Ce texte constitue la base d’une formation annuelle du parti communiste allemand (DKP), dont le thème était en 2024 le fascisme. Nous avons reproduit intégralement le document principal mais des annexes et ressources bibliographiques (en allemand) sont également disponibles sur la page suivante https://dkp.de/partei/theorie-und-bildung/. Ce texte insiste sur la nécessité d’analyser le contexte de crise politique et économique nationale et internationale pour comprendre le recours au fascisme par le capital, notamment le capital monopoliste. Sans prendre en considération la baisse tendancielle du taux de profit qui pousse à l’affrontement entre classes capitalistes monopolistes, l'action antifasciste restera sur un terrain moral inefficace, si ce n’est propice à la collaboration dans la mise en place de la violence étatique interne. En particulier, le document rappelle les thèses historiques de Dimitrov et leur apporte une lecture critique dans le contexte de guerre actuel.

(A.S. pour solidarité internationale)

 

Introduction

Aujourd'hui, le fascisme est seulement attaqué en tant qu'attitude politique. Cependant, pour nous, le fascisme est une forme particulière de domination bourgeoise qui est devenue nécessaire en 1933, car l'Allemagne devait être menée à la guerre. Le pouvoir a été confié au NSDAP fasciste en raison d'intérêts économiques sous-jacents. Les grandes banques et les capitalistes les plus agressifs ne pouvaient élargir leur sphère d'influence que par la guerre. Et quelle est la situation aujourd'hui ?

Ce texte souligne le lien entre le fascisme et la guerre. Sans ce lien, c’est-à-dire sans reconnaître le rôle de l'agression extérieure, l'antifascisme reste impuissant. Par conséquent, ce texte commence par des déclarations clés sur la militarisation : sur le plan politique, l'impérialisme est fondamentalement une poussée vers la violence et la réaction.

Nous devons également nous efforcer de mieux comprendre la contrainte d'action derrière ce que nous appelons la "restructuration réactionnaire et militariste de l'État". Ainsi, nous examinons également en détail les contextes économiques. Il devient clair que l'agression extérieure et la violence intérieure sont deux faces d'une même médaille.

Par conséquent, une idée fondamentale doit prévaloir dans nos analyses et nos discussions : l'ennemi, c'est le capital, en particulier le capital monopolistique.

Suggestions pour la Discussion :

  • A qui profite l'armement et les préparatifs militaires en Allemagne ? Qui paye la facture ?
  • Pour le capital, la démocratie parlementaire bourgeoise est une meilleure variante que la forme de domination fasciste. Pourquoi ?
  • Dans quelle mesure le capital peut-il développer un programme agressif d'armement et de préparation à la guerre sous une démocratie bourgeoise-parlementaire, tel que promu à la fois par la coalition « feux tricolores » [Verts, parti libéral-démocrate FDP, et le parti social-démocrate SPD] et son opposition CDU/CSU [union entre chrétien-démocrate et droite libérale]?
  • Quel rôle joue l'AfD pour le grand capital dans ce contexte ?
  • Que signifie pour nous le "tournant" avec une militarisation croissante et un démantèlement accentué des droits démocratiques et sociaux ?
  • Une nouvelle vague de fascisme menace-t-elle ? Sommes-nous déjà en plein dedans ? Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg ont été assassinés sans qu'un régime fasciste ne soit en place en Allemagne. Quels antécédents permettent d’analyser la situation présente ?
  • Seconde Guerre mondiale : au fascisme succède la guerre. Doit-on imaginer l'inverse aujourd’hui ? Quel est le rapport entre la violence extérieure et la violence intérieure ? Comment se présente le lien entre fascisme et guerre aujourd'hui ?
  • Que signifie tout cela pour notre pratique ?

