Alfred Rubiks: un communiste letton, ex-membre du Politburo du PCUS, élu au Parlement européen



Article d'AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/



Les forces réactionnaires de Lettonie viennent de subir deux importants revers électoraux coup sur coup. C’est une très bonne nouvelle pour tous les démocrates.

A la tête de la Lettonie depuis l’effondrement de l’Union soviétique 1991,  soutenues à bout de bras par les USA et l’UE, elles se maintiennent au pouvoir  notamment grâce à l’exclusion de la vie politique, de la citoyenneté, d’un quart de la population, de langue russe.

Comme la xénophobie,  l’anticommunisme a été érigé en loi, le parti communiste interdit, ses dirigeants même incarcérés. Les fascistes lettons ont été en revanche réhabilités et célébrés. Dans le même temps, sur le plan économique, la grande braderie du pays aux impérialistes occidentaux a amené dépendance, chômage, émigration de masse, misère. Officiellement, au premier semestre 2009, l’économie est en décroissance de 22% !

Les élections européennes du 7 juin 2009, avec une participation en hausse, contrairement à la plupart des pays, ont vu la percée de la coalition progressiste, le « Centre de l’Harmonie ». Dans une meilleure traduction, le « Centre de la Concorde »  rassemble des formations politiques de gauche qui refusent la séparation des citoyens de langue lettone et de langue russe (40%). Avec 19,57%, il est arrivé deuxième et obtient deux élus sur huit au Parlement européen.

Mieux encore, aux élections municipales, il arrive en tête dans la capitale Riga (700.000 habitants sur 2.300.000) avec 34% et gagne la mairie dans le cadre d’une coalition plus large.

Enfin, événement riche de signification, parmi les deux élus se trouve Alfred Rubiks, ancien premier secrétaire du Parti communiste de Lettonie, ancien membre du Politburo du Parti communiste de l’Union soviétique, qui s’était élevé contre la dissolution de l’URSS et la sécession de la Lettonie et fut emprisonné 6 ans dans de dures conditions dans les années 90 après un procès inique. Il est aujourd’hui à la tête du Parti socialiste de Lettonie où militent les communistes depuis l’interdiction du PCL. Il siège maintenant dans le groupe GUE-NGL au Parlement européen aux côtés des députés communistes français.

Alfred Rubiks est à la fois un acteur et un symbole, qui bénéficie d’une très grande popularité, de la résistance au démantèlement de l’URSS, à la restauration capitaliste dans sa république, de la résistance à la politique de casse des acquis sociaux et démocratiques, même les plus élémentaires.



A partir de plusieurs de ses écrits et d’articles de la presse internationale, nous revenons sur les étapes de son combat depuis 1991.



1991: la lutte pour le maintien de l'Union Soviétique



En 1991, Rubiks est alors secrétaire-général du Parti Communiste Letton et maire de Riga, tout juste élu au Politburo du PCUS. Le doute plane alors sur les ambitions de Gorbatchev – qui reste volontairement évasif dans ses discours et jusque dans ses entretiens privés avec Rubiks et les autres dirigeants communistes – et sur l'avenir de l'URSS.

Pourtant, le référendum sur le maintien de l'Etat fédéral soviétique organisé en mars 1991, dont Rubiks a été l’un des promoteurs, avait débouché sur un oui massif (76%), dans les 9 républiques où il est organisé.

Mais, en Lettonie, la situation de chaotique était devenue anarchique. Les nationalistes gagnaient du terrain grâce aux atermoiements et abandons de Gobatchev. Ils avaient déjà émis une déclaration d'indépendance, tout à fait anticonstitutionnelle. Depuis la fin de l'année 1990, ils commençaient à mettre sur pied des milices dont ils se servaient pour traquer les dirigeants communistes et plus largement pour terroriser la population hostile à leurs plans, en visant en particulier les russophones. Ils parvinrent à empêcher la tenue du référendum.

Sûr d'être dans bon droit et déterminé à lutter jusqu'au bout pour les intérêts du peuple letton et des peuples soviétiques, Rubiks reste à Riga, tente d’organiser le référendum.

Au mépris de toute légalité, faisant fi de son immunité parlementaire lettone et diplomatique soviétique, les nationalistes l'arrêtent au siège du Comité central pour « haute trahison ».



Un procès qui se retourne contre ses accusateurs



S'apercevant rapidement de l'absurdité de l'accusation et surtout du fait qu'elle pourrait se retourner contre eux, les nationalistes changent à trois reprises de chef d'accusation. Confrontés à la défense résolue de l'accusé, à sa capacité à utiliser le procès public pour le retourner contre les accusateurs, et à sa popularité croissante, renforcée par une grève de la faim entamée durant le procès, les nationalistes font condamner finalement – après 2 ans de procès – Rubiks à 8 ans de prison pour « tentative de coup d'Etat ». Soit dit en passant, ce chef d'accusation est considéré comme totalement illégal sur le plan des conventions européennes et internationales concernant les droits civils et politiques, puisqu'il renvoie à une loi constitutionnelle qui n'existait pas au moment des faits et qui ne peut pas donc avoir une valeur rétrospective.



