Hongrie-drapeauÉlections législatives hongroises : déconfiture de la gauche ultra-libérale européenne et montée de la droite fascisante

 

Article de BL pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

 

Le 11 avril avait lieu en Hongrie le premier tour des élections législatives. La quasi-totalité des circonscriptions a été remportée par le parti de droite FIDESZ dans l’opposition depuis 8 ans. Son score au niveau national atteint presque 53 %, un niveau historiquement élevé qui n’étonne pourtant aucun observateur de la politique hongroise.


 

Un gouvernement PS social-libéral complètement discrédité après 8 ans de politique de classe sociale


 

Et pour cause ! Le gouvernement socialiste au pouvoir depuis 2002 atteint lui aussi des niveaux record d’impopularité. Les 19 % qu’obtient le parti socialiste hongrois (contre plus de 43 % en 2006) font presque figures de miracle. Adepte des thérapies de choc imposées à la Hongrie par le FMI qui lui a accordé un prêt, le gouvernement, déjà décrédibilisé avant la crise, en a profité pour accélérer sa politique de casse brutale des derniers pans du service public et des systèmes de solidarité sociale (hôpitaux, assurance maladie, université, éducation, transports,…). Avant même l’intervention du FMI et les recommandations de l’Union Européenne, la majorité socialiste avait connu un immense discrédit lorsque, après les élections de 2006 gagnées de justesse, le premier ministre Ferenc Gyurcsany avait admis publiquement avoir menti sur l’état des finances du pays et s’engageait sur la voie d’une politique de rigueur contraire à toutes ses promesses. Cet épisode avait déclenché à l’époque une longue vague de violence où l’extrême droite nationaliste et xénophobe s’était illustrée par ses démonstrations de force dans les grandes villes.

 

Cadre de la jeunesse communiste hongroise pendant le tournant de 1988/89, l’ancien premier ministre socialiste Gyurcsany a profité à plein du changement de régime en se reconvertissant dans les affaires et a prospéré sur les privatisations au point de devenir l’un des hommes les plus riches du pays. Revenu en politique au début de la décennie, il est le chef de file de réformateurs dont le modèle revendiqué est Tony Blair. Arrivé à la tête du gouvernement en 2004, l’élève dépasse vite le maître en menant une politique favorable aux intérêts du capital : coupes claires dans le budget de l’éducation et de la santé mais aussi dans le salaire des fonctionnaires ; tentatives de privatisation des hôpitaux ; fiscalité favorable aux plus hauts revenus et au capital.


 

Démagogie en paroles et libéralisme en actes: le succès du FIDESZ porté par son double discours


 

Face à lui, le parti FIDESZ conduit par Viktor Orbán, même s’il a lui aussi perdu tout soutien populaire entre 1998 et 2002 lorsqu’il était au pouvoir, a lancé des grandes campagnes nationales pour contrer la politique anti-sociale du gouvernement. Grâce à une présence permanente dans les lieux publics et les quartiers, ce parti a réussi à deux reprises à rassembler les centaines de milliers de signatures nécessaires à l’organisation de référendum d’initiative populaire. Le maintien de la gratuité des consultations médicales et le refus de la privatisation des hôpitaux étaient au centre des questions posées aux électeurs. Avec l’aide de ces mobilisations pour la défense de la solidarité sociale nationale et sur un discours nationaliste de fond, ce parti est parvenu à retrouver une certaine popularité et à capter la plus grande part du mécontentement des Hongrois. Parce qu’il suit aussi les inflexions récentes de l’opinion qui voit de plus en plus l’Union Européenne comme une menace pour la préservation de son niveau de vie et de ses acquis sociaux, les discours du FIDESZ se font eux aussi de plus en plus anti-européens au niveau national.

 

Sa dernière expérience au gouvernement et les choix de ce parti au niveau européen, où il occupe 2/3 des mandats réservés à la Hongrie au parlement, ne nous laisse cependant aucune illusion sur sa fidélité aux intérêts du capital européen. La stratégie adoptée ces dernières années n’est le reflet que d’une tactique purement politicienne et démagogique. Depuis un an, les discours du leader de l’opposition Viktor Orbán se sont d’ailleurs fait plus prudents. Aucune promesse concrète sur la remise en cause des mesures destructrices adoptées par le gouvernement socialiste n’a été faite. On peut donc s’attendre à une gestion fidèle des affaires, sous la tutelle de fer du FMI et de l’Union Européenne, d’un pays dont les dernières richesses – en particulier les terres agricoles qui échappaient jusque-là à l’appropriation des multinationales – risquent d’être mises à l’encan.