 

 

Ils doivent le vouloir

Nous devons à Bertolt Brecht le résumé d'une vérité élémentaire : « Les capitalistes ne veulent pas de guerre. Ils doivent la vouloir. » En effet, le capital est contraint de réaliser des profits et toujours plus de profits s’il ne veut pas disparaître. Il n’y a pas de stagnation. Devenir plus grand, écraser la concurrence ou l’absorber – ainsi Karl Marx citait-il avec approbation le relieur britannique et dirigeant syndical Thomas Dunning, qui écrivait : « Le capital a une horreur de l'absence de profit ou d'un très faible profit, comme la nature a horreur du vide. Avec un profit adéquat, le capital devient audacieux. Dix pour cent garantis, et on peut l'appliquer partout ; vingt pour cent, il devient vif ; cinquante pour cent, positivement téméraire ; pour cent, il piétine toutes les lois humaines ; trois cents pour cent, et il n’existe aucun crime qu’il ne risquerait, même au péril de la pendaison. »

Lénine nous a fourni le développement de cette analyse pour une époque où le monde avait été entièrement partagé entre les états au service du capital. Il n'a pas seulement analysé les processus économiques, leurs causes et leurs conséquences, mais il a également clarifié les changements politiques et sociétaux : « La superstructure politique au-dessus de la nouvelle économie, au-dessus du capitalisme monopoliste (l'impérialisme est un capitalisme monopoliste), est le passage de la démocratie à la réaction politique. La démocratie correspond à la libre concurrence. La réaction politique correspond au monopole. » Et à un autre endroit, il résume : « Politiquement, l'impérialisme est fondamentalement une poussée vers la violence et la réaction. »

Il n’y a pas l’un sans l’autre : les profits, l’écrasement de la concurrence tant nationale qu’internationale, le pouvoir, les sphères d’influence, les ressources naturelles et les marchés nécessitent un État qui garantit au capital l’option de la violence. Après la destruction de l'Union soviétique et de la RDA, les cartes ont été redistribuées. Un immense pays avec tout ce qui l’entoure devait à nouveau être partagé. C'est pourquoi l'OTAN n'a pas été dissoute, bien qu'il n'y ait plus d'« ennemi ». Elle a été utilisée pour se rapprocher progressivement des frontières de la Russie. Pays par pays, des prétendues « révolutions de couleur » ont été orchestrées, et des gouvernements dociles installés. Dans la montée des troupes vers l'Est – voir l'Ukraine – des pays entiers sont détruits, préparant « pour nous » d'autres conquêtes.

 

« Comme un cyclone, l'impérialisme tourne autour du globe ; le militarisme broie les peuples et aspire leur sang comme un vampire. »

Karl Liebknecht

 

Tricher, tromper, duper

Brecht poursuit dans la phrase ci-dessus : « Les capitalistes allemands ont deux options en temps de guerre : 1) Ils trahissent l'Allemagne et la livrent aux États-Unis. 2) Ils dupent les États-Unis et prennent la tête. » En des termes contemporains, cela sort de la bouche du ministre de l’économie et du climat Robert Habeck (Verts) : « L'Allemagne doit mener en servant. » (*) Quant au ministre de la défense Boris Pistorius (SPD), il est moins fleuri avec sa revendication de « capacité de guerre ». L’impérialisme allemand cherche toujours à s'assurer un rôle de leader au sein de l'UE, afin d'acquérir la force nécessaire pour participer au club des prédateurs impérialistes (« l'Occident des valeurs »).

Il est donc important de prendre en compte les similitudes entre les impérialistes ainsi que les contradictions qui existent entre eux. D'une part, les États-Unis sont de loin l'État impérialiste le plus puissant, auquel les autres doivent allégeance. D'une certaine manière, l'UE est sacrifiée par les États-Unis. D'autre part, les capitaux nationaux ont aussi des intérêts propres. L’Allemagne (entendu la classe capitaliste dirigeante) a besoin de l'OTAN comme garantie contre une révolution chez nous. Par ailleurs, l’Allemagne a besoin d'armes nucléaires pour devenir plus indépendant sur le plan politique extérieur vis-à-vis des États-Unis. Enfin, elle a besoin des autres pays européens ainsi que d'autres nations sous son commandement, car elle n'a pas les ressources nécessaires pour jouer dans la cour des grands.

