2fairfares.pngDeux-tiers des Britanniques pour la re-nationalisation du rail, les manifestations se multiplient contre la hausse des tarifs

 

Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

 

Nos commentateurs politiques avisés ont toujours un exemple étranger dans la poche pour nous vanter les mérites d'un ailleurs mythifié. Pour la libéralisation/privatisation du rail, il y a pourtant un précédent désastreux qui a soulevé la colère des usagers : la Grande-Bretagne.

 

Les travailleurs britanniques tirent la sonnette d'alarme. Ce 19 août, ils étaient plusieurs centaines – usagers et le syndicat RMT ensemble – à alimenter 50 piquets dans les gares de l'île pour protester contre la hausse vertigineuse des tarifs des trains de banlieue et des trains inter-cités.

 

La privatisation contre les usagers : + 60 % pour les tarifs vs – 6 % pour les salaires en cinq ans !

 

Le syndicat de classe RMT (Rail Maritime and Transport Union) proteste avant tout contre l'appel d'offres qui livrerait la « Northern line » à des opérateurs privés étrangers, remettant 10 000 cartes au Département du transport à Londres contre ce projet.

 

A Londres, comme à King's Cross, les usagers mais aussi les syndicats étudiants étaient largement présents, protestant contre le fait que la hausse des tarifs « éloigne les étudiants des universités ».

 

Ainsi selon la présidente du syndicat de l'University of Arts of London, Shelly Asquith :

 

« de nombreux étudiants ont besoin des transports publics pour étudier. Nos revenus stagnent, mais les prix du transport ne cessent d'augmenter (…) Quand les entreprises font des profits colossaux, les étudiants ne peuvent plus étudier ».

 

Selon les chiffres du Trade union congress (TUC), les tarifs du train ont augmenté en moyenne de 60 % depuis 2008 sachant que – selon l'Institue for fiscal studies – les salaires réels ont baissé de 6 % dans le même temps.

 

Le désastre de la privatisation : hausse des tarifs, subventions publiques et profits privés !

 

Depuis la privatisation, il y a vingt ans, les usagers britanniques ont pu constater de leurs propres yeux les désastres de la gestion privée.

 

Le TUC l'avait constaté dans le rapport publié l'an dernier : « The great train robbery : les conséquences économiques et politiques de la privatisation du rail ».

 

Nous rappelons ici quelques données brutes, puisque nos libéraux sont aussi bornés que le Mr.Gradgrind de Dickens : ils ne veulent que des faits, des faits, des faits. Les voici, les faits.

 

  1. les trains n'arrivent plus à l'heure : un train sur six circule avec plus de 10 minutes de retard (15 %), contre un sur dix en France (10 %) ;

     

  2. le matériel roulant est de plus en plus vieux : depuis 1996 l'âge moyen du matériel a augmenté, de 16 à 18 ans en 2013. L'investissement dans le renouvellement de matériel a chuté de moitié ;

     

  3. un système très coûteux par rapport au public : selon le rapport McNulty (2011), les coûts du système fragmenté britannique sont 40 % supérieurs à ceux du système nationalisé français ;

     

  4. une ouverture à la concurrence ... dominée par quelques monopoles : le britannique First Group contrôle 7 des 23 opérateurs, et l'Allemand Deutsche Bahn, l'Hollandais NS et enfin la SNCF (via Keolis) ont pris possession de 11 des 23 opérateurs du chemin de fer britannique. Quatre entreprises contrôlent donc 80% du rail britannique !

     

  5. Investissements publics, dette publique, mais profits privés : l'Etat dépense aujourd'hui deux fois plus en subventions (6 milliards par an) que du temps du rail nationalisé, avec une dette de 40 milliards d'euros. Pendant ce temps, les opérateurs privés comme la Deutsche Bahn (1 milliard en 2012 sur le réseau anglais!) réalisent des profits colossaux

     

  6. Les tarifs les plus élevés au mond: les tarifs du rail sont désormais, en moyenne, deux fois plus élevés qu'en France, dans le secteur nationalisé. Depuis 1996, l'augmentation des tarifs du train a été trois fois supérieure à celle de l'augmentation moyenne des salaires. La Grande-Bretagne dispose des tarifs les plus élevés du monde ;

 

Face à ce système inefficace, coûteux, ce « grand vol » organisé par les dirigeants conservateurs et travaillistes, les Britanniques réclament désormais d'une seule voix la re-nationalisation.

