berlin


Le mécontentement des peuples vis-à-vis du système capitaliste à son plus haut



Analyse de Hugo Janeiro, pour le numéro du 23 décembre d'Avante (hebdomadaire du PC Portugais)



Traduction AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/



Le mécontentement vis-à-vis du système capitaliste est généralisé. Les mouvements de masses, les actions de protestation et soulèvements populaires, la lutte des travailleurs contre l'intensification de l'exploitation, et le renforcement du soutien populaire apporté à ceux qui proposent des projets démocratiques et de souveraineté nationale, aux progressistes et même aux révolutionnaires nous fournissent déjà quelques indications à ce sujet. Désormais, c'est une enquête publiée par la BBC qui confirme que seule une infime minorité défend le système tel qu'il est présenté – triomphant et plein d'avenir – par la propagande des classes dominantes



Un sondage réalisé pour la chaîne de télévision BBC par GlobeScan, associé au Programme International des Attitudes politiques de l'Université de Maryland, a montré que, en moyenne, seulement 11% des 29 000 personnes interrogées estiment que le capitalisme fonctionne bien et que les efforts visant à sa régulation ne feront que rendre le système plus inefficace.



D'après les interviews menées en face-à-face ou par enquêtes téléphoniques, entre le 19 juillet et le 13 octobre 2009, il ressort, en outre, que ceux qui partagent cette opinion ne dépassent la barre des 20% que dans deux pays – 25% aux Etats-Unis et 21% au Pakistan. Dans la plupart des pays, 15 sur 27, le total de ceux qui apprécient le fonctionnement actuel du système capitaliste et rejette toute tentative régulatrice est inférieur ou égal à 11%.

 

Toujours sur la vision du capitalisme de « libre marché » (concept proposé dans le questionnaire de GlobeScan), l'opinion la plus répandue est que le système connaît des problèmes qui peuvent être résolus par la voie de la régulation et des réformes. En moyenne, 51% des personnes interrogées dans les 27 pays, s'inscrivent dans cette perspective.



Dans la même idée, l'analyse des résultats montre que, dans 15 des 27 pays inclus dans l'étude, la résolution des problèmes du système capitaliste par la voie de la régulation et des réformes recueille des pourcentages au-dessus de la moyenne, le plus enthousiastes apparaissant être les Allemands, avec 75%.



Il faut un autre système



Les allemands sont, dans cette enquête, avec les Japonais, ceux qui croient également le moins au fait que le capitalisme soit condamné et qu'autre système soit nécessaire, avec 8 et 9%, respectivement. Ce qui ne veut pas dire que les allemands et les japonais soient pour autant satisfaits de la situation actuelle, puisque l'hypothèse d'un système réformé et régulé atteint des pourcentages importants de 75 et 66%.



Mais au-delà des personnes interrogées dans ces deux pays, dans la majorité des 25 autres, la proportion de ceux qui ne voient aucun avenir dans le système actuel est surprenante – 23% en moyenne – surtout si on tient compte de la campagne massive de propagande visant à faire la promotion du système capitaliste auprès des nouvelles générations.



Dans 11 pays, le pourcentage de ceux qui croient que le capitalisme a échoué et qu'il faut un autre système est supérieur à la moyenne. Dans deux autres pays, l'Inde et la Russie, ce pourcentage est égal à la moyenne. En République Tchèque, en Pologne et en Turquie, le pourcentage est inférieur de seulement 1% par rapport à la moyenne.

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Regardons de plus près les résultats obtenus en France, 43%; au Mexique, 38%; au Brésil, 35%; et en Ukraine, 31%. Dans d'autres pays comme le Kenya, le Nigeria, l'Espagne, l'Italie, le Panama et le Costa Rica, ceux qui parlent de l'échec de ce système et veulent un autre système se situent entre 25 et 31%. En Égypte, près d'un quart de la population (24%) répond de la même manière.



La majorité souhaite un État interventionniste



Si l'étude publiée par la BBC révèle des chiffres surprenants quant à la proportion de personnes croyant à l'épuisement du capitalisme en tant que système, et étant partisans d'un autre système, alternatif, il n'en est pas moins vrai que, en moyenne, 51% croient qu'il est possible de le réguler et de le réformer. Il faut donc analyser certaines données qui nous offrent quelques pistes pour comprendre ce que la majorité des enquêtés entend par là.



