Festival mondial de la jeunesse à Sotchi : dans la contradiction entre le symbole vivant d’Octobre 17 et la propagande de Poutine

ML pour « Solidarité internationale PCF – Vivelepcf », 1er novembre 2017

Le 19ème Festival mondial de la jeunesse et des étudiants s’est clôturé le 21 octobre 2017. Notre site a publié (lien) la déclaration finale, offensive, signée par 36 organisations de jeunesse. Elle affirme notamment : « Le renversement du socialisme, la dissolution de l’URSS et la restauration du capitalisme en Russie et dans d’autres pays socialistes ne nous font pas peur. Nous déclarons de manière décisive que le 21ème siècle sera le siècle de nouvelles révolutions socialistes. … Nous continuons sur le chemin d’Octobre rouge ».

Le festival s’est déroulé en Russie, principalement à Sotchi, sur le site des jeux olympiques d’hiver de 2014 et sous les auspices de Vladimir Poutine qui a présidé une cérémonie d’ouverture somptuaire. Cette situation illustre les contradictions auxquelles sont confrontées non seulement la FMJD (Fédération mondiale de la jeunesse démocratique, organisatrice historique des festivals mondiaux de la jeunesse), les organisations de jeunesse progressistes (notamment communistes), mais aussi tous les militants pour le socialisme et le communisme. « Nous n’avons pas peur de la restauration du capitalisme en Russie »…

Les discussions au sein de la FMJD sur le lieu du 19ème festival avaient déjà posé ces contradictions, lors d’une réunion à Caracas où avaient eu lieu le 18ème (voir notre article d’alors). Ont pesé pour le choix de Sotchi 2017 le symbole du centenaire de la Révolution et les conditions matérielles très favorables proposées par l’Etat russe, sans alternative comparable ailleurs. A pesé contre la crainte d’être identifié à la Russie de la « restauration capitaliste » de Poutine. Un débat profond, très important au-delà de ces circonstances, s’est développé à cette occasion sur la nature de la puissance russe aujourd’hui et son rôle dans l’affrontement de classe mondial. Jusqu’où la Russie capitaliste peut être qualifiée de puissance impérialiste, alors que son économie est largement rentière, basée sur l’exploitation de matières premières (et la liquidation des acquis du socialisme), peu prédatrice de marchés étrangers ? Jusqu’où la Russie, en tant que puissance objectivement opposée aux impérialismes dominants occidentaux, peut-elle servir de point d’appui à des forces anti-impérialistes dans le monde ?

Les réponses des composantes de la FMJD sont également liées à leur diversité : organisations de jeunesse étatiques de quelques pays encore officiellement socialistes, organisations sœurs de partis communistes qui ont choisi d’abandonner leur identité, ou de partis qui ont choisi de conserver les fondamentaux, organisations plus ou moins officielles ou, au contraire, réprimées de pays autrefois non-alignées…

Force est de constater que la Russie de Poutine ne s’est pas embarrassée d’états d’âme à l’égard l’organisation historique FMJD pour récupérer le festival. Les autorités russes n’ont tiré d’elle que, précisément, une légitimité historique et la continuité recherchée avec les grandes manifestations internationales de masse orchestrées autrefois par l’ex-URSS et qui ont marqué les mémoires russes.

Poutine - qui a instauré un jour férié, le 4 novembre, « jour de l’Unité nationale » à l’occasion de la fête de l’icône de la vierge de Kazan, pour supplanter le 7, anniversaire de la Révolution d’Octobre -  a officié à Sotchi devant des dizaines de milliers de jeunes, majoritairement envoyés par les autorités russes tel un pape aux Journées mondiales de la jeunesse (JMJ). Et plus question de révolution d’octobre mais bien de phrases creuses et intéressées ! Dans leurs choix internationaux, les autorités russes sont allées jusqu’à inviter l’organisation de jeunesse du parti de droite extrême, sioniste, israélien, Likoud. Des militants libanais qui tentaient d’enlever le drapeau israélien de l’entrée officielle ont quasiment été placés en garde à vue. La Jeunesse communiste israélienne, notamment, a vivement réagi.

Pour autant, dans ce contexte assez prévisible, les composantes de la FMJD, globalement évincées de leur festival, ont pu se rencontrer et échanger, tenir leur propres débats, initiatives, leur propre festival dans le festival russe, affirmer leur fidélité à Octobre 1917 et renforcer leurs luttes communes. Au cœur des contradictions mondiales.        

Retour à l'accueil