Le journal Peoples Dispatch s'est entretenu avec Katjoesja Buissink du Nouveau Parti Communiste d'Aotearoa sur l'Histoire du parti, son programme et sa méthode d'organisation en Nouvelle-Zélande. (NDT : Aotearoa est le nom māori de la Nouvelle-Zélande)

Traduction NK pour Solidarité Internationale PCF

Le Nouveau Parti communiste d'Aotearoa a tenu son premier Congrès National inaugural à Wellington les 21 et 22 novembre 2019.

 

En novembre 2019, le Nouveau Parti Communiste d'Aotearoa a tenu son premier Congrès National, marquant ainsi une nouvelle phase du mouvement communiste en Nouvelle-Zélande. Peoples Dispatch (PD) s'est entretenue avec Katjoesja Buissink, président du Comité Central du parti, sur la trajectoire de l'organisation et ses perspectives en matière de syndicalisme et de solidarité internationale.

Peoples Dispatch (PD) : Pouvez-vous nous parler du premier Congrès national du Nouveau Parti Communiste d'Aotearoa qui s'est tenu en novembre 2019.

Katjoesja Buissink (KB) : Le Nouveau Parti Communiste d'Aotearoa a tenu son premier Congrès National inaugural à Wellington les 21 et 22 novembre 2019. Bien que pour tout parti communiste, un congrès national soit un événement passionnant et le moment le plus important de la vie du parti, ce congrès fondateur a été tout particulièrement important car il signifie que la Nouvelle-Zélande dispose d'un parti communiste, pour la première fois depuis 1994, lors ce que le Parti communiste de Nouvelle-Zélande avait officiellement mis fin à ses activités.

Le Parti Communiste de Nouvelle-Zélande (PCNZ) avait été créé en 1921, en grande partie par des socialistes néo-zélandais qui s'étaient inspirés du succès alors récent de la Grande Révolution socialiste d'Octobre en Russie. Reconnaissant le caractère bourgeois du Parti travailliste après qu'il eut échoué à condamner le rôle du SPD dans la mort de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht pendant la Révolution allemande, ils avaient alors quitté le Parti travailliste et fondé le PCNZ deux ans plus tard.

La particularité du PCNZ est qu'il a été le seul parti "occidental" à se ranger du côté du Parti communiste chinois lors de la scission sino-soviétique. Depuis le début de la scission jusqu'en 1978, le PCNZ a entretenu des relations exceptionnelles avec le Parti communiste chinois. Le PCNZ a effectué plusieurs visites en Chine, qui étaient traitées de la même manière que des visites d'État. Les comités centraux des deux partis ont même publié des déclarations communes sur le mouvement communiste international et sur l'antirévisionnisme.

Malheureusement, cette relation ne devait pas durer. Le PCNZ a pris le parti de l'Albanie lors de la scission sino-albanaise en 1978, puis a rompu avec l'Albanie en 1990 lors du "coup d'État trotskiste" de Ramiz Alia qui a conduit à la restauration du capitalisme. Ironiquement, seulement deux ans plus tard, la direction du PCNZ a pris un virage liquidationniste et a dissous le parti en une organisation trotskiste en 1993.

A chacune de ces étapes, les représentants de la faction minoritaire se séparaient à chaque fois du PCNZ pour former des partis dissidents, comme le Parti de l'Unité Socialiste pro-URSS, qui s'est dissous au même moment. Ces différentes scissions ont considérablement affaibli l'unité du mouvement communiste et ont nui à sa capacité de se lier aux masses travailleuses en raison de ses luttes intestines sectaires.

Le Nouveau Parti Communiste représente donc à la fois la continuité et la rupture avec le mouvement communiste du 20ème siècle en Nouvelle-Zélande. Comme je l'ai dit dans mon discours d'ouverture au Congrès, "Nous ne sommes pas nés du néant, mais du résultat de la lutte des travailleurs, tant au niveau international que national en Nouvelle-Zélande". Les victoires et les échecs du siècle dernier sont des expériences notables sur lesquelles notre parti peut s'appuyer.

Le premier Congrès National a mis en évidence l'un des plus grands échecs du siècle dernier : les scissions et l'atmosphère d'opportunisme de gauche et de droite qui ont dominé sa seconde moitié. Ce même discours d'ouverture a donné le ton au travail de notre parti, qui doit être celui de l'unité marxiste-léniniste, ainsi qu'à la pratique courante de résoudre les différences par des débats contradictoires.
 