Un symbole de résistance qui inspire la crainte aux dirigeants anti-communistes



Rubiks passa finalement près de 6 ans en prison dans des conditions de détention indignes. Par sa fermeté politique, son abnégation en prison, il tend à devenir un héros pour la « minorité » russophone persécutée, pour tous les progressistes lettons humiliés, pour une part croissante de la population confrontée à la dégradation continuelle de ses conditions de vie. En 1996, Rubiks – encore prisonnier politique – se présente symboliquement aux élections présidentielles lettones [le Président letton est élu par le Parlement]. Bien que n'ayant aucune chance d'être élu par les parlementaires anti-communistes lettons, la popularité grandissante de Rubiks dans l'opinion pousse les dirigeants lettons à trouver une solution de compromis: Rubiks est libéré l'année suivante pour « bonne conduite » mais il lui est interdit de se présenter à toute élection nationale [il n’a le droit de se présenter qu’aux européennes].



Le démantèlement de l'économie, désastre social: de quelle « indépendance » parle-t-on ?



Depuis son « indépendance », la Lettonie est précipitée dans la régression économique. Soi-disant « libre », la Lettonie est désormais asservie aux intérêts du capital ouest-européen, à l’UE et à l’OTAN.

La production agricole est tombée à un niveau tellement bas qu'elle n'est même plus comptabilisée comme une catégorie autonome dans les indicateurs économiques du pays. La production industrielle actuelle représente 50% de celle de 1990.

Le capital ouest-européen a confiné l'Etat balte à deux secteurs dans la division du travail internationale: celui de plate-forme financière pour capitaux en manque d'un système bancaire déréglementé et celui de fournisseur de main d'œuvre. Les Lettons ont perdu le droit de vivre et travailler au pays ! Depuis 1992, la population a diminué de 15%. 82% des jeunes travailleurs déclarent vouloir quitter le pays.

Les illusions sur l'indépendance et la souveraineté lettone ont vite été dissipées: à titre d'exemple 30% des terres lettones appartiennent déjà à des étrangers. Les nationalistes espéraient faire de la Lettonie une « puissance » dans le secteur bancaire, avec des banques nationales fortes. Mirage : toutes les banques lettones ont désormais été rachetées par des banques scandinaves. Si le démantèlement de l'économie lettone a pu représenter une blessure à la fierté nationale, elle a eu également des conséquences bien plus dramatiques sur les conditions de vie du peuple letton plongeant la majorité dans la pauvreté et la lutte pour la survie. Une situation qui touche les salariés confrontés à la baisse continue de leur salaire réel, les jeunes que les bas salaires et le chômage poussent à émigrer en masse et, de manière dramatique, les retraités qui représentent un quart de la population et dont 94% vit sous le seuil de pauvreté.



Les travailleurs commencent à s'organiser et les communistes gagnent en crédibilité



La situation socio-économique est telle que, phénomène assez nouveau en Lettonie, les salariés et les retraités luttent et s'organisent désormais pour revendiquer la hausse des salaires et des retraites. Cette situation d'ensemble explique également le succès du Parti Socialiste Letton (PSL). Ce dernier est l'hériter du Parti Communiste Letton, interdit depuis 1991.

La situation des communistes lettons est d'autant plus difficile qu'ils doivent s'organiser dans un climat d'anticommunisme virulent. Le Parti Communiste est interdit, mais toute propagande pour des idées communistes et marxistes est également interdite, et tout membre du PC letton avant 1991 n’a pas le droit de se présenter à une élection nationale.

Dans un tel climat de terreur, le fait que le PSL ait 4 députés au Parlement, obtienne 8% des voix lors des dernières élections législatives et parvienne à sortir de son isolement par sa collaboration avec les forces progressistes réunies dans la coalition du « Centre de l'Harmonie » prouve l'enracinement des idées communistes dans le pays.



Rubiks, fidèle à ses convictions, à Riga comme à Strasbourg



Alfred Rubiks – dont le fils est par ailleurs député au Parlement letton – ne pouvant se présenter à une élection nationale, a ainsi pu mesurer le niveau de sa popularité aux élections européennes. Placé tête de liste par la coalition, ce qu’il représente est pour beaucoup dans l'excellent score obtenu qui a permis l'élection d'un deuxième député de la coalition. Fidèle à ses convictions, Rubiks a adhéré – dès son élection – au groupe confédéral de la Gauche Unitaire Européenne, à laquelle appartiennent les forces communistes et progressistes européennes. Tout comme il s'est battu en URSS et en Lettonie pour les intérêts du peuple letton, nous pouvons être confiants sur sa détermination à se battre pour les intérêts de son peuple et des autres peuples européens à Bruxelles.



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