 

Augmentation de l'Exploitation

Dans son analyse, Marx a identifié le « déclin tendanciel du taux de profit » comme une cause essentielle de la chasse du capital à travers le monde. Marx a dit : à long terme et en tendance, le taux de profit que les capitalistes d'un pays tirent de leur capital (par l'exploitation des travailleurs salariés) devient de plus en plus faible. En résumé, cela signifie que l'impérialisme occidental se retrouve dans des contradictions de plus en plus grandes en raison des lois de mouvement du capitalisme. Ces contradictions lui causent de grandes difficultés que le capitalisme tente de résoudre. Cependant, comme le problème fondamental du taux de profit en déclin n'est pas soluble, les capitalistes doivent vouloir une exploitation accrue, un pillage colonial et la guerre – et même cela reste seulement une « solution » temporaire. L'économiste marxiste Eugen Varga a forgé le terme de « crise générale du capitalisme » pour cela.

Violence Externe

La lutte contre la chute du taux de profit nécessite donc toujours de nouvelles mesures – un simple « continuer comme ça » n'est pas une option pour le capital. La lutte pour de meilleures conditions de valorisation, des ressources, des marchés et des sphères d'influence devient de plus en plus violente. La violence ouverte – c'est-à-dire : la conduite active de la guerre par l'Allemagne – devient de plus en plus le moyen incontournable de la politique extérieure. Ces nécessités économiques pour le capital expliquent l'agressivité croissante. Cette violence n'est pas seulement présente lorsque l'Allemagne est engagée dans une guerre d'agression directe – comme en Yougoslavie ou en Afghanistan. Elle se révèle également par l'approche de la Troïka contre la Grèce : les sanctions économiques sont de la violence. Les « révolutions de couleur » sont de la violence. Les « conditions de restructuration » du FMI pour des prêts, qui étouffent les peuples, sont également de la violence.

Concernant les actions des pays impérialistes respectifs, il est important de reconnaître où les intérêts du capital mondial s’accordent avec les intérêts particuliers du capital monopolistique, où des contradictions émergent au sein même du capital monopolistique et où celles-ci se trouvent entre les monopoles et le capital non-monopolistique. Par exemple, un élément important pour guider cette analyse, est d’analyser les possibilités/impossibilités pour le capital de déplacer certains secteurs production dans un autre pays.

Un point important à analyser sur le plan de la politique intérieur est le retour de discours en faveur de la « compétence de direction » de l'État. Les louanges du néolibéralisme (Pas d'État ! L'économie régule tout !) perdent leur effet salvateur dans ce contexte. Ce « primat de la politique » est un élément important de l'orientation de plus en plus réactionnaire et militariste de la République fédérale d'Allemagne.

Violence Interne

Karl Liebknecht analysait : « Le militarisme n'est pas seulement une défense et des armes contre l'ennemi extérieur ; une seconde tâche l’attend et se rapproche de plus en plus avec l'accentuation des contradictions de classe et la formation de la conscience de classe prolétarienne : la forme intérieure du militarisme. Ce caractère intérieur devient de plus en plus déterminant : il s’agit de la tâche de protéger l'ordre social dominant, le soutien du capitalisme, et de mener la réaction contre la lutte de libération de la classe ouvrière. »

La violence extérieure, nécessaire aux intérêts du capital monopolistique, entraîne, comme conséquence et élément de la « crise générale du capitalisme », une attaque croissante des intérêts de larges couches de la population. Le transfert des charges de la crise sur la population devient plus perceptible, poussant à la résistance – actuellement visible par les manifestations d'artisans et d'agriculteurs. Ces manifestations des classes moyennes ne doivent pas être confondues avec les manifestations de la classe ouvrière, notamment parce que l'orientation idéologique fondamentale de la petite bourgeoisie est le libéralisme. Dans quelle mesure ces couches peuvent être des partenaires de la classe ouvrière, dans quels domaines et avec quelle perspective, est une question complexe qui doit également être examinée sous l'angle de la faiblesse des communistes et surtout de la faiblesse du mouvement ouvrier, qui reste englué dans la bulle du social-démocratisme (**).

