Communiqué du Parti Communiste des Travailleurs d'Espagne sur la situation dans les transports et sur le rôle de l'UE dans le processus de privatisation Source: https://www.pcte.es/comunicados-centrales/frente-a-la-privatizacion-del-sector-ferroviario-y-el-papel-de-la-ue/

 

Le Parti communiste des travailleurs d'Espagne (PCTE) s’organise actuellement dans le secteur ferroviaire et appelle les travailleurs du secteur à se mobiliser avant les élections européennes. Nous sommes les travailleurs qui faisons tourner jour après jour ce secteur d'une importance cruciale pour l'économie espagnole, qui est un leader mondial en matière d'innovation technologique et qui dispose à présent du plus grand réseau de trains à grande vitesse d'Europe. Par cette campagne, nous mettons au premier plan la dénonciation le processus de privatisation qui se déroule dans le secteur depuis des années, avec les mesures de différents gouvernements capitalistes, et qui s'intensifie actuellement dans notre pays sous la protection de l'UE et du gouvernement espagnol.

 

L’entreprise publique RENFE fût créée au milieu XXème siècle, et possédait le monopole d’entretient et d’exploitation du réseau féroviaire de toute la péninsule ibérique pour les passagers et marchandises. L'État franquiste, en tant que représentant des monopoles espagnols, avait pris à sa charge la gestion du réseau ferroviaire détérioré après la guerre civile, du fait de l'importance cruciale du secteur des transports terrestres dans la réactivation de l'économie et la relance de l'accumulation capitaliste. À la fin de la dictature de Franco et pendant la période de transition, la lutte intense du mouvement ouvrier réussit à remporter une série de droits du travail et à imposer une conception publique et sociale des transports. Cependant, pour les capitalistes, cette conception a toujours été limitée au cadre de leurs intérêts.

 

À mesure que le siècle avançait, le rôle de l’État devenait de moins en moins nécessaire à la stabilisation et à l’expansion du secteur. Le secteur est progressivement devenu une niche rentable pour les monopoles espagnols. L'État s'est alors mis à limiter son intervention aux fonctions dont la gestion n'est pas rentable mais dont l'importance stratégique est fondamentale. Dans le même temps, le capital espagnol fusionnait avec le capital européen et l'Union européenne commençait à déterminer les mesures de gestion nécessaires pour sauvegarder les bénéfices des monopoles internationaux.

 

Ainsi, depuis les années 1980, l’UE a commencé à développer sa ligne stratégique pour la libéralisation de tous les secteurs de l’économie dans nombre de ses pays membres. Le Livre blanc sur les transports en est un exemple. En acceptant cette ligne de conduite, un processus de restructuration du secteur a commencé en Espagne dans les années 1990 et, dans les années 2000, l’UE a fini par exiger sa libéralisation. Avec la loi sur le secteur ferroviaire de 2005, RENFE a été divisée en deux nouvelles entités : Adif (gestion et entretient du réseau) et Renfe-Operadora (opérateur), une fragmentation qui a été la pierre angulaire du processus de privatisation qui affecte à la fois l'entretien, la gestion et l’exploitation de l'infrastructure ferroviaire existante.

 

D'une part, l'introduction d'opérateurs privés autorisés à la prestation de services. Ce processus s’est largement accéléré suite aux réglementations de 2020, mises en œuvre par le gouvernement social-démocrate de Pedro Sánchez, qui ont permis l’installation d’opérateurs comme Ouigo et Iryo, appartenant à des géants européens des transports*. D’un autre côté, on a vu une application systématique de l'externalisation du travail tant dans les ateliers que dans la maintenance des infrastructures. Le processus d'intégration du personnel dans les effectifs de Renfe et Adif, en cours aujourd'hui, ne modifie en rien les lignes de développement fixées pour le secteur, visant à générer des espaces d'accumulation pour le capital privé et à l'externalisation de larges parts de son processus productif.

 

La fragmentation des entreprises, l’externalisation des charges de travail et la privatisation d’un nombre croissant de sous-secteurs ferroviaires sont allées de pair tout au long de ce processus. Dans l'ADIF par exemple, la quasi-totalité des travaux de rénovation des infrastructures ferroviaires incombent à des entreprises privées, les grands monopoles de la construction étant ceux qui ont concentré ces concessions (Ferrovial, ACS, Comsa, Acciona...). Dans les services logistiques également, et notamment dans la maintenance des infrastructures, une grande partie des charges de travail a été externalisée. Les offres d'emploi publiques lancées par l'Adif depuis 2019 ne suffisent pas à internaliser une part significative des tâches de gestion des infrastructures, et il ne semble pas que ce soit ce que l'entreprise envisage. Dans le Groupe Renfe, nous avons l'exemple récent de la privatisation de Renfe Mercancías (filiale du fret), que notre Parti a déjà analysé et dénoncé lorsque l'actuel gouvernement social-démocrate a lancé des mesures dans ce sens, et à laquelle tous les syndicats se sont opposés.

 

Dans les groupes d’opérateurs privés et autres entreprises sous-traitées, les travailleurs subissent des conditions de travail dégradées par rapport au groupes encore publique de Renfe et de l'ADIF. L’externalisation et la privatisation ont permis une fragmentation du processus de production pour maximiser les profits et le transfert des revenus du travail vers les revenus du capital, mais également une détérioration les conditions de travail et une fragmentation des structures de luttes de la classe ouvrière, créant ainsi des obstacles majeurs à l’organisation du combat syndical et politique. Enfin, ces processus ont servi par le jeu financier à concentrer le capital dans de grands monopoles européens.

 

En résumé, l'Union européenne et les différents gouvernements espagnols, y compris les sociaux-démocrates qui, devant les caméras et en temps de campagnes électorales réclament une UE sociale, ont promu un processus de privatisation et de fragmentation du secteur qui dure depuis des décennies et qui se trouve aujourd’hui à un stade avancé. Ils constituent un exemple des limites de la politique capitaliste, toujours définie par les besoins des monopoles. PSOE, PP, VOX, Sumar, PODEMOS... tous partagent l’idée d’une gestion aux marges des besoins du capital.

 

Face à cette politique de casse en étroite collaboration avec l’UE, le PCTE propose aux travailleurs du secteur de reprendre l'initiative en tant que classe, de commencer à parcourir notre propre chemin : nous devons lutter contre un système capitaliste qui ne peut pas nous offrir un modèle de transport et de travail qui ne soit pas celui de l’enrichissement des monopoles transnationaux et de l’exploitation des travailleurs. Face aux réformistes pro-européens de tout bord, nous proposons une autre manière de faire de la politique, celle qui se fait à partir de la vie quotidienne et de nos lieux de travail. Cette lutte hautement organisée qui affronte toute violence contre les salariés a pour horizon un modèle social qui bannit la logique du profit privé, et s'engage en faveur d'un modèle de transport sous contrôle ouvrier, efficace, sûr et durable.

 

* NDT : dans ce même esprit de marché européen, le groupe Renfe a également servi  à racheter des parts d’opérateurs européens (république tchèque notamment) et à créer des filiales opérant en France et en Italie.

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