L'URSS en Afrique Australe: une contribution décisive à la lutte contre l'apartheid et le colonialisme.

Critique du livre:

The Hot « Cold War »: The USSR in Southern Africa; de Vladimir Shubin; Londres, Pluto Press, 2008, 320 p


Traduction JC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/


La croyance populaire au sein de la communauté nord-atlantique est aujourd'hui que l'affrontement de la Guerre Froide entre les États-Unis et l'URSS a été un désastre pour une Afrique déchirée entre les deux camps. En fait, comme cet essai historique instructif le suggère, la réalité c'était plutôt que – par exemple dans l'Afrique du Sud de l'apartheid – Washington soutenait le régime de la minorité blanche, tandis que Moscou soutenait ceux qui luttaient contre ce gouvernement illégal.



Quand l'aide militaire et civile soviétique aux peuples africains en lutte contre le colonialisme irritait Washington...



L'auteur est idéalement placé pour nous raconter cette histoire, puisqu'il officie maintenant en tant que Directeur de l'Institut Russe pour les Études Africaines et a déjà été agent de liaison de Moscou dans la région. Il nous raconte ces événements sur une période longue de trois décennies – 1960-1990 – avec style et en détail. Il n'offre pas seulement une perspective utile sur les efforts, couronnés de succès, pour démanteler le système de l'apartheid mais, également, un point de vue éclairant sur les événements tumultueux qui ont touché la Namibie, le Zimbabwe, le Mozambique et l'Angola. Washington était furieux contre Moscou, car il n'offrait pas seulement des bourses pour que la jeunesse africaine puisse avoir recevoir une éducation universitaire mais aussi, et c'est tout aussi important, il fournissait des armes afin que l'apartheid et le colonialisme puissent être vaincus par la force.



Pendant des siècles, l'Angola a cruellement souffert des ravages causés par le colonialisme portugais. Pendant cette période horrible, et jamais repentie, du commerce des esclaves africains, cette nation située en Afrique du Sud-Ouest était un terrain de chasse pour les marchands d'esclaves et en est donc venue à composer une portion considérable de ceux qu'on appelle maintenant systématiquement les « Afro-Américains » (il n'est pas surprenant, qu'une des plus grandes prisons de Louisiane, à forte concentration d'Afro-Américains, se trouve dans la ville d'Angola).



« L'alliance nauséabonde entre l'impérialisme américain, l'Afrique du Sud de l'apartheid et la Chine maoiste »



Le cours des événements dans la région a basculé quand le 25 avril 1974, des décennies d'organisation politique au sein de l'armée portugaise a mené au renversement de la dictature fasciste et l'émergence d'un régime de gauche (fortement influencé par le Parti Communiste Portugais) qui a opté pour l'abandon des possessions coloniales. Ce qui a émergé, c'est une bataille compliquée entre les factions Angolaises soutenues par l'ensemble de la communauté progressiste (y compris Moscou et Cuba), qui ont dû faire face à des forces soutenues par une coalition hétéroclite qui comprenait l'impérialisme américain, l'Afrique du Sud de l'apartheid et la Chine Maoïste. Heureusement ces derniers n'ont pas pris le dessus, en particulier grâce aux armes fournies aux combattants Angolais par Moscou ainsi qu'à l'aide militaire directe fournie par la Havane. L'auteur observe également que pendant cet époque tendue, les nations africaines marchaient main dans la main avec Cuba et l'URSS; et en premier lieu le Nigeria dirigé habilement par Murtala Muhammed, qui a été assassiné dans des circonstances suspectes peu de temps après, plongeant son immense nation dans un maelström de difficultés dont il n'est pas encore parvenu à sortir.



Heureusement, les relations entre Moscou et Pékin se sont bien améliorées depuis l'acmé de cette période émaillée de conflits, mais l'auteur ne se prive pas de narrer en détail l'alliance plutôt nauséabonde de la Chine avec l'impérialisme et l'apartheid qui a peu ou prou mené à un désastre Africain. Car Pékin n'a pas seulement fourni des armes aux bandits réactionnaires en Angola mais a également envoyé un grand nombre d'instructeurs militaires dans la région.