Face aux inquiétudes croissantes de la population concernant la hausse des coûts de la vie, la haine et le mépris à l'égard des migrants et des bénéficiaires d'allocations sont gonflés et instrumentalisés selon le schéma classique du bouc émissaire. Lorsque les personnes en position de force piétinent ceux d'en bas, elles n'ont pas grand-chose à craindre. Il semble que dans les hautes sphères syndicales, il y ait plus de peur de la démolition de leur chancelier SPD que de préoccupation pour les difficultés des gens. L'« opposition » des partis bourgeois face à leur concurrent AfD se déroule ainsi selon un fond moral du type « qui attrapera le voleur ? ».

Aucune Alternative

Il est essentiel de reconnaître ces liens économiques et politiques afin de déterminer correctement l'ennemi. Notre ennemi est le capital, en particulier le capital monopolistique et l'État qui lui est soumis, de plus en plus militariste. Réduire la violence émanant de la bourgeoisie et de son État à la lutte contre l'AfD est erroné, car cela joue dans les mains de l'ennemi. Soudain, des « Verts » aux « libéraux démocrates », tout le monde se trouve au sein de la « démocratie du centre ».

Si l'on veut vraiment combattre l'AfD, il faut la démasquer pour ce qu'elle est : un parti bourgeois, de droite conservatrice, avec un nombre considérable de fascistes dans ses rangs et des liens avec des réseaux fascistes ouverts tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Il faut la caractériser comme un parti qui, comme les autres partis bourgeois, peut être utilisé par le capital. Il faut lui arracher le masque d'ennemi du « système » ou de la « classe politique dirigeante ».

Une évaluation résumée de l'AfD a été fournie par notre camarade Ekkehard Lieberam en août 2023 : « Bien sûr, nous ne savons pas comment sera le capitalisme et la démocratie bourgeoise en 2040, ni si le capital monopolistique favorisera à nouveau une dictature fasciste ou terroriste. Mais ceux qui parlent aujourd'hui d'une 'destruction imminente de la démocratie' méconnaissent la situation, négligent l'incapacité de nombreux gauchistes à reconnaître la démocratie bourgeoise existante comme une forme de domination du capital monopoliste actuellement acceptée et à critiquer le déclin de la démocratie qui se déroule dans ce cadre. (…) Il faut cependant être clair : notre principal adversaire est celui qui gouverne en République fédérale, y compris la CDU/CSU, en tant que principal parti du capital monopolistique. L'AfD n'est pas seulement un concurrent politique, mais aussi un partenaire potentiel de la CDU/CSU. (…) L'objectif de l'AfD est d'être intégrée le plus rapidement possible dans le cartel des soi-disant 'partis établis'. Si l'AfD accède au pouvoir en République fédérale, elle 'oubliera' de telles revendications artificielles de toute façon (***). Elle ne mettra pas fin au système de gouvernement parlementaire, mais l'orientera nettement plus à droite vers le racisme et la destruction du droit d'asile. »

Front idéologique

Lors de l'« assaut sur le Capitole » par les « Proud Boys » en janvier 2021, plusieurs personnes portaient des pulls et des t-shirts avec l'inscription : « God, Guns and Trump ». C'est la réduction d'un monde complexe à trois mots. C'est le summum des ravages que ce système peut engendrer dans l'esprit des gens. Idéologiquement, il s'agit pour le capital et le gouvernement d'intégrer les opprimés dans leur système, de leur faire croire que le système existant est le meilleur pour eux. L'ancienne chancelière Angela Merkel l'a qualifié d'« inévitable ». Cela réussit bien sûr surtout auprès des classes moyennes et des indépendants, car pour ces groupes, la propriété personnelle – l'existence indépendante – constitue la base économique.

