Nous publions ci-dessous une interview de Oliviero Diliberto, secrétaire du Parti des communistes italiens (PdCI), publiée dans le quotidien Il Manifesto du 10 janvier.

Diliberto appelle les dirigeants du Parti de la Refondation communiste, le PRC, dont le nouveau secrétaire général Ferrero, à unir leurs listes à celle du PdCI et à créer les conditions d’une réunification du mouvement communiste en Italie.

Pas de réponse positive, pour l’instant, du côté de la direction du PRC, confrontée à des débats internes houleux et à une entreprise de division interne.

Depuis la défaite de la ligne liquidatrice au congrès de juillet 2008 en effet, ses tenants, dont Nicky Vendola, élu de la région des Pouilles, soutenu par Fausto Bertinotti, mènent un véritable travail de sape au sein du PRC.

Dans sa complexité, avec ses différences, la situation de nos camarades italiens ne peut que nous instruire.

Vivelepcf – traduction par AC

 

Diliberto: « réunissons-nous, le temps presse »

 

L’association « Pour la gauche »[1] est née. Les partisans de Vendola toutefois éloignent l’idée d’une scission d’avec le Prc. Oliviero Diliberto, est-ce donc aussi l’hypothèse de l’unité des communistes Prc-Pdci aux européennes qui s’éloigne?

Je n’entre pas dans les débats internes au Prc, que j’observe avec respect mais aussi avec une certaine appréhension, étant donné que leur issue aura des conséquences pour toute la gauche. Notre ligne est simple : pendant ce temps nous essayons de réunir les deux partis communistes. C’est amusant de voir que ceux qui veulent unir toute la gauche ne souhaitent pas la réunification des deux partis communistes, les deux forces les plus proches politiquement. Bien sûr, je ne souhaite pas la scission : je voudrais que tout Rifondazione s’unisse avec nous.

 

Votre ligne est celle du congrès du Pdci. Mais celui du Prc, houleux, a voté pour aller aux européennes avec son propre logo : c'est là une autre ligne politique, distincte. Pour en changer, ne devraient-ils pas convoquer un nouveau congrès?

Un autre congrès serait une farce, un suicide. Est-ce bien raisonnable de continuer à discuter de nous-mêmes alors que Berlusconi transforme radicalement le visage de la démocratie italienne? Et alors que le Pd est tiraillé entre quatre ou cinq lignes différentes en son sein, y compris en ce qui concerne les alliances? Nous devons mettre en place une force en mesure de répondre à l’exigence  qui vient de la base, d’une vraie opposition. Le mois d’octobre – les manifestations du 11, du 25 et celle, immense, du 30 sur l’école – nous met devant un problème qui est aussi une occasion unique : celle d’être à la hauteur de la demande de luttes qui vient de notre peuple. Partons de l’unique élément dont nous sommes sûrs : l’arc-en-ciel[2] a été un fiasco. Celui qui veut retenter l’expérience vit en dehors du monde. Il n’y a pas d’espace politique entre les communistes et le Pd. Nous avons pu le vérifier même avec le vote des siciliens : à Catane le Pdci seul a fait un meilleur score que l’arcobaleno. Et je parle de Catane parce que c’est la ville de Claudio Fava, le porte-parole national de la Gauche Démocrate.

Nous avons lancé notre proposition : maintenant c’est à Rifondazione d’agir. Arriver à la veille des européennes sans un projet politique signifie refaire une alliance électoraliste. Donc, perdre à nouveau. Si l'on désire refaire l’arc-en-ciel, de manière explicite ou déguisée, nous irons seuls.

Ferrero dit : on en parle en février

Je respecte et je comprends l’agitation interne au Prc. Je ne veux pas non plus poser de problèmes à Ferrero. Mais le temps presse. J’invite donc les camarades de la majorité du Prc à donner une réponse. Il y a des moments où les groupes dirigeants doivent prendre leurs responsabilités.

 

J’insiste: mais le Prc a fait le choix, au Congrès, d’y aller avec son propre logo.

La politique va de l’avant, elle ne s’arrête pas aux congrès. Et tout de même l’idée de se présenter aux européennes sous deux logos aussi semblables est grotesque. Imaginons qu’ensuite s’ajoute un troisième parti de gauche avec son logo…

 

A propos : pensez-vous à revenir ensemble à « la faucille et au marteau »?

