Grève illimitée de Noel chez Amazon en Allemagne contre l'exploitation effrénée ... l'entreprise délocalise en Pologne !
18 déc. 2014
Grève illimitée de Noel chez Amazon en Allemagne contre l'exploitation effrénée ... l'entreprise délocalise en Pologne !
Article AC pour http://www.solidarite-internationale-pcf.fr/
Les salariés d'Amazon vivent l'exploitation capitaliste dans sa plus grande brutalité, une inhumanité voilée pour les consommateurs dans la chose-marchandise tant désirée pour Noel. Les travailleurs allemands ont mené une grève de 3 jours pour obtenir des salaires, des conditions de travail dignes. Les enjeux de cette lutte sont éclairants.
Cela fait un an et demi, depuis mai 2013, que les salariés d'Amazon en Allemagne multiplient les grèves pour exiger leur intégration aux conventions collectives du commerce, pour obtenir un salaire et des conditions de travail dignes.
Une « grève de Noel » inédite : une semaine de mobilisation massive
La grève entamée ce lundi 15 décembre, et poursuivie jusqu'à mercredi, est sans doute la plus importante qu'ait connue l'entreprise américaine en Allemagne, le seul réel mouvement de masse qu'il endure en Europe.
Cette « grève de Noel » frappe Amazon dans son pic de production. L'an dernier, le 15 décembre, Amazon a reçu 4,6 millions de commandes le 15 décembre, soit 53 marchandises par seconde.
Une « grève de Noel » qui, selon le syndicat du commerce VERDI, aurait impliqué 2 500 salariés, soit près du tiers des 9 000 employés permanents du groupe en Allemagne. Un taux de grévistes colossal dans un secteur où règnent le despotisme de l'usine, la terreur patronale.
Enfin, une « grève de Noel » qui pour la première fois implique 6 des 8 centres de travail d'Allemagne : à Hersfeld (Hesse), Graben (Bavière), Rheinberg et Werne (Rhénanie), Leipzig (Saxe) et pour la première fois l'atelier de Coblence.
Et une « grève de Noël » qui, d'après les dernières déclarations du syndicat Verdi, devrait continuer jusqu'à samedi prochain, voire jusqu'à Noël.
L'ampleur de cette grève est une réponse massive, et significative aussi dans son symbole, aux tentatives de l'entreprise américaine, au début de l'année 2014, de mettre en scène un soutien de ses employés à l'entreprise, par des vidéos en ligne montrant des déclarations de soutien des salariés, ou imprimant des T-Shirt : « Moi, je suis pour mon entreprise, Amazon ».
La lutte pour le droit aux conventions collectives au XXI ème siècle
Les salariés d'Amazon demandent tout simplement l'intégration de leur entreprise dans les conventions collectives du commerce de détail, qui prévoit des salaires minimums ainsi qu'une réglementation des conditions de travail, et la pleine intégration des syndicats aux négociations.
Comme partout, Amazon joue sur les failles de la réglementation – ou sur les avantages que fournit ce droit du travail aux grandes entreprises qui maîtrisent son architecture –, elle considère que l'entreprise s'intègre à la branche de la logistique.
Cela lui permet dans l'immédiat trois choses :
1 – de faire régner son arbitraire dans les conditions de travail dans les ateliers. On connaît les conditions de travail chez Amazon en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux USA ou en France : des cadences infernales, des températures inhumaines, la pression de l'encadrement, l'automatisation des comportements, l'isolement des salariés. Le tout sans regard des Inspections du travail.
2 – de payer les salariés à un tarif inférieur, le salaire minimum serait de 9 € dans la logistique, contre jusqu'à 13 € – selon les régions – dans le commerce. Selon les syndicats, un aligement sur les conditions des conventions collectives du commerce conduiraient à une hausse du salaire mensuel pouvant aller jusqu'à 700 €. Pour l'instant, Verdi se bat pour 3 % d'augmentation de salaire ;
3 – enfin de ne pas reconnaître Verdi, syndicat du commerce, comme partenaire légitime, donc d'exclure les syndicats de toute négociation sur les salaires, les conditions de travail. A prétendre suivre la convention collective de la logistique, Amazon n'en suit aucune, et ne reconnaît aucun syndicat dans ses entreprises.
Le dialogue social façon Amazon : obtenir la collaboration du gouvernement et des syndicats au statu quo
Face à cette mobilisation massive, au pire moment pour Amazon, quelle est la réaction de ce géant commercial américain ?
Tout d'abord, il ne désespère pas de trouver un soutien au sommet de l'Etat allemand, y compris des directions syndicales, contre la grève. Amazon n'est pas effrayé par l'introduction d'un salaire minimum à 8 € de l'heure … qui serait en-dessous des conventions collectives de la logistique.
Récemment, la Ministre du Travail (SPD) de Rhénanie, Sabine Bätzing a proposé sa médiation car « le dialogue social est bon pour tous », dit-elle.
Au même moment, la Ministre du travail fédérale, aussi une social-démocrate, Andrea Nahles prépare un projet de loi qui prévoit d'annihiler tout pouvoir de négociation aux syndicats de base, ou catégoriels, plus enclins à lancer des mouvements de grève.
Une remise en cause du droit de grève, au nom de la représentativité syndicale (« tariffeinheit ») qui renforcerait la collaboration de la centrale syndicale unitaire, la DGB, avec le gouvernement.
Ainsi, récemment, dans Tagesspiegel, le secrétaire du syndicat Verdi, Frank Bsirske n'a pas tari d'éloges sur le gouvernement et la chancellière Merkel en particulier, qu'il voit comme « intelligente et réfléchie », plus prête à « dialoguer avec nous », ferme « dans sa politique ».
La délocalisation en Pologne comme solution ?
Mais Amazon a déjà entamé depuis l'an dernier un vaste plan de délocalisation de son activité vers l'Europe de l'Est, la République tchèque et surtout la Pologne.
La presse polonaise, acquise au discours patronal, jubile : « Les Polonais travaillent, pendant que les Allemands font la grève ».
Amazon a commencé la délocalisation de son activité en Pologne en 2013. Aujourd'hui, on compte 4 500 employés permanents, et 7 500 saisonniers.
Et la première expédition de colis d'Allemagne depuis la Pologne a eu lieu fin septembre 2014.
Cependant, le puissant, mais peu compétitif, secteur du petit et moyen commerce polonais ainsi que la grande distribution font pression pour éviter toute implantation en Pologne dans la distribution. Il n'y a toujours pas d' « Amazon.pl », et il n'y aura pas à moyen-terme.
Les salariés polonais offrent un avantage : ils sont payés en moyenne 3 € de l'heure, trois fois moins qu'en Allemagne, mais un tarif qui paraît décent en Pologne pour des employés non-qualifiés.
Amazon s'attendait par contre à trouver des salariés dociles. Il a vite déchanté, les salariés entamant des poursuites judiciaires, se plaignant des