PD : Pourriez-vous nous parler des champs de travail du Nouveau Parti Communiste d'Aotearoa, en particulier de ses relations avec les syndicats ?

KB : Le Nouveau Parti Communiste d'Aotearoa a, depuis avant même le Premier Congrès National, accepté de se concentrer sur le travail syndical et la construction d'un mouvement ouvrier de masse et de classe, en renforçant et en étendant les syndicats. Le premier Comité Central a créé le slogan "une classe, deux unions" il y a plusieurs mois pour guider le travail du parti dans ce domaine, et cela a été réaffirmé par notre premier Congrès National et sa résolution politique. Le slogan "Une classe" définit le cadre de référence de notre parti - nous sommes un parti de classe et prolétarien. "Deux unions" fait référence à notre principale stratégie politique de construire un mouvement ouvrier de masse en cette période de travail du parti : à la fois des syndicats et une union communautaire (de locataires).

Les syndicats sont, comme le camarade Lénine les a appelés, des "écoles du communisme", et le fondement vital du mouvement ouvrier. Par conséquent, ils sont également la composante la plus importante du travail de notre parti. Notre travail au sein des syndicats existe sur deux fronts, à la fois le renforcement des syndicats existants et l'expansion du mouvement syndical par la création de nouveaux syndicats militants et de classe, là où un tel syndicat n'existe pas encore. Par exemple, nous avons des comités du parti et/ou des branches dans plusieurs syndicats existants, tels que l'Organisation des infirmières de Nouvelle-Zélande, le syndicat FIRST ou le syndicat E tū. Ces derniers commencent à travailler sur diverses questions que les membres du parti dans ces organisations signalent en étant des membres actifs sur leur lieu de travail, comme l'obtention du salaire minimum ou la réduction des horaires de travail malsains.

Nous commençons également à travailler à la création de nouveaux syndicats militants et de classe, dans lesquels nous avons la capacité d'aider les travailleurs de l'industrie concernée à se syndiquer. Actuellement, nous fournissons des conseils et des ressources aux travailleurs du secteur de l'hôtellerie et de la restauration, y compris aux membres du parti, qui reconnaissent qu'un syndicat de classe est la clé de l'amélioration des salaires et des conditions de travail et qui sont en train de créer un syndicat pour leur secteur. Cette démarche est facilitée par la législation du travail relativement souple de la Nouvelle-Zélande, qui permet à un syndicat d'être officiellement enregistré avec seulement 15 membres, et à la négociation collective de commencer avec seulement deux membres sur ce lieu de travail. Leur syndicat devrait être enregistré et prêt à entamer les négociations pour sa première convention collective au cours de la nouvelle année.

Le début du néolibéralisme à partir de 1987, introduit par le quatrième gouvernement travailliste, a fait de la reconstruction des syndicats une tâche essentielle pour tous les communistes et les travailleurs de classe. En 1985, 43,5% de la population active était syndiquée. En 2018, ce chiffre était tombé à 13,3 %. Il est clair que nous avons tous beaucoup de travail à faire avant qu'il n'y ait un semblant de mouvement ouvrier de masse en Nouvelle-Zélande, et c'est pourquoi nous travaillons avec tous les syndicalistes et autres travailleurs de classe au sein du mouvement ouvrier pour le revitaliser là où nous le pouvons.

L'Union communautaire d'Aotearoa (ACU), une nouvelle organisation de masse de la classe ouvrière fondée par des membres du parti communiste avec le soutien de plusieurs syndicalistes, constitue la seconde moitié de notre stratégie "Une classe, deux unions" et représente peut-être l'aspect le plus novateur et le plus passionnant du travail du parti au cours de sa période fondatrice.

L'ACU s'inspire des syndicats de locataires qui existent aux États-Unis et au Royaume-Uni, tels qu'ACORN UK, d'où proviennent une grande partie des premières directives organisationnelles et pratiques de l'ACU. Le syndicalisme des locataires présente toutefois une différence importante ici, car dans une large mesure, nous n'avons pas de méga-propriétaires comme il peut en exister aux États-Unis ou au Royaume-Uni, mais un nombre important de petits propriétaires. Ce n'est que par un travail sur le terrain que les plus grands propriétaires ont vraiment été identifiés. L'impact significatif de cette différence est que des techniques telles que les grèves de loyer ne sont pas aussi facilement accessibles à un syndicat de locataires que dans ces autres pays. L'ACU devra s'efforcer de nouer des liens avec les masses et de se constituer en véritable organisation de masse pour que ces tactiques importantes contre les capitalistes propriétaires valent le risque de toute action politique de ce type.