 

Cette majorité de Britanniques qui réclament la re-nationalisation

 

Selon un sondage « YouGov » d'octobre 2013, 66% des personnes interrogées pensent que « les compagnies du rail doivent être toutes publiques », contre 23 % qui préfèrent la gestion par le privé.

 

Un chiffre qui atteint les 79 % chez les électeurs travaillistes, 72 % chez les UKIP, mais qui était aussi majoritaire chez les électeurs libéraux-démocrates (62%) et même conservateurs (52%) !

 

63 % des sondés estiment même qu'ils sont prêts à voter pour le candidat qui leur promettra la re-nationalisation du rail.

 

Ce n'est pas gagné quand le « Labour » ne propose que la mise en place d'une forte entreprise publique du rail capable … d'être compétitive sur les appels d'offre face aux opérateurs privés !

 

L'exemple de l'East Coast Line : un modèle public plus efficace !

 

Face aux libéraux qui dépeignent la « nationalisation » comme irréaliste, ces partisans donnent un exemple qui parle de lui-même : la East Coast Main line.

 

Jusqu'en 2009, la ligne qui relie notamment Londres à l'Ecosse était gérée par l'opérateur privé « National express ».

 

En 2009, le bilan de la privatisation est désastreux, la piètre qualité du service et les tarifs prohibitifs avaient fait fuir les consommateurs, le faible taux de remplissage conduisant à des pertes se chiffrant à plusieurs centaines de millions de £, et finalement au départ de l'opérateur privé.

 

Pour « assurer la continuité du service », l'Etat décide alors contre son gré de récupérer la ligne, gérée par la bien-nommée « Directly operated railways ».

 

Depuis, le contraste est saisissant : la ligne nationalisée est redevenue la plus fréquentée (36 % de plus que la deuxième ligne!), elle bat des records de satisfaction parmi les usagers (91 % en 2013), elle est une source de revenus pour le contribuable (1 milliard de £ depuis 2009, 235 millions cette année).

 

Et enfin elle est l'entreprise la moins coûteuse pour le contribuable britannique selon l'Office for rail regulation, puisqu'elle reçoit sept fois moins de subventions que Virgin sur la West Coast Main Line !

 

Les appels d'offre pour les lignes du Nord et de l'Est : la SNCF acteur numéro 1 de la concurrence britannique

 

Et pourtant, ce bel exemple de réussite de la « nationalisation » du rail risque de faire long feu.

 

Ce pactole attire en fait les convoitises des opérateurs privés bien décidés à privatiser les profits après avoir socialisé les pertes (et les investissements).

 

Ainsi, le gouvernement conservateur prévoit la re-privatisation de la ligne en 2015. L'appel d'offres a déjà reçu trois candidats : les Britanniques StageCoach, First (détenus à 50 % par Keolis-SNCF !) et … la filiale de la SNCF, Keolis bien sûr.

 

Autrement dit, la SNCF met deux billes dans le même panier espérant gagner le jackpot de la re-privatisation de la première ligne de chemin de fer britannique !

 

Et ce n'est pas fini, le gouvernement britannique a décidé de renouveler la concession sur deux entrprises privées opérant dans le Nord du pays : la « Northern Rail » et le « TransPennine Express », assurant des services sur Manchester, Leeds, Liverpool ou encore Newcastle.

 

Là encore, trois candidats, tous étrangers, tous liés à des grands groupes publics européens :

 

le néerlandais Abellio (branche internationale de la NS), l'allemand Arriva (filiale de la Deutsche Bahn) et le franco-britannique Govia (détenu à 65 % par Go-Ahead et à 35 % par l'omniprésent Keolis!).

 

Il n'est hélas plus surprenant de voir la SNCF saborder le chemin de fer français pour mieux aller jouer les rapaces sur les chemins de fer ravagés par la privatisation de nos voisins.

 

 

En tout cas pour nous, l'exemple britannique est toujours parlant : il faut lutter maintenant contre la privatisation de la SNCF, à laquelle emmène la « réforme ferroviaire ». Avant qu'il ne soit trop tard.

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