Mais qu'en est-il de la classe ouvrière ? Le fait qu'on puisse opposer les travailleurs nés en Allemagne aux travailleurs réfugiés trouve sa racine la plus profonde dans le fait qu'en système capitaliste, les travailleurs sont également en concurrence les uns avec les autres. Torkil Lauesen a parlé avec le quotidien marxiste junge Welt du potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière dans le Nord : « Les travailleurs ici sont certes mécontents de leurs conditions de vie, mais la majorité croit encore que les solutions à leurs problèmes se trouvent à l'intérieur du système capitaliste occidental. Ils ont une 'intuition' selon laquelle l'OTAN est la meilleure 'défense de leurs valeurs' et de leur mode de vie. Ils voient le Sud plutôt comme une menace que comme un potentiel allié. Nous avons vu au cours des dernières décennies comment le racisme et le populisme de droite se sont répandus en Europe et en Amérique du Nord. On ne veut pas partager sa prospérité. »

L'intégration des opprimés dans les intérêts des dominants est aussi le terrain de la manipulation – et ainsi nous approchons de la question de savoir si et quand le capital opte pour le fascisme. Dans le journal éducatif « Réforme réactionnaire de l'État » de 2020, nous avons analysé : « La stratégie de domination visant une intégration 'volontaire' repose sur une falsification de la conscience de leur intérêt de la grande masse de la population. Le capital monopoliste cherche à faire apparaître ses intérêts comme des intérêts de la population. Pour ce faire, elle s’appuie sur les intérêts contradictoires entre monopoles au niveau mondial pour nourrir une conscience d'intérêt déformée et des points d'ancrage pour cette propagande. Pourtant, cette réalité, qui cherche à nous transformer tous en concurrents, n'est pas exempte de contradictions. Dans cette réalité, on trouve toujours aussi des expériences qui font comprendre aux opprimés qu'ils ont d'autres intérêts que les dominants. (…) Tous les efforts d'intégration des monopoles ne peuvent empêcher qu'un potentiel de mécontentement émerge constamment dans la population. C'est une limite que le capitalisme ne peut résoudre dans ses stratégies d'intégration. »

Le processus de dérive à droite commence au moment où l'intégration cesse d'être suffisamment efficace ; où le mécontentement se répand, où des actions de protestation surgissent et croissent. Alors commence le processus de dérive autoritaire, le retrait des droits et des acquis démocratiques.

Le fascisme comme mouvement

Le fascisme en tant que mouvement se caractérise par certaines fonctions pour l'appareil de domination impérialiste : capter le mécontentement ; faire des offres à tous et chacun contre tous et chacun ; évaluer jusqu'où la dérive à droite peut aller, quelles concessions la population est prête à accepter ; promouvoir la bêtise et l'inhumanité ; lutte des races ; nationalisme et chauvinsime. En résumé : présenter de faux ennemis et ainsi protéger le capital des attaques. Aujourd'hui, c'est souvent l'AfD qui remplit ce rôle.

Le fascisme au pouvoir est en revanche « la dictature terroriste ouverte » du capital financier (Georgi Dimitroff) : « L'arrivée au pouvoir du fascisme n'est pas un simple remplacement d'un gouvernement bourgeois par un autre, mais un remplacement d'une forme d'État de la domination de classe de la bourgeoisie – la démocratie bourgeoise – par une autre forme – par la dictature terroriste ouverte. Ignorer cette différence serait une grave erreur, qui empêcherait le prolétariat révolutionnaire de mobiliser les larges couches des travailleurs en ville et à la campagne pour lutter contre le danger d'une prise de pouvoir par les fascistes et d'exploiter les contradictions qui existent au sein même du camp bourgeois. Cependant, une erreur tout aussi grave et dangereuse est de sous-estimer l'importance des mesures réactionnaires actuellement en cours dans les pays de la démocratie bourgeoise pour l'établissement de la dictature fasciste, ces mesures qui répriment les libertés démocratiques des travailleurs, falsifient et restreignent les droits du Parlement, et durcissent les mesures de répression contre le mouvement révolutionnaire. » Pour le répéter encore une fois : les mesures décrites par Dimitroff ont été mises en œuvre par les gouvernements bourgeois, tout comme la restructuration réactionnaire et militariste de l'État est aujourd'hui menée par la coalition tricolore en collaboration avec l'« opposition ». Nous devons sans cesse nous tourner vers l'histoire : quelles hésitations, quels essais du gouvernement et du capital, quelles solutions et solutions de secours ils développent, testent, rejettent et modifient.