Tout comme il existe une différence entre les syndicats révolutionnaires de classe et les syndicats jaunes de briseurs de grève réactionnaires, nous pouvons faire la différence entre le syndicalisme réformiste et révolutionnaire du logement. Comme ce n'est pas normalement un point clé de la pratique marxiste-léniniste, ce à quoi ressemble le syndicalisme révolutionnaire du logement a été largement synthétisé de manière indépendante par les cadres du nouveau parti communiste. Le résultat a été l'élévation du syndicalisme des locataires au rang de syndicalisme communautaire.

Cette distinction a été faite parce que nous ne voulons pas que l'Union communautaire d'Aotearoa se concentre uniquement sur les questions liées au logement, comme cela est le cas pour certains syndicats qui peuvent se retrouver pris dans des négociations collectives et oublier la lutte des travailleurs au sens large. L'Union communautaire, en tant qu'organisation de masse des communautés de travail, devrait avoir la capacité de se concentrer sur des questions plus larges telles que les travaux publics, les équipements et la vie en communauté. De cette façon, l'Union communautaire devrait avoir la capacité de se développer en un pouvoir essentiellement proto-soviétique canalisé sous la forme et avec le nom d'un syndicat. Au fur et à mesure qu'elle se développera, les branches de l'Union communautaire fonctionneront de plus en plus comme des organes démocratiques et populaires.

Bien sûr, au stade actuel, l'Union communautaire d'Aotearoa joue un rôle modeste et se limite en grande partie à quelques banlieues de Wellington. Pour l'instant, le travail consiste essentiellement à faire du porte-à-porte, à nous introduire dans les communautés de travail et à gagner une base de membres en dehors de la base militante initiale du Nouveau Parti Communiste ou du noyau militant syndical. Cela a été fait avec beaucoup de succès, et maintenant l'Union communautaire d'Aotearoa commence ses premières campagnes. Nous fournissons un service gratuit d'élimination des moisissures aux résidents de Wellington et nous organisons les locataires des logements du Conseil Municipal de Wellington (WCC) afin de lutter pour de meilleures conditions contre la négligence du WCC. Une pétition que nous avons adressé au WWC afin de réparer un système de déchets non hygiéniques dans un bloc d'appartements du Conseil a par exemple reçu le soutien de plus de la moitié des locataires. Avec le temps et l'augmentation du pouvoir de masse que dirige l'Union communautaire d'Aotearoa, nous espérons qu'elle deviendra une partie importante et nouvelle du pouvoir de la classe ouvrière en Nouvelle-Zélande.
 

PD : Pourriez-vous nous parler un peu de la perspective du parti sur l'internationalisme ?

KJ : Le Nouveau Parti Communiste d'Aotearoa est aussi farouchement porteur de l'internationalisme prolétarien et participe déjà au Mouvement Communiste International. Notre secrétaire du Comité central a participé à la Conférence de solidarité anti-impérialiste à La Havane, à Cuba, l'année dernière et a rencontré à la fois le Parti communiste de Cuba et l'Union des jeunes communistes. Nous avons reçu de nombreuses salutations internationales lors de notre premier Congrès National, qui a été très apprécié, et nous avons même accueilli deux délégations internationales du Parti communiste d'Australie et de l'Académie du marxisme de l'Académie chinoise des sciences sociales. Alors que nous continuerons à nous développer et, espérons-le, à participer aux Rencontre internationales des partis communistes et ouvriers, nous espérons que ces liens internationalistes prolétariens s'approfondiront.

En somme, le Nouveau Parti Communiste d'Aotearoa connaît donc un départ passionnant. Étant donné la quantité de travail déjà en cours, il est difficile de croire que nous n'avons commencé les travaux de fondation que le 1er mai 2019 et que nous avons tenu notre premier Congrès National en novembre. Le communisme n'a jamais trouvé de base solide en Nouvelle-Zélande, et le mouvement ouvrier, en général, est très affaibli ici. Il est clair que les communistes néo-zélandais ont du pain sur la planche. Il nous manque une impulsion significative pour notre fondation, comme le Mouvement chinois du 4 mai ou l'Internationale communiste. Mais le travail de notre période de fondation et les lignes politiques convenues lors du premier Congrès national ont créé l'étincelle qui va enflammer le Parti pour forger de futurs liens avec les masses et, espérons-le, inaugurer une nouvelle ère pour le mouvement ouvrier de classe, et pour le communisme dans cette partie du monde.

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