Nous relayons ci-dessous un entretien avec Alexandre Tcherepanov, secrétaire du Comité Central du Parti Communiste Ouvrier de Russie du Parti Communiste de l'Union Soviétique, réalisé par le journal communiste italien L'Ordine Nuovo, qui revient sur la guerre du Donbass, les interventions impérialistes, le rôle de la Russie, la situation actuelle dans la région avec notamment le rôle jouée par les organisations communistes.

Traduction NK pour Solidarité Internationale PCF
 


 

Entretien avec Alexandre Tcherepanov, secrétaire du Comité Central du Parti communiste ouvrier de Russie du Parti communiste de l'Union Soviétique (PCOR-PCUS), responsable du groupe de travail du Comité Central pour la coordination avec les communistes du Donbass


1- Quelles sont les véritables causes de la guerre du Donbass ?
Conflit national ou conflit de classes ?

« Les hommes ont toujours été et seront toujours en politique les dupes naïves des autres et d'eux-mêmes, tant qu'ils n'auront pas appris, derrière les phrases, les déclarations et les promesses morales, religieuses, politiques et sociales, à discerner les intérêts de telles ou telles classes. » (V.I. Lénine).

Si je devais définir en un seul mot la cause de la tragédie qui continue à se dérouler en Ukraine et dans le Donbass, je dirais avec force et détermination que c'est le capitalisme !

La théorie léniniste de l'impérialisme explique qu'en temps de crise, le capitalisme pourrissant et moribond cherche une issue, en politique intérieure, par l'intensification de l'exploitation des travailleurs et, en politique extérieure, par une nouvelle division des marchés d'approvisionnement et des débouchés, une redéfinition des sphères d'influence, une escalade de la tension au point de déclencher des agressions directes pour résoudre les contradictions inter-impérialistes.

L'impérialisme américain est plus intéressé que quiconque par l'affaiblissement des positions de l'économie russe. Le degré d'intégration des économies de la Russie et de l'Ukraine avait atteint 80% dans le secteur de l'ingénierie, en particulier dans l'industrie de la défense. L'impérialisme américain a choisi, comme moyen d'affaiblir la Russie, de fomenter une discorde entre la Russie et l'Ukraine. C'est pourquoi, d'une part, elle a utilisé comme appât l'invitation faite à l'État ukrainien, c'est-à-dire au capital et aux couches petites bourgeoises, d'entrer dans l'Union européenne et, d'autre part, elle a apporté toutes sortes de soutiens aux tendances du nationalisme ukrainien sous la bannière de la libération d'un prétendu diktat de Moscou.

Bien sûr, on ne peut pas tout réduire aux combines des États-Unis et de l'UE. Les causes domestiques jouent un rôle très important dans la préparation du terreau qui a vu pousser les germes réactionnaires. Tout d'abord, il convient de rappeler la désindustrialisation qui a suivi la destruction de l'URSS. En Russie, le déclin de la production industrielle, dans le pire des cas, a été de 50%, en Ukraine beaucoup plus. Ce processus a conduit à un affaiblissement quantitatif et qualitatif de la classe ouvrière. D'autre part, le petit commerce "à bas prix", les métiers semi-industriels et les coopératives ont connu un essor.
 

"En raison des conditions objectives, le capital en Ukraine était divisé entre celui orienté vers le lien et la coopération avec la Russie (en particulier le complexe militaro-industriel et les régions orientales) et celui orienté vers l'Ouest, largement représenté par le commerce des matières premières et le petit commerce."
 

La politique ambiguë du Parti des régions et de l'ancien président V. Ianoukovitch, qui, d'une part, a essayé de jouer la carte de l'entrée dans l'UE comme élément de pression sur la Russie, alors que, d'autre part, il avait amené le pays à un niveau de corruption et d'extorsion rampante, rare même dans les régimes bourgeois modernes, a conduit à la crise économique et politique. En exploitant le mécontentement de la population face à l'aggravation de la situation économique, l'opposition de droite a organisé l'Euromaidan, une action de protestation de masse dans le centre de Kiev, qui s'est soldée par un coup d'État, mené par des méthodes fascistes et aussi par une violence directement exercée contre les organes du pouvoir d'État et contre les membres du parlement.