 

La montée d'une force fascisante, le Jobbik, avec complicité des classes dominantes et des médias


 

Face à des discours politiques qui prônent la résignation, une extrême-droite xénophobe et violente prospère. Les 17 % des suffrages qu’elle a obtenu (contre moins de 5 % auparavant) sont le résultat d’un rejet très prononcé des politiciens qui se relaient au pouvoir depuis 20 ans, particulièrement chez les classes populaires. Le parti « Jobbik » obtient en effet ses meilleurs scores dans les régions de l’est du pays, où il dépasse couramment les 25 %, loin devant le parti socialiste. C’est là que le taux de chômage est le plus élevé, conséquence d’un démantèlement presque total de l’industrie après le changement de régime. Chez ce parti, le discours anti-libéral et le discours anti-sémite se confondent pour dénoncer des élites responsables d’avoir « vendu le pays ». Ce discours se double d’une campagne violemment anti-tsigane, dans un contexte où les assassinats visant cette communauté se multiplient.

 

Comme le remarque depuis 2 ans le parti communiste ouvrier hongrois, la complicité des médias et de la classe dominante avec l’extrême droite est totale. Alors que les communistes continuent à subir des pressions constante contre leurs activités et même une répression judiciaire (la Hongrie est le seul pays d’Europe où les symboles communistes sont interdits et le PCOH est l’objet de poursuites judiciaires depuis plus d’un an), le « Jobbik » peut compter sur la télévision, la radio et les journaux pour relayer ses discours et ses initiatives. Seule cette visibilité médiatique lui a permis de passer de l’état de groupuscule insignifiant – d’autres partis d’extrême droite comme le MIÉP occupaient déjà la place à un niveau plus modeste – au rang de troisième voire deuxième force politique du pays. Il est en effet moins dangereux de laisser s’exprimer la colère populaire contre des politiques pourtant clairement identifiées comme étant dictées par les intérêts des capitalistes – qu’ils soient hongrois ou étrangers – dans un vote d’extrême droite que de laisser une possibilité au mouvement social et à la résistance populaire de se développer.


 

Les « Europe-Ecologie Hongrois » dirigent les votes de gauche dans une impasse


 

A noter enfin l’apparition d’un nouveau mouvement politique qui se dit écologiste et libéral, qui s’est fait connaître sous le nom de « Faire de la politique autrement » (LMP). Avec plus de 7 % des voix, il obtient des députés au parlement après une campagne électorale axée sur les « problèmes sociétaux » : bons sentiments, profession de foi humaniste, proclamations de tolérance entre les peuples, lieux communs écologisants, le tout illustré par des affichettes dignes d’une agence de publicité. Remplaçant le parti libéral (SZDSZ), devenu marginal après ses compromissions dans le dernier gouvernement, dans la défense des minorités, ce nouveau parti n’obtient pas du tout ses meilleurs scores dans les villes et les quartiers tsiganes mais dans le centre de Budapest où il dépasse couramment les 15 %. Assez comparable à Europe-Écologie en France, il a le soutien d’une partie de la petite-bourgeoisie des grandes villes qui y profite de la concentration de la richesse et des emplois les mieux payés du tertiaire, même en période de crise, dans le cadre d’un approfondissement de la mondialisation capitaliste.


 

Les communistes attaqués de toute part résistent encore


 

De leur côté, les communistes continuent à souffrir des attaques extrêmement féroces dirigées contre eux mais aussi de la déconsidération durable du pouvoir socialiste ou « de gauche », identifié par une grande majorité de Hongrois comme étant les « communistes ». Malgré une rupture nette avec une stratégie d’alliance et de conciliation avec le parti socialiste, suivie entre 1990 et 2006, le PCOH éprouve toujours des difficultés à avoir une visibilité nationale. A cause d’un changement défavorable des règles électorales, ce parti n’a pu obtenir de liste nationale et a dû se contenter de présenter des candidats dans 16 circonscriptions sur 176 où il a obtenu des scores variant entre 1,5 et 4 % des voix. Ces résultats, indéniablement faibles, mais qui marquent localement une progression par rapport à l’étiage de 2006, ne doivent pas masquer les réels progrès de ce parti dans son processus de reconstruction dans les régions.

 

 

Socialistes plus libéraux et plus européistes que les libéraux eux-mêmes, une droite démagogique qui masque derrière un discours social-national son identité de vues socio-économique avec le PS et ses complicités avec les milices fascisantes, montée justement d'une extrême-droite anti-démocratique, anti-communiste, anti-sémite et anti-rom: le tableau que laisse la Hongrie à la sortie de ces élections législatives est sombre. Plus que jamais, la Hongrie a besoin d'un Parti Communiste fort, pour défendre ce qui'il reste des droits démocratiques et sociaux du peuple hongrois. Victime d'attaques incessantes, qui ont abouti en 2007 sur une tentative d'interdiction du PCOH, le Parti Communiste est affaibli mais il résiste et reste un point d'appui irremplaçable pour le peuple hongrois dans sa lutte contre un capitalisme à l'offensive  et aux multiples facettes, mais présentant désormais un visage de plus en plus menaçant.

Retour à l'accueil