 

Le fascisme au pouvoir

Le fascisme au pouvoir est une forme d'exercice de la violence par le capital monopolistique. Cependant, cela varie d'un pays à l'autre : le fascisme mussolinien était différent du fascisme hitlérien. Nous devons examiner les choses concrètement dans leur essence, sinon nous risquons de nous perdre à la surface des apparences et des personnes. Avec Giorgia Meloni, qui se réfère positivement à Benito Mussolini, à la tête du gouvernement italien, le pays n'est pas encore un État fasciste – sa politique ne diffère pas fondamentalement de celle de ses prédécesseurs. En Allemagne aussi, une approche non historique, s'accrochant aux formes apparentes, est largement répandue. On assimile ainsi le fascisme au national-socialisme – ce qui donne lieu à une campagne sans substance comme « Höcke est un nazi ».

Démagogie sociale

Le chercheur sur le fascisme Kurt Gossweiler a analysé les étapes préparatoires que le fascisme hitlérien a traversées. La lutte du capital monopolistique pour maintenir la classe ouvrière et les autres couches dans un état de soumission n’a pas pris fin avec l'arrivée au pouvoir du fascisme. Dans son livre sur « l'affaire Röhm » de 1934, Gossweiler avait décrit l'oscillation permanente du capital et de ses politiciens entre concessions et dureté implacable. La situation de la dictature fasciste était, dans les premiers mois de 1934, marquée par une insatisfaction croissante des masses et se trouvait dans un état de crise latente. « La cause décisive de l’instabilité et de la faiblesse du régime hitlérien était la colère grandissante des masses et l'essor de la lutte antifasciste. Le fait que les revendications de la classe ouvrière et de la petite bourgeoisie visaient dans la même direction, à savoir la rupture de l'omnipotence des banques et des puissances monopolistiques, et que derrière ces revendications de nature révolutionnaire se trouvaient d'importants segments de l'armée dont des millions de SA, représentait pour le capital monopolistique un danger potentiel : celui que les efforts des communistes pour unir toutes les forces populaires dans un front uni antifasciste et antimonopoliste puissent finalement aboutir à un succès. »

Dimitroff a analysé le 2 août 1935 lors du VIIe Congrès mondial de l'Internationale communiste : « Ce caractère réel du fascisme [comme le pouvoir du capital financier lui-même] doit être particulièrement souligné, car le manteau de la démagogie sociale a donné au fascisme la possibilité d'entraîner, dans un certain nombre de pays, les masses de la petite bourgeoisie et même certaines parties des couches les plus arriérées du prolétariat, qui n'auraient jamais suivi le fascisme si elles avaient compris son véritable caractère de classe, sa véritable nature. »

Nous devons prendre très au sérieux cette remarque sur la démagogie sociale des fascistes. Il est laissé aux forces de droite le soin de se présenter comme les représentants des intérêts sociaux. La gauche, en particulier Die Linke représenté au parlement, a échoué en tant qu'opposition. D'autres à gauche sont occupés à se démarquer du DKP et à se rassurer mutuellement dans toutes sortes de petits groupes qu'ils seront ceux qui construiront le Parti communiste, le véritable, le vrai et l'unique.

Éléments centraux de la politique communiste Il s'agit de renforcer le Parti communiste et de mettre en pratique une politique dont les éléments centraux sont :

  1. L'adversaire est le capital, en particulier le capital monopolistique et ici spécifiquement les parties les plus agressives et l'État qui leur est soumis.
  2. Lutte contre la militarisation, contre la politique de guerre.
  3. Lutte contre la transformation réactionnaire de l'État. Défense des droits démocratiques bourgeoise.
  4. Lutte contre la démagogie sociale, la haine des étrangers, l'inhumanité où qu'elles se manifestent – pas seulement chez les fascistes.
  5. Contre le mépris des classes inférieures et la soumission aux classes supérieures – conscience de classe !
  6. La question fondamentale est celle du système capitaliste.