Dès ses premières évaluations des actions des fascistes ukrainiens à Maidan et Odessa en 2014, le PCOR-PCUS avait clairement indiqué que, compte tenu des lieux choisies pour les manifestations, de leurs sujets porteurs d'idées nationalistes, de leur continuité avec les positions de Bandera, il s'agissait bien du fascisme ukrainien qui était ainsi ressuscité en terre d'Ukraine. Ce fascisme, cependant, a essentiellement été introduit de l'extérieur par les impérialistes des États-Unis et de l'UE, c'est-à-dire qu'il était principalement américain. Les partisans de Bandera et de Petliura n'auraient pas osé "relever la tête" s'ils n'avaient pas eu le soutien du camp impérialiste uni.
 

"La compréhension du caractère essentiellement fasciste du coup d'État était présente dans de nombreuses régions d'Ukraine et, en général, une partie d'entre elles ont essayé d'organiser différentes formes de résistance."
 

En Ukraine, l'exemple de la Crimée est devenu dans une large mesure une référence pour les habitants des régions du Donbass, de Lougansk et de Donetsk. Au printemps 2014, des éléments d'auto-organisation du peuple sont apparus. Les autorités en charge n'ont pas soutenu la protestation, s'écartant ou s'enfuyant, tandis que la population a spontanément attaqué des bâtiments administratifs et formé des services d'autodéfense.

Qu'est-ce qui a tout déclenché dans le Donbass, comment les dirigeants du Comité central et des comités régionaux du Parti communiste d'Ukraine (KPU) se sont-ils comportés en 2014 ? Tout est parti de l'interdiction de l'utilisation de la langue russe et de l'intention des envoyés de Kiev de démolir les monuments à la mémoire de V.I. Lénine à Lougansk et à Donetsk.  Des communistes, des ouvriers, des retraités, des jeunes se sont levés pour défendre les monuments de V.I. Lénine, ont attaqué le bâtiment du Service de sécurité de l'Ukraine et ont réquisitionné des armes.

Les ouvriers et les travailleurs armés ont défendu leur patrie contre l'occupation fasciste. Le Comité Central et les comités régionaux de Lougansk et de Donetsk du PC d'Ukraine n'ont pas soutenu cette lutte des travailleurs. Les comités régionaux de Lougansk et de Donetsk ont été dissous par le CC et le Premier secrétaire du CC du KPU, P. Simonenko, a qualifié les communistes des Républiques populaires de Lougansk et de Donetsk de séparatistes.
 

"Le coup d'État anticonstitutionnel, mené en Ukraine avec le soutien du capital américain et européen en février 2014, la prétendue opération antiterroriste des nouvelles autorités ukrainiennes contre le peuple et les travailleurs du sud-est de l'Ukraine, maintenant formée en tant que Républiques populaires de Donetsk (RPD) et de Lougansk (RPL), présente clairement les caractéristiques classiques du fascisme."
 

Le gouvernement fasciste ukrainien a déclenché une opération punitive de grande envergure pour réprimer les régions désobéissantes, qui avaient ouvertement déclaré leur désaccord avec la politique nazie de la junte de Kiev et leur désir de sortir de l'Ukraine fasciste, une véritable guerre à grande échelle contre le peuple du Donbass, avec l'utilisation d'avions de combat, d'hélicoptères, de véhicules blindés lourds et d'artillerie par les forces armées ukrainiennes. Des maisons, des écoles, des jardins d'enfants, des hôpitaux ont été soumis à des bombardements aériens et d'artillerie pour détruire la population du Donbass, les Russes et les Ukrainiens qui ne voulaient pas accepter le pouvoir de la junte des partisans de Bandera, ce qui a fait des milliers de victimes.