GlobeScan traite la question en se concentrant sur le rôle des Etats dans ce processus de réformes et de régulation, en demandant si les gouvernements doivent jouer un rôle plus actif dans la propriété ou le contrôle des principaux secteurs productifs, dans la distribution plus équitable des richesses (soulignés par nous), ou dans la régulation des marchés.



La majorité des personnes interrogées souhaite que leurs gouvernements respectifs jouent un rôle plus actif en contrôlant directement et en prenant possession des principaux secteurs productifs, scénario constaté dans 15 des 27 pays. Cette optique est particulièrement défendue dans les anciennes républiques soviétiques inclues dans l'enquête, la Russie (77%) et l'Ukraine (75%), mais aussi au Chili (72%), en Indonésie (65%), au Brésil (64%), au Panama (63%), au Costa Rica et au Mexique (61% dans les deux cas), en France (57%) et en Égypte (55%). En République Tchèque et en Italie, les pourcentages sont de 54 et 53%, respectivement.



Il faut aller aux Etats-Unis (52%), aux Philippines (54%) et en Turquie (72%), pour trouver une majorité de personnes interrogées qui ne confierait pas à l'État le contrôle direct et la possession des secteurs-clés de l'économie, et le Japon est le seul pays où une majorité relative toutefois (39%) défend le statu quo quant au rôle que joue l'État actuellement.



En ce qui concerne une répartition plus équitable des richesses de la part de l'État, les réponses son claires. En moyenne, 67% des personnes interrogées défendent cette initiative. Dans 22 des 27 pays, cette opinion est majoritaire, avec des chiffres écrasants – plus de 3 personnes sur 4 – au Mexique (92%), au Chili (91%), au Brésil et en Italie (89%), en France (87%), en Espagne (83%), au Costa Rica (82%), au Panama et en Ukraine (80%), au Kenya (79%), en Allemagne (77%) et en Russie (76%).



Dans les dix autres pays dans lesquels les personnes interrogées estiment que l'État doit jouer un rôle central dans la distribution de la richesse produite, trois ont des pourcentages supérieurs à 70% et quatre supérieurs à 60%. Les Japonais sont les plus sceptiques parmi les majoritaires, 51%, et les turcs ne confieraient pas à l'État un rôle de redistribution des richesses, avec 75% qui défendent l'idée que l'État devrait jouer un rôle moins actif dans ce domaine.



Finalement, quant à la soi-disant « régulation des marchés » (autre concept proposé par GlobeScan) en système capitaliste, la proportion de ceux qui affirment que le gouvernement doit jouer un rôle plus actif est également majoritaire – dans 17 des 27 pays. Avec des pourcentages dépassant les deux-tiers au Brésil (87%), au Chili (84%), en France (76%), en Espagne (73%), en Chine, au Costa Rica et au Panama (71%), en Italie (70%), en Russie (68%) et en Indonésie (67%). Les autres, le Kenya, le Mexique, le Nigeria et l'Égypte affichent des pourcentages dépassant la barre des 60%; l'Ukraine, la Grande-Bretagne et l'Australie oscillent entre 54 et 59%.



L'échec de 20 ans d'une campagne de propagande



Étant donnée la campagne, massive et permanente, apologétique des vertus du libre marché qui a touché toutes les générations, on aurait pu penser que la majorité des personnes interrogées rejetterait l'idée que l'État – qualifié par les propagandistes du système comme « un obstacle au développement des forces économiques » – intervienne plus dans l'économie dans un rôle de régulateur.



Les expressions râbachées par le Capital définissant de la même manière l'État comme « centralisateur », « inefficace », « dépensier », laissaient supposer également que la majorité des personnes interrogées ne défendrait pas le contrôle public des secteurs-clés de l'économie et un rôle actif dans la distribution plus équitable des richesses. Mais c'est bien cela que nous indiquent les données collectées par l'étude de GlobeScan.



Si de ces données nous ne pouvons pas en déduire que la majorité de la population dans les 27 pays comprend que l'État bourgeois est un instrument entre les mains des classes dominantes et que, pour cette raison, sa nature n'est pas réformable et que la contradiction entre le caractère social de la production et l'appropriation privée des moyens de production persistera, il n'en demeure pas moins vrai que la majorité semble s'opposer au soi-disant consensus autour du libéralisme et du « libre marché » qui envahissent tous les aspects de la vie humaine, et qui découchent sur la marchandisation et la privatisation intégrale.



