Déclaration du Parti Communiste du Pakistan sur la prise de la Syrie par des jihadistes soutenus par les États-Unis
12 déc. 2024Quelques jours après la prise de Damas par le groupe armé Hayat Tahrir Al-Cham, les partis communistes du monde entier envoient des messages de solidarité au peuple syrien. Ces textes plus ou moins longs, expriment la crainte face à l’avenir politique du pays, où la pression des Etats-Unis au travers de la Turquie, la Grande-Bretagne et Israël a conduit à renverser les restes de l’état. La myriade des « rebelles » syriens est depuis 2011 difficile à cartographier et leurs intérêts sans cesse mouvants rendent complexes l’interprétation à vif des évolutions militaires et politiques. Plusieurs questions restent en suspens sur les événements qui viennent de se dérouler, notamment sur les choix stratégiques de la Russie ou de l’Iran. Le TKP (parti communiste turque) a par exemple fournit une interprétation à chaud des orientations du gouvernement Erdogan et de son rôle dans les développements à venir en venant à la conclusion « on fait face à une situation où toutes les options (pour Erdogan) profitent aux Etats-Unis et à Israël ». Le communiqué du Parti communiste du Pakistan traduit ci-dessous invite à la clairvoyance face aux forces réactionnaires, aujourd’hui appelées libératrices, et rappelle la nécessité du travail de profondeur pour construire le véritable parti au service des intérêts du peuple.
Traduction de A.S. pour SI. Source : http://solidnet.org/article/CP-of-Pakistan-Statement-on-the-U.S.-Backed-Seizure-of-Syria-by-Jihadists/
Une nouvelle victoire a été remportée par l'impérialisme américain et ses alliés au Moyen-Orient. Le gouvernement de Bashar al-Assad en Syrie a été renversé, et un régime jihadiste a été imposé. Plus tôt cette année, le gouvernement de Sheikh Hasina Wajid au Bangladesh a également été renversé, un développement déploré par les forces progressistes du monde entier. La chute de ces gouvernements est en effet regrettable, car les forces réactionnaires continuent de gagner du terrain. Ces événements apportent des triomphes à l'impérialisme américain, qui a longtemps exploité les forces réactionnaires pour dominer les pays à majorité musulmane. Cela a entraîné des défaites répétées pour les forces progressistes, laïques et démocratiques. Cependant, il faut reconnaître que les politiques et la conduite des dirigeants de ces pays ont largement contribué à ces résultats.
Ce n’étaient pas des gouvernements socialistes. Bien qu’il y ait des références au socialisme dans leurs programmes politiques, ils n’adhéraient ni aux principes socialistes, ni à un agenda socialiste. Le socialisme n'était qu'une inclusion superficielle dans leurs plateformes politiques. Les récents événements en Syrie sont une opération conjointe des États-Unis, de la Turquie, d'Israël et de l'Ukraine. L’agenda inachevé du Printemps arabe a maintenant été accompli. Le timing de cette offensive a été stratégiquement choisi – alors que l’Iran est directement en conflit avec Israël, et que le Liban et la Palestine sont plongés dans la guerre. En même temps, la Russie reste embourbée en Ukraine. Profitant de ces circonstances, cette offensive a été lancée. Si la Russie ou l’Iran avaient déployé leurs forces pour défendre le gouvernement de Bashar al-Assad en Syrie, cela aurait pu provoquer une attaque israélienne contre l’Iran, tandis que les forces de l'OTAN auraient pu saisir l'occasion pour envahir la Russie par l’Ukraine. Militairement, les États-Unis ont uni divers groupes pour mener cette opération.
Bien que le gouvernement de Bashar al-Assad ait pu être patriotique, il ne peut être considéré comme progressiste ou démocratique dans le vrai sens du terme. Un gouvernement qui réprime l’opposition, manque de démocratie et existe dans une société profondément divisée selon des lignes tribales et sectaires, où différentes sectes religieuses sont en conflit constant, ne peut être considéré comme un gouvernement véritablement patriotique. La famille Assad dirige la Syrie depuis 54 ans sous le masque du nationalisme et du socialisme, mais au lieu de traiter les contradictions profondes, elles ont été réprimées par la force. Les conséquences ont été catastrophiques. La chute du gouvernement d’Assad et l’établissement d’un régime jihadiste soutenu par les États-Unis est à la fois tragique et désastreuse pour les pays à majorité musulmane. Cela renforcera encore les forces jihadistes dans d'autres régions. La triste réalité est que la fin de la dictature n’a pas donné lieu à l'essor d’un gouvernement laïque ou démocratique, mais a plutôt donné la victoire aux forces réactionnaires. De nouveaux jeux de pouvoir, dictés par les stratégies américaines et sionistes, se déroulent maintenant au Moyen-Orient. Israël a déjà lancé une offensive vers le Liban et aurait occupé le plateau du Golan en Syrie. Après la victoire des jihadistes en Syrie, leur assurance de ne pas nuire aux bases ou intérêts russes soulève des questions : la Russie a-t-elle facilité cette transition ? La réponse se dévoilera dans les jours à venir.
Cependant, il est un fait que, depuis la guerre civile soutenue par les États-Unis de 2011 à 2016, l’Amérique avait déjà pris le contrôle des réserves de pétrole de la Syrie sous prétexte de les empêcher de tomber entre les mains de l’État islamique (ISIS). Ces réserves demeurent sous le contrôle des États-Unis, ce qui empêche économiquement le gouvernement syrien et épuise ses capacités militaires. Sur une armée de 350 000 soldats, seulement environ 130 000 soldats démoralisés restent. Quand l’armée d’un pays est incapable de combattre, combien de temps les forces étrangères peuvent-elles la défendre ?
Avec la prise de la Syrie par les jihadistes, l’influence de la Russie dans la région diminuera considérablement, ce qui marquera une défaite pour le bloc Russie-Chine et une victoire pour le bloc dirigé par les États-Unis. Religieusement, une secte tombe tandis qu'une autre a pris le pouvoir.
Notre parti estime que ces événements auront des conséquences désastreuses pour le peuple syrien dans les jours à venir. Le Parti Communiste du Pakistan exprime sa solidarité avec le peuple syrien et les forces progressistes. Les communistes doivent s’abstenir de se réjouir ou de déplorer les batailles entre les blocs impérialistes ou les forces réactionnaires. Au lieu de cela, ils devraient se concentrer sur le renforcement de leur travail, l’organisation de luttes fondées sur les véritables problèmes du peuple, la formation des cadres du parti et l’intensification des efforts pour mener les masses vers une transformation favorable au peuple — une révolution socialiste.
Avec nos salutations fraternelles,
Le Parti Communiste du Pakistan