Après que les combattants de la résistance antifasciste aient réussi à chasser les équipes punitives fascistes de leurs capitales, en octobre 2014 et février 2015, passant même à l'offensive, des négociations ont commencé à Minsk, non sans l'aide de la Russie, et deux accords de paix ont été conclus. Au cours du premier puis du deuxième armistice, les troupes punitives ont poursuivi leurs bombardements impitoyables contre la RPD et la RPL dans les zones de contact. Les défenseurs et les civils des Républiques populaires sont condamnés à l'anéantissement. Les bombardements sont encore particulièrement intenses alors que la pandémie de coronavirus est en cours, mais cela ne semble pas avoir été remarqué par les nombreux représentants de l'OSCE qui se trouvent actuellement dans le Donbass. Apparemment, ils sont aveugles et sourds.

La résistance populaire dans le Donbass a eu dès le début un caractère antinazi et a rassemblé dans ses rangs les personnes et les tendances idéologiques les plus diverses (communistes, patriotes et monarchistes russes, Cosaques, défenseurs de l'Église orthodoxe, volontaires internationalistes d'Italie, etc.) mais d'un point de vue de classe, la base du mouvement était, avant tout, composée de la classe ouvrière du Donbass.
 

"La résistance des milices du Donbass, en termes de composition sociale, est sans aucun doute de nature prolétarienne, ce que même le président de la Fédération de Russie, Poutine, a été contraint d'admettre, en disant que c'était une défaite pour les autorités ukrainiennes d'être battues par des mineurs et des conducteurs de tracteurs."


La prévalence du sentiment soviétique était écrasante dans les rangs des milices, surtout dans la phase d'auto-organisation. Les drapeaux rouges de l'URSS sont devenus les symboles de la lutte sans susciter aucune répulsion ni chez les Cosaques, ni chez les monarchistes orthodoxes, etc. À bien des égards, le respect du drapeau rouge peut bien sûr s'expliquer par la mémoire historique de la victoire sur le fascisme en 1945, mais cela n'élimine pas le fait que le sentiment de la plupart des gens était pro-soviétique et que de nombreux participants à ces événements, y compris des commandants influents, pensaient qu'il était possible de restaurer l'Union soviétique.
 



2- Quel rôle joue le PCOR-PCUS dans les événements du Donbass ?


"Le Parti communiste ouvrier de Russie apporte toute l'aide possible à nos camarades communistes des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, notamment une aide organisationnelle, idéologique, politique de masse, matérielle et financière."
 

Le Comité central du PCOR-PCUS a mis en place un groupe de travail pour coordonner nos activités communes avec les communistes de la RPD et de la RPL, dont la direction m'a été confiée. Au cours de cette période, nous avons tenu 25 réunions avec les communistes des deux Républiques populaires, où les membres de notre groupe de travail se sont rendus 16 fois. En outre, d'autres membres du Parti ont également rendu visite à la RPL et à la RPD à plusieurs reprises. En République populaire de Lougansk, nous avons contribué à la fondation de l'Organisation Sociale des ouvriers Communistes et de celle du Parti communiste ouvrier de la RPL, en tant que section du PCOR-PCUS, dont le premier secrétaire, G.V. Osadchiy, est membre du Comité Central de notre Parti. Dans la République populaire de Donetsk, le Front ouvrier du Donbass a été recréé.

À la suite de notre première réunion en août 2014, nous avons lancé une collecte de fonds au sein du parti pour aider les camarades du Donbass, en ouvrant un compte spécial dont les chiffres sont régulièrement publiés dans notre journal "La Russie du travail".

Avec les fonds transférés sur le compte spécial, ainsi qu'avec l'aide des camarades de la région de Kirov, de la République des Komis, de Tioumen, de Voronej, de Moscou et de Leningrad, 30 appareils de chauffage, produits à Kirov, pour les tranchées de la milice, 100 paires de chaussures, des émetteurs-récepteurs, des stations de radio, des batteries pour véhicules blindés, des pneus de voiture, des duplicateurs numériques, et des ordinateurs ont été fournis pour l'Organisation des ouvriers communistes de la RPL et pour les communistes de la RPD. Nous leur envoyons régulièrement les journaux de notre parti, "La Russie du travail", "L'Idée", etc., nous les aidons à produire du matériel de propagande, des banderoles et des drapeaux pour les unités militaires, pour le Front ouvrier du Donbass, pour le PCOR de la RPL. Nous apportons de l'aide aux blessés, également pour leurs soins en Russie, nous envoyons régulièrement des médicaments, nous avons livré plus d'une tonne de miel et transmis de l'argent aux camarades communistes de la RPL et de la RPD pour organiser le travail du parti.
 

