1 million de morts imputables directement aux politiques de privatisation en Europe de l'Est après 1989
09 nov. 2009 'L'adieu au communisme' a coûté la vie à un million de personnes
Article de Mara Gergolet
dans le Corriere della Sera du 23 janvier 2009
NB: Bien que cet article n'ait en aucun cas été écrit par une communiste et que les conclusions discutables – et les questions qu'elle met en avant dans le 'débat idéologique – qu'elle peut tirer des résultats de l'étude puissent être contestés, il reste important de relayer cette information révélée au début de l'année en cette période de matraque idéologique liée au 20ème anniversaire de la chute du mur de Berlin.
Traduction AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
Combien de morts peuvent causer les privatisations? Ou mieux – si on peut faire le compte – quel a été le coût en vies humaines du passage du communisme au capitalisme?
Ou encore: peut-on mesurer les effets des recettes économiques dictées par les Eltsiniens (et les Clintoniens) dans le cadre de la transition des années 1990? Le compte a été fait. Publié dans une des plus prestigieuses revues médicales internationales, la revue anglaise Lancet, 4 ans de travail, des modèles mathématiques complexes, se basant sur les données de l'Unicef sur la période 1989-2002. La conclusion: les politiques de privatisation de masse dans les pays d'ex-URSS et en Europe de l'Est ont abouti à augmentation de la mortalité de 12,8%.
Ou encore, elles ont causé la mort prématurée d'1 million de personnes.
Cela ne veut pas dire que des estimations n'avaient pas déjà été faites. L'agence de l'ONU pour le développement, l'Undp, en 1999 avait compté 10 millions de personnes disparues dans le choc du changement de régime, et l'Unicef même avait parlé de 3 millions de victimes.
L'étude de Lancet (réalisée par David Stucker, sociologue à Oxford, Lawrence King, de l'Université de Cambridge, et Martin McKee, de la London School of Hygiene and Tropical Medecine) part au contraire d'une question différente: pouvait-on éviter un nombre aussi important de victimes, et sont-elles à mettre sur le dos de stratégies économique précises? La réponse est oui. Et c'est la « vitesse » des privatisations qui – selon Lancet – explique les différences de taux de mortalité entre les pays étudiés.
On mourait plus là où a été adoptée la « shock therapy »: en Russie entre 1991 et 1994 l'espérance de vie a diminué de 5 ans. Dans les pays plus « lents », au contraire, comme en Slovénie, Croatie, Pologne, elle a augmenté de quasiment un an. Merci, monsieur Jeffrey Sachs. Car si les ouvriers anglais dans les années 1980, comme dans le film de Ken Loach, « remerciaient » Madame Thatcher, les ouvriers des usines qui ont fermé à l'Est doivent (en partie) leur sort au génial économiste américain, conseiller à l'époque de nombreux gouvernements d'Europe de l'Est.
En effet, M.Sachs a répondu de manière véhemmente, dans une lettre au Financial Times. Mais ce « million de mort » a désormais ouvert le débat des deux côtés de l'Atlantique, sur les pages du New York Times et dans les blogs économiques. « S'est déclenchée – répond depuis Oxford David Stuckler – une bataille idéologique, mais nous ne voulions pas nous insérer dans le débat politique. Nous voulions attirer l'attention sur la question des risques sociaux.
Et puis, notre attaque ne vise pas la shock therapy, puisque nous analysons seulement les privatisations, et non les politiques de libéralisation ou de stabilisation ». Et M. Sachs? Il conteste les chiffres. Il déclare, au Financial Times, que « là où il a été conseiller, comme en Pologne, il n'y a pas eu de hausse de la mortalité ».
Et le cas russe, où ont été « vendues 112 000 entreprises d'Etat » entre 1991 et 1994 contre 640 en Biélorussie, et où le taux de mortalité a augmenté quatre fois plus vite [qu'en Biélorussie]? La faute au mode d'alimentation russe (sic), déclare Sachs, mais plus encore à l'effondrement de l'empire, et « aux aides refusés par les occidentaux à Moscou », « de sorte qu'en 1994 j'ai démissionné de mon poste de conseiller du Kremlin ». Son vieil ennemi, le Prix Nobel Joseph Stiglitz, ne se prive pas de l'enfoncer. « Lancet a raison, la Pologne a été un exemple de politiques graduelles. Quant à la shock therapy, si on y regarde de plus près, cela a été un désastre. De la pure idéologie, qui a déformé de bonnes analyses économiques. ».
Il y a également un autre élément qui sort de l'enquête: Le lien chômage/mortalité en ex-URSS.
« Le pourquoi est évident: c'était les usines qui souvent garantissaient les soins médicaux », déclare Stuckler. Avec leurs fermetures en ex-URSS, c'est aussi le système de protection sociale qui s'est écroulé. Des chiffres impressionants de morts dûs à l'alcool, de suicides. « Alors que là où existaient de forts réseaux sociaux – comme en République Tchèque où 48% des personnes soient faisaient partie d'un syndicat soit allait à l'Église – l'impact a été quasi nul. »
Le sociologue Grigory Meseznikov, un des politiques les plus respectés d'Europe de l'Est, a répondu au téléphone au Corriere que « oui, sur les couches inférieures, l'impact a été fort. Mais ensuite, à côté des dégâts actuels, il faut juger des bénéfices et des conséquences positives à long terme. » A Ljubljana, le sociologue Vlado Miheljak, au contraire, rappelle que « parmi les raisons du succès slovène, à part la plus intégration à l'Ouest, il y avait surtout la lenteur. Alors, tout le monde nous critiquait parce que nous ne privatisations pas comme les hongrois, comme les tchèques. Alors que c'est sûrement ce qui nous a sauvé. »
Site de l'Ernesto: http://www.lernesto.it/
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