Les mille méthodes de l'impérialisme pour écraser les peuples en lutte contre le colonialisme



Aujourd'hui, à Washington et à Wall Street, on parle beaucoup sur l'arriération économique de l' « Afrique », comme si cela n'avait rien à voir avec des siècles de longue agonie, d'esclavage, de colonialisme et une litanie sans fin d'horreurs perpétrés par les sbires de la communauté nord-atlantique. Le pire a eu lieu quand des nations comme l'Angola ont fait le choix de suivre la voie d'un développement non-capitaliste, l'impérialisme américain arme alors leurs opposants internes qui s'occupent ensuite de faire sauter les ponts, de détruire les cliniques et de dévaster leur économie. L'auteur est très dur dans son évaluation de cette période maintenant oubliée et n'épargne pas ses compatriotes, rappelant comment l'ancien leader soviétique Mikhail Gorbatchev, « s'est empressé de brader les intérêts de l'URSS et de ses amis pour les avantages illusoires de la coopération avec l'Ouest et avec Pretoria [donc l'Afrique du Sud de l'apartheid] », ce qui a mis encore plus en péril le succès des luttes que menaient des nations comme l'Angola.



Un processus similaire a eu lieu dans tout le continent, comme au Mozambique, dont la tentative pour s'émanciper de l'impérialisme a dû faire face au soutien étranger apporté au brigandage interne, après une guerre d'indépendance sanglante qui a fini sur une victoire en 1974. Le Zimbabwe, une ancienne colonie britannique, a connu la même expérience. De manière frappante, Moscou pendant la guerre d'indépendance qui a triomphé en 1980 n'était pas du tout enthousiasmé par la victoire du parti de Robert Mugabe, qui était soutenu par Pékin. Aujourd'hui, si Mugabe est diabolisé dans la communauté nord-atlantique, l'expropriation des intérêts financiers contrôlés par une minorité européenne hégémonique n'y est pas étrangère. (De manière intéressante, Mugabe n'est pas jugé aussi sévèrement en Afrique même, tout comme en Amérique Latine et en Asie).



Le premier soutien des pays Africains: l'URSS (seul avec Cuba)



Néanmoins, dès 1961, des étudiants ont commencé à débarquer massivement à Moscou en provenance du Zimbabwe pour recevoir une éducation supérieure. Pendant cette guerre de libération, Moscou a ravitaillé les combattants avec des milliers de fusils Kalashnikov, aussi bien que des carabines semi-automatiques, des pistolets, des lance-roquettes, des mortiers, des camions, des véhicules, des bateaux – sans compter les instructeurs militaires. Quand le temps est venu pour les combattants Zimbabwaéens de négocier à Lancaster House à Londres en 1979, c'est Moscou qui a fourni des juristes, des diplomates et des experts en tout genre. Cela va sans dire qu'une telle aide a fait grincer des dents du côté des élites nord-américaines – affligeant le fait que ceux qui aux États-Unis ont ostensiblement soutenu la libération des pays africains ont tiré en même temps à boulets rouges sur le premier soutien des pays Africains: Moscou.



En Namibie, pays colonisé à la fin du 19ème siècle par l'Allemagne, et qui a vécu un génocide mené contre le peuple Herero préfigurant ce qui s'est passé en Europe Centrale et Orientale quelques décennies plus tard, Moscou a également été plutôt actif. Après la défaite de l'Allemagne lors de la première guerre mondiale, l'Afrique du Sud a pris le contrôle de ce vaste pays et a imposé un gouvernement draconien qui, par certains aspects, était encore plus horrible que l'apartheid. Naturellement, Pretoria avait l'appui des nations nord-atlantiques – principalement l'impérialisme américain – pendant que Moscou soutenait ceux qui luttaient contre ce gouvernement illégal. La Namibie a accédé à l'indépendance en 1990 après une lutte violente et sanglante et son dirigeant actuel, Hifkipunye Pohamba, faisait partie de ceux qui ont reçu une éducation supérieure à Moscou.



Contre le révisionnisme historique et la myopie euro-centriste



L'auteur a écrit un livre entier sur la croisade de Moscou contre l'Afrique du Sud de l'apartheid, donc ce livre n'offre pas une couverture intégrale de cet épisode, bien que tout le monde sache dans la région que l'ANC victorieux (et son allié, le Parti Communiste Sud-Africain) était plutôt proche du camp socialiste, dont il a reçu une aide armée.



Aujourd'hui, il y a une croyance largement partagée parmi de nombreuses personnes qui devraient mieux s'informer, que toute l'époque Soviétique a été une catastrophe et un désastre – pourtant ceux qui épousent une telle vision bornée regardent rarement, si ce n'est jamais, leurs hypothèses erronées à partir du prisme Africain. Car s'ils le faisaient, ils seraient forcés de reconnaître que l'un des chapitres les plus héroïques de l'histoire à la fois Africaine et Soviétique a été l'aide unilatérale apportée par Moscou qui a sauvé des millions de personne d'une destinée funeste. Grâce à Vladimir Shubin, cette histoire se révèle être un phare lumineux qui éclaire le chemin de ceux qui continuent à construire un avenir socialiste.



Site de Political Affairs, mensuel du Parti Communiste des Etats-Unis: http://www.politicalaffairs.net/




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