"Nous accordons une grande attention à l'encouragement moral des unités et des combattants de la milice populaire, des combattants internationalistes d'Europe et du monde entier qui luttent contre le fascisme."
 

En collaboration avec les organisations communistes du Donbass, nous avons créé les médailles "Pour la défense de Lougansk", "Pour la défense de Donetsk", "Front de résistance à l'OTAN", nous avons restauré l'Ordre du drapeau rouge, l'Ordre "Pour la fidélité à la patrie soviétique", la médaille "Au courage" ; nous utilisons également le Comité Central du PCUS. En outre, nous avons créé des médailles, dédiées au 100ème anniversaire de la Grande Révolution socialiste d'Octobre, aux anniversaires de la fondation de l'Armée rouge et du Komsomol léniniste, au 140ème anniversaire de la naissance de I.V. Staline, au 150ème anniversaire de la naissance de V.I. Lénine, au 75ème anniversaire de la Victoire du peuple soviétique dans la Grande Guerre patriotique.

Au cours de chaque voyage, dans les Maisons de la culture, dans les unités militaires ou sur les lieux de travail, nous organisons une cérémonie solennelle de remise des honneurs et des médailles aux miliciens distingués, aux parents et aux épouses de ceux qui sont morts en défendant la RPD et la RPL contre la junte militaire de Kiev. Nous avons vu avec quelle fierté et quelle joie les camarades acceptent les récompenses du Parti, des récompenses bien méritées pour leurs réalisations militaires, même lorsqu'il existe certaines différences idéologiques, dans la mesure où ceux qui combattent sont non seulement les communistes et leurs sympathisants, mais aussi les cosaques, les soi-disant patriotes et les compatriotes orthodoxes.
 


La grande majorité des miliciens, les combattants de la milice populaire, avec lesquels nous avons pu communiquer aux postes de contrôle ou sur la ligne de front, soutiennent ouvertement les idées de gauche et comprennent qu'il n'y a pas eu de guerre en Union soviétique sous le socialisme.
 

"Beaucoup disent ouvertement qu'ils se battent pour le pouvoir soviétique, qu'ils voient leur avenir comme faisant partie de l'Union soviétique et qu'ils sont prêts à défendre leurs acquis jusqu'au dernier souffle. Ils n'ont que deux moyens de s'en sortir : gagner ou mourir. Il n'y a pas de troisième voie ! "
 


Ils sont bien conscients que, si le Donbass est vaincu et remis aux autorités nationalistes ukrainiennes actuelles, ils seront tous éliminés, comme ce fut le cas à Odessa, comme le font les troupes punitives ukrainiennes, les nazis du Secteur droit dans les territoires occupés, lorsqu'ils parviennent à capturer les personnes peu fiables ou bien les communistes et les familles des miliciens. C'est-à-dire qu'il n'y aura pas de réconciliation, et surtout, l'Ukraine ne pardonnera pas à ceux qui ont défendu leur terre, leur patrie par les armes, mais dans le même temps, l'écrasante majorité des citoyens des Républiques populaires ne pardonnera jamais à l'Ukraine de Porochenko la mort de leurs enfants, de leurs frères et sœurs, de leurs parents, de bébés, la destruction de villes et de villages, d'entreprises, de mines, d'écoles, de cliniques et d'hôpitaux, de centres culturels.

En mai 2015, nous avons organisé une réunion des représentants des partis communistes et ouvriers sur le thème "Solidarité internationale avec la lutte antifasciste des peuples du Donbass à l'occasion du 70ème anniversaire de la Victoire sur le nazi-fascisme", à laquelle ont participé des représentants de 15 partis, dont Guido Ricci.

Les participants à la réunion internationale ont convenu de diffuser des informations véridiques et précises sur la situation dans les Républiques opulaires de Lougansk et de Donetsk afin d'exercer une pression morale et politique sur la communauté internationale, qui devrait et doit faire pression sur le gouvernement ukrainien pour qu'il mette fin à la guerre dans le Donbass.

Lors de chaque réunion des partis communiste et ouvriers du monde entier, nous continuons à expliquer la situation réelle du Donbass, nous appelons nos partis frères d'Europe à fournir des informations véridiques aux citoyens de leurs pays sur les événements du Donbass, sur la lutte des travailleurs de la RPL et de la RPD contre le régime fasciste en Ukraine et à maintenir la pression sur leurs gouvernements et parlements pour amener le gouvernement ukrainien à mettre fin à la guerre du Donbass.
 

"Nous demandons également que toute l'aide possible soit apportée au Parti communiste ouvrier de la RPL, au Front ouvrier du Donbass et à tous les travailleurs combattants des Républiques populaires."
 

En novembre 2019, le CC du PCOR-PCUS a tenu une conférence "Sur la stratégie et la tactique du mouvement communiste et ouvrier dans le Donbass". La conférence a formulé des recommandations pour les activités pratiques du Comité central du PCOR-PCUS, des communistes du PCOR de la RPL et du Front ouvrier du Donbass.


3- Quelle est la position des communistes et des syndicats de classe au sein de la RPL et de la RPD ?


"En RPL a été créé le Parti communiste ouvrier de la RPL (section du PCOR-PCUS) avec le soutien du groupe de travail du Comité central du PCOR-PCUS, il milite activement et a créé ses propres organisations dans les villes de la République."
 

De nombreux membres du parti sont des militaires opérationnels et combattent en première ligne. Par leur intermédiaire, l'organisation républicaine du PCOR de la RPL effectue un travail idéologique auprès des militaires, distribue les journaux du Comité central du PCOR-PCUS "La Russie du travail" et "L'Idée", le journal "Tyumen Ouvrière", la revue du Comité central du PCUS "Transparence" ainsi que les tracts produits par l'organisation républicaine du PCOR de la RPL. Ils organisent des manifestations, des piquets de grève, des dépôts de fleurs devant les monuments de V.I. Lénine, aux héros de la Grande Guerre Patriotique et aux morts de cette guerre.

En RPD a été fondé le Parti communiste de la RPD qui, étant orienté vers le Parti communiste de la Fédération de Russie (KPRF), ne mène pas de travail idéologique actif, mais se limite à la distribution d'aide humanitaire.

Les syndicats officiels de la RPL et de la RPD sont orientés vers la FNPR (Fédération des syndicats indépendants de Russie), ce qui revient à dire qu'ils sont des structures gouvernementales. O.K. Akimov, président de la Fédération des syndicats de la RPL, qui fait partie de la Confédération syndicale mondiale (CSI), dirige l'Union économique de Lougansk, deuxième association publique gouvernementale, qui a le droit de participer aux élections des députés à tous les niveaux. Il n'y a donc pas de syndicats de classe au sein des deux Républiques.


"Au sein de la RPD, le Front ouvrier du Donbass a été reconstitué, avec la participation active du groupe de travail du Comité Central du PCOR-PCUS. Ses statuts ont été élaborés sur la base des statuts de notre Parti."
 

Le Front ouvrier du Donbass regroupe des représentants de la majorité des unités et collectifs militaires. Par son intermédiaire, le contact est maintenu avec les unités militaires et un travail idéologique est effectué.

Un membre du Front ouvrier du Donbass a organisé une grève dans une usine de Donetsk en raison du non-paiement des salaires. Sur recommandation du groupe de travail de notre Comité central, les organisateurs de la grève se sont tournés vers le ministère public et ont finalement obtenu le paiement des salaires.

En mars 2020, avec le soutien du groupe de travail du Comité central du PCOR-PCUS, le Parti communiste ouvrier de la RPL et le Front ouvrier du Donbass ont obtenu le paiement des arriérés de salaires des mineurs.


4- Comment évaluez-vous le rôle de la Russie dans ce conflit ?