Dans les pays où la construction du premier État prolétarien au monde a laissé encore des traces historiques, les pourcentages disent bien que la main basse capitaliste sur les secteurs productifs, hier contrôlés par l'État, ne convainc pas.



Par ailleurs, il est évident que l'expression « système économique alternatif » nous en dit peu sur la nature de classe de ce système, mais qui aurait pensé que deux décennies après la chute du Mur de Berlin – des milliers de livres ayant été publiés, la conscience collective pilonnée à coup de propagande de masse dans tous les médias; les mêmes mensonges et falsifications mille fois répétées sur le Socialisme, tandis que, dans le même but, on cachait la longue liste des victimes et des miséreux que ce système prédateur et injuste génèrait – 23% des personnes interrogées le pointeraient du doigt, en affirmant que l'échec patent du système n'est pas une illusion, qu'elle est bien réelle et qu'elle rend impérieuse son dépassement.



Le capitalisme ne tombera pas comme un fruit mûr et ses serviteurs feront tout pour maintenir leur pouvoir d'exploitation. Ce sondage ne nous dit pas que les masses attendent un mot d'ordre pour agir et briser la domination de classe. Mais au moins ils nous confirme, de la bouche même de ceux qui habituellement nous intoxiquent avec des mensonges et des demi-vérités, qu'un nombre croissant de personnes en déduisent que le temps presse pour tourner la page de ce système, dont la faillite est de plus en plus évidente, en appelant à la lutte et au renforcement des forces révolutionnaires et progressistes qui proposent le changement de système.



Chute de l'URSS: Un travail de clarification est urgent et nécessaire



L'enquête publiée par la chaîne publique britannique pose également la question de la destruction de l'URSS, et demande si cela a été « fondamentalement une bonne chose » ou « non ». Cette vision est majoritaire dans 15 pays, mais, en calculant la moyenne pondérée des 27, nous en concluons toutefois que 22% des personnes interrogées considèrent que cela a été un événement négatif, alors que 24%, toujours en moyenne, ne sait pas quoi répondre ou affirme ne pas avoir de certitudes sur le sujet.



Des données d'une importance cruciale sont celles qui ressortent des réponses à cette question dans les pays de l'ancien Pacte de Varsovie, la majorité des russes, 61%, et des ukrainiens, 54%, défendent l'idée que la destruction de l'URSS a été un événement négatif. En revanche, 80% des polonais et 63% des tchèques estiment que la destruction de l'URSS a été un événement positif, partageant ainsi la vision dominante dans tous les pays d'Amérique du Nord et d'Europe de l'Est inclus dans l'enquête.



D'autre part, en dehors de la sphère Occidentale, 69% des Égyptiens estiment que la défaite de l'URSS a été un événement négatif, tandis qu'en Turquie, au Kenya, en Inde, au Pakistan et en Indonésie, l'opinion est divisée. Dans ces quatre derniers pays, les pourcentages de réponses: « je ne sais pas » et « je n'ai pas de certitudes atteignent des chiffres de 46, 36, 42 et 41% respectivement, dépassant les pourcentages de ceux qui considèrent que la défaite de l'URSS a été « une bonne chose ». Toujours dans ce quartet, le pourcentage de ceux qui jugent de manière négative la disparition du Socialisme en Union Soviétique est également supérieur au pourcentage de ceux qui la jugent de manière positive.



Aux Philippines, l'incertitude approche les 39%, au Panama les 36%, et au Mexique les 42%, des indicateurs qui, si on prend en compte également les chiffres mentionnés précédemment, laissent croire que parmi les peuples spoliés par les grands centres capitalistes, le sentiment dominant est bien que la défaite de l'URSS a signifié la perte d'un processus fondamentalement positif dans les intérêts de ces pays ou, surtout, que le doute subsiste quant au prétendu triomphe du capitalisme, qui les aurait sans doute rendu plus vulnérables à l'exploitation impérialiste.



Dans ce domaine également, les données de GlobeScan montrent l'étendue des tâches qui s'imposent aux communistes et les potentialités ouvertes à la lutte idéologique, pour un travail de clarification sur le processus révolutionnaire soviétique et la construction du Socialisme comme alternative.



Site d'Avante: http://www.avante.pt/

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