 

 

(Notes du traducteur)

(*) Les partis verts européens endossent dans leur ensemble les plus ardentes positions militaristes. Le rôle dévolu au traitement de l'"écologie" par le capital n'est pas abordé dans ce document mais mériterait toute l'attention des communistes. Une telle analyse ne peut se faire sans étudier problème de la baisse tendancielle du taux de profit, dont le rôle moteur du fascisme est rappelé ici. A titre d'exemple, les travailleurs allemands ont subi deux attaques successives sur leur capacité de production : la fermeture des centrales nucléaires au motif affiché du développement durable (et marginalement de la sûreté nationale) et la fin des livraisons de gaz par la Russie des suites du conflit Ukrainien (et partiellement célébrée comme un mal nécessaire vers la réduction des hydro-carbures bien que ce discours impopulaire soit resté plus minoritaire). Les coûts ont été intégralement portés, directement et indirectement, par la population notamment par des décrets de maintien du coût de l'énergie pour l'industrie. De plus, l'Allemagne s'est ainsi retrouvée soudainement dépendante du marché européen de l'Energie poussant à l'accélération du processus d'intégration de l'ensemble des états. Par de tels opérations aventureuses (y compris pour certaines franges du capital), le pouvoir organise le maintien artificiel du taux de profit et la dépendance au marché trans-national au détriment des capacités de production, accélérant ainsi les cycles de crise.

(**) Face aux manifestations d'agriculteurs un peu partout en Europe, les partis socio-démocrates se sont en général contentés de pointer les éléments d'extrême-droite qui ont pris la direction partielle de ces mouvements (et plus marginalement le pilotage par le patronat des grandes firmes agricoles) en adressant de façon très minimale la situation critique du secteur agricole, que ce soit les conditions de rémunération ou l'état des capacités de production. Pourtant il est important d'analyser ici encore la part du contexte international. Depuis la fin de l'URSS, les groupes de l'agro-alimentaire européens et américains ont progressivement amené l'Ukraine, premier producteur de céréales d'Europe, a faire tomber les barrières légales limitant la spéculation sur les terres et les structures de production (notamment au moyen de l'UE et des mouvements politiques pilotés). La guerre est alors une double source d'aléas spéculatifs pour le secteur agricole : d'un côté elle sert à forcer l'ouverture au marché de nouveaux secteurs, mais de l'autre elle empêche partiellement d'empocher au plus vite le butin car la loi martiale mobilise une part importante de la main d'oeuvre exploitable et plusieurs voies commerciales (dont les ports) perdent de leur stabilité.

(***) Cette projection politique proposée par le DKP n'est pas sans rappeler l'évolution des positions du RN en France. Après chaque progrès électoraux, le parti met au placard ses positions en apparence "anti-système" : sorti de l'euro, sorti de l'UE, refus de l'implication dans le conflit Ukrainien. Dans le même temps, le parti intègre progressivement des éléments de la droite "classique" par adhésion ou coalition. Cette trajectoire s'observe un peu partout en Europe. Le rôle spécifique de ces partis d'extrême-droite se concentre sur l'accentuation des divisons parmi les travailleurs : racisme/xénophobie, attaque sur les acquis égalité homme/femme, opposition des travailleurs ruraux/citoyens, libéraux/fonctionnaires,... préparant le terrain à la montée de la violence interne. Ces divisions, loin d'être combattues par la bourgeoise libérale moralisante sont le plus souvent accompagnées dans une course aux mesures liberticides. Contrairement aux montées de l'extrême-droite des années 30-40 qui présentaient des caractéristiques politiques, sociales et idéologiques très différentes selon les pays, on observe aujourd'hui une grande homogénéité des positionnements de l'extrême-droite et de son intégration au discours de la bourgeoisie dirigeante entre les pays Européens. 

 

 

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