Nous demandons au gouvernement russe d'accorder une aide plus importante aux milices qui luttent contre le fascisme. Nous sommes parfaitement conscients que la Russie d'aujourd'hui est sans aucun doute un État capitaliste monopolistique, un jeune prédateur impérialiste, mais avec un appétit formidable, dont les motivations principales sont, avant tout, les intérêts économiques des propriétaires de monopoles russes et la réalisation d'avantages politiques à leur service. Cependant, comme cela s'est déjà produit dans l'histoire, dans la lutte contre le fascisme, les fissures peuvent et doivent être utilisées dans le domaine de l'impérialisme, dans le choc des intérêts entre les puissances et les grands cercles impérialistes. C'est sur la base de ces considérations que, par exemple, nous nous félicitons de l'aide apportée par la Russie au gouvernement légitime syrien. V.I. Lénine faisait la distinction entre guerres justes et guerres d'agression. Aujourd'hui, les travailleurs du Donbass mènent une guerre juste contre le fascisme ukrainien, tout comme le peuple et le gouvernement légitime de Syrie mènent une guerre juste contre Daech, c'est-à-dire contre le fascisme islamique, qui est sans doute soutenu par les forces de l'impérialisme.

Mais en même temps, nous expliquons toujours que l'aide de la Fédération de Russie aux Républiques populaires n'est pas fournie par affinité idéologique, que la Russie n'est ni l'URSS ni son héritière, que pour les travailleurs, ce n'est pas la libération du joug de l'exploitation, mais juste une bouffée d'air frais dans la lutte contre le fascisme en tant que produit le plus horrible de l'impérialisme.


"Nous expliquons que les autorités russes mènent constamment des négociations publiques et secrètes avec les grands centres impérialistes des États-Unis et de l'Union européenne. Les autorités bourgeoises de la Fédération de Russie peuvent à tout moment trahir et vendre leurs alliés, ce que l'on semble d'ailleurs observer aujourd'hui en ce qui concerne les Républiques du Donbass."

Les autorités des nouvelles Républiques populaires (RPD et RPL), sous l'influence du Kremlin, se sont également distinguées par leur anticommunisme. Comme les autorités ukrainiennes, elles ne permettent pas aux organisations communistes de participer aux élections, que ce soit au sein de la RPL ou de la RPD.

En Ukraine, le Parti communiste a été interdit, tandis que la RPL a refusé l'enregistrement à l'Organisation des ouvriers communistes de la RPL et au PCOR de la RPL. En RPD, en 2016, à la veille du jour de la Victoire dans la Grande Guerre patriotique, deux députés communistes ont été privés du statut de députés du Conseil du peuple de la RPD. Les commandants de milice les plus influents (Batman, Mozgovoy, Dremov, Motorola, etc.) ont été physiquement éliminés pour leurs positions pro-communistes.

Néanmoins, nous essayons de faire pression sur la direction bourgeoise de Russie, en lui reprochant de ne pas aider le Donbass comme elle devrait le faire.

En octobre 2014, après notre premier voyage au Donbass, le Comité central de notre parti a adopté une résolution sévère dans laquelle il accusait le président et le gouvernement de Russie d'avoir capitulé dans les Républiques populaires du Donbass, en refusant de fournir du matériel militaire, des munitions, de l'aide humanitaire. Grâce à notre résolution et à la pression de l'opinion publique, la Fédération de Russie a repris son aide au Donbass.

Nous maintenons constamment cette pression. Par exemple, en avril 2016, nous avons été informés par les commandants des bataillons de la milice populaire que la ville de Gorlovka, l'aéroport de Donetsk, la gare de Yasinovataya en RPD, le village de Luganskaya en RPL étaient quotidiennement bombardés, alors que les médias russes n'en disaient pas un mot. Le 18 mai 2016, nous avons envoyé à l'administration présidentielle et aux médias une résolution de notre Comité central. Le 21 mai, Poutine appelait les présidents français et ukrainiens ainsi que la chancelière allemande. Depuis lors, des informations sur le bombardement du territoire des Républiques populaires sont régulièrement diffusées dans les médias russes.


"Pendant la pandémie de coronavirus, les bombardements des villes et des villages des Républiques ont été particulièrement intenses. Des civils et des enfants sont morts, mais, là encore, les médias russes n'en ont pas parlé."
 