Le problème est moins graphique que politique. Et de toute façon, si je lançais ce type de proposition maintenant, je me disqualifierais. Le Pdci envisagera sans a priori toutes les hypothèses…

 

Claudio Grassi, numéro deux du Prc, dit : « nos listes sont ouvertes… »

Justement, nous envisagerons sans a priori toute hypothèse, sauf celle de demander aux communistes italiens d’y aller sous le sigle de Rifondazione, évidemment. Grassi le sait bien.

 

Pour le Prc et le Pdci, se remettre ensemble après dix ans, n’est-ce pas vouloir revenir en arrière?

Non, beaucoup de choses se sont passées depuis. C'est tout un cycle politique de dix ans qui s’est achevé en 2008 avec le désastre de l’arc-en-ciel. Maintenant, nous pouvons regarder de l’avant. Mais avant tout, nous devons vérifier si la majorité du Prc veut cette réunification.

 

L’actuelle majorité du Prc a soutenu le secrétariat de Bertinotti et de Giordano. Un parcours politique franchement éloigné du votre : je pense au choix de la non-violence, de la Gauche Européenne, au rapport avec Cuba…

Mais aujourd’hui dans la majorité il y a deux groupes déterminants qui ne partagent pas ces choix.

 

Celui qui dit que la ligne du Prc est globalement celle du courant Essere Communisti[3] a-t-il raison?

J’étais seulement en train de dire qu’on est en train de redistribuer les cartes. Et le secrétariat de Ferrero ne peut pas s’inscrire dans la continuité de celui de Bertinotti. De toute façon, ce qui nous unit l’emporte largement sur ce qui nous divise. Et avec ce qui se passe en ce moment, on ne va pas se mettre à couper les cheveux en quatre…

 

A la gauche du centre-gauche, vous aviez la « tendance culturelle » la plus unitaire. Pourquoi aujourd’hui vous ne croyez pas à la possibilité d’une alliance avec le Pd?

Ce centre-gauche n’existe plus. Le choix du Pd a creusé un fossé avec la gauche. Ce n’est pas dit que les choses restent comme ça pour toujours mais, pour demain, un rapport éventuel avec le Pd passe par la défaite des dirigeants actuels. Aux prochaines législatives nous évaluerons la situation au cas par cas, en fonction de nos programmes respectifs.  

Parmi ceux qui veulent l’alliance avec le Pd il y a votre minorité actuelle.

Minorité qui – notez-le – contrairement à celle du Prc, qui a obtenu 48%, n’a fait que 13%. Leur choix est suicidaire, mais le suicide est le choix personnel de celui qui le commet.

 

Pourquoi tenez-vous tant à la faucille et au marteau? N’est-ce pas un symbole « exclusif », d’un passé lointain qui éloigne certains du parti, même incompréhensible pour les étudiants qui se mobilisent ces jours-ci?

Plutôt que cette politique mièvre où tous tendent à se ressembler, je crois que c’est mieux d’avoir une identité forte. J’invite tous à regarder ce qu’il se passe hors d’Italie. Quand les jeunes crient « un autre monde est possible » ils ne demandent pas une politique « réformiste » mais une société radicalement différente.  Peut-être ce sont des communistes qui s’ignorent. Nos chemins peuvent se rencontrer. Mais si même nous abdiquons l’idée de changer le monde, nous ne les rencontrerons jamais.

 

 

Notes :

[1] Association créée par les partisans de Nichi Vendola en décembre 2008 destinée à servir de première étape vers la constitution d’un grand parti de la gauche

2 Coalition des quatre partis de la gauche italienne (Pdci, Prc, Verts, Gauche démocratique), mise en place pour les élections de 2008 qui a connu un sévère revers électoral

3 Courant de Claudio Grassi, oscillant entre acceptation tacite des choix bertinottiniens d’unité de la gauche (qui aboutit notamment à la scission de l’Ernesto) et posture critique au nom de la conservation de l’identité communiste. Sa politique d’alliance avec l’aile-gauche de l’ancien groupe dirigent (Ferrero) joua un rôle décisif dans la défaite des Bertinottiens et des Vendoliens.
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