Le 30 avril 2020, nous avons envoyé une nouvelle résolution du Comité central de notre parti au président de la Fédération de Russie et le 2 mai, la chaîne Rossiya-24 et d'autres médias russes fournissaient enfin des informations sur ces bombardements touchant les deux Républiques populaires. Ainsi, nous avons pu briser le blocus de l'information.

Nous travaillons activement, en envoyant des appels au Président de la Russie avec la demande de citoyenneté russe pour les miliciens et membres de leurs familles qui le souhaitent et pour que la Russie leur délivre des passeports. Nous recueillons également des signatures pour la reconnaissance des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk.

Après nos appels répétés, nos rassemblements et nos piquets de grève dans les régions de Russie, la Douma d'État a adopté, fin 2018, une loi visant à faciliter la délivrance de la citoyenneté russe aux résidents des deux Républiques populaires et, en avril 2019, le président de la Fédération de Russie a signé le décret présidentiel pour la délivrance de passeports russes aux citoyens de la RPL et de la RPD. En raison des nombreux problèmes survenus lors du dépôt des documents et de la délivrance des passeports russes et de la RPD, des très longues listes d'attente et de l'impossibilité pour de nombreux habitants des Républiques (retraités, familles nombreuses, etc.) de payer le droit de timbre, en juin 2019, les procédures d'acceptation des demandes de citoyenneté russe et de délivrance des passeports en RPD ont été examinées directement par le groupe de travail du CC du Parti. Des points de collecte de fonds supplémentaires ont ensuite été mis en place et, en mars 2020, une loi fédérale abolissant le paiement du droit de timbre pour les citoyens des deux Républiques populaires a finalement été adoptée.

Grâce à l'intervention du groupe de travail du CC du PCOR-PCUS et à son appel au Président et au Procureur général de la Fédération de Russie, des procédures d'extradition en Ukraine, en Ouzbékistan et en Lettonie contre des miliciens ayant combattu aux côtés des Républiques populaires ont été levées.
 

"Nous continuerons donc à l'avenir à faire pression sur le président, le gouvernement, la Douma et le Conseil fédéral. Cela dit, nous soulignons une fois de plus que nous ne devons pas nous faire d'illusions sur la nature impérialiste de la politique russe et sur les raisons de son comportement dans l'arène internationale."
 


5- Quelles sont les perspectives de développement des Républiques populaires et du mouvement ouvrier dans le Donbass ?

Volodymyr Zelensky

En Ukraine, l'élection du président Zelensky a été un coup d'éclat habile des forces du capital. Profitant de l'extrême mécontentement du peuple envers les oligarques, ils ont réussi à orienter le vote populaire lors des élections vers un nouveau nom de l'oligarchie, qui depuis un certain temps, avec l'aide de l'industrie cinématographique et l'argent de ces mêmes oligarques, est présenté comme un serviteur du peuple et un opposant aux capitalistes. Désormais, toutes les composantes bourgeoises impliquées d'une manière ou d'une autre dans le conflit sont ouvertes aux négociations et aux accords pour poursuivre leur politique habituelle. L'Ukraine, afin de ne pas apparaître comme un pays où règnent les problèmes et les conflits et de se rapprocher de l'adhésion à l'UE et à l'OTAN. La Russie, dans une tentative d'éliminer les problèmes, de faire reconnaître la Crimée et de faire lever les sanctions à son égard. L'Union européenne, pour éviter le risque d'une guerre à proximité de ses frontières et pour stabiliser l'approvisionnement en énergie et en matières premières. Les États-Unis, à la veille des élections présidentielles, pour consolider leur objectif fondamental de dresser la Russie et l'Ukraine l'une contre l'autre. Seuls les intérêts des peuples du Donbass ne sont pas du tout pris en compte.

Les travaux se sont intensifiés sur la mise en œuvre des accords de Minsk et de leurs instruments d'application, la formule dite Steinmeier [1]. Le retour des deux Républiques populaires au sein de l'Ukraine et le rétablissement de l'unité formelle, poussé avec insistance par tous les participants aux négociations, y compris la Russie, ferme les yeux sur l'essence du problème. Ils tentent de concilier le régime de Kiev, qui conserve son caractère nationaliste et largement pro-fasciste, avec la démocratie peu développée mais populaire du Donbass.

La lutte ne sera donc pas facile. Les miliciens, les militaires, les ouvriers, sont bien conscients qu'il n'y aura pas de réconciliation. Ils n'ont donc qu'une seule issue : continuer le combat pour la liberté, jusqu'à ce qu'une guerre partisane soit organisée, quitte à se retirer temporairement en Russie avec des armes. Le président Poutine le comprend bien lui aussi, et c'est ce qui l'empêche de remettre le Donbass à l'Ukraine. Le succès de la lutte dépendra de la manière dont nous parviendrons à impliquer largement les masses travailleuses. Certes, la formule d'autonomie de la RPL et de la RPD, à l'instar des républiques non reconnues de Transnistrie et d'Abkhazie, serait sans doute préférable à une unité imposée et coercitive, mais seule la victoire du socialisme en Russie et en Ukraine créera les conditions optimales pour déterminer le sort de l'héroïque peuple du Donbass, qui défend son droit à la liberté au prix de la vie de ses meilleurs fils et filles. Dans ce cas, la question des frontières administratives du Donbass deviendrait entièrement secondaire et placerait les travailleurs eux-mêmes au sein d'un État unitaire d'ouvriers et de paysans à l'intérieur de l'Union soviétique. V.I. Lénine a écrit à ce sujet dans sa lettre aux travailleurs ukrainiens.


6- Quels sont les objectifs du PCOR-PCUS pour le futur proche ?


"L'objectif immédiat est la poursuite de la lutte contre le fascisme dans le Donbass et en Ukraine, par tous les moyens possibles et en unité avec toutes les organisations."
 

Nous concentrons tout notre travail de propagande sur l'explication du principe d'internationalisme de la lutte ouvrière et sur le rejet de la ligne qui voudrait développer l'opposition sur une base nationale, par exemple, contre les "ukry" ou contre les "moskali" [2].

Nous continuons à insister pour que les masses populaires participent en premier lieu aux discussion et aux prise de décision les concernant dans le processus imposant le contenu des accords de Minsk, la formule Steinmeier, etc. Nous insistons sur l'élimination de toutes manifestations du fascisme en Ukraine (la loi sur les langues, la loi sur la décommunisation, la glorification de Bandera et des autres collaborateurs du fascisme), la condamnation des crimes des nazis et la mise hors la loi des bandes armées nationalistes comme conditions absolument nécessaires à l'application des accords de Minsk.


"C'est pourquoi nous continuerons à insister sur le maintien, pour la RPL et la RPC, de leur statut de républiques indépendantes "non reconnues", telles que la Transnistrie et l'Abkhazie, nous demandons néanmoins leur reconnaissance par la Fédération de Russie, voire leur entrée dans celle-ci."


Nous continuerons à lutter pour le renforcement de l'influence communiste entre la classe ouvrière et l'armée des deux Républiques Populaires, pour le renforcement du rôle de l'organisation républicaine du PCOR de la RPL, pour la formation, sur la base du Front ouvrier du Donbass, d'un Parti communiste ouvrier en RPD.

Le principal axe de travail des communistes est la création d'organisations de la classe ouvrière : le Front ouvrier, les syndicats de classe, les conseils ouvriers. Nous irons de l'avant dans l'organisation du prolétariat en tant que classe en soi, dans sa transformation en tant que sujet autonome de la vie politique des deux Républiques, avec le droit de revendiquer et d'obtenir une pleine participation à celle-ci, y compris la participation aux élections.


"Le thème du Front ouvrier, de la lutte pour la cause de la classe ouvrière, est le fil conducteur stratégique de notre lutte et doit constituer la base fédératrice de toutes les organisations luttant contre le fascisme."

 

Notes du traducteur :

[1] Frank Walter Steinmeier est le président de la République fédérale d'Allemagne. La formule qu'il propose, en résumé, prévoit la mise en œuvre progressive du deuxième accord de Minsk, avec la concession de certains territoires des Républiques populaires actuelles, leur autonomie relative au sein de l’État ukrainien, l’organisation d'élections dans les territoires de ces dernières.

[2] Termes méprisants par lesquels les parties adverses identifient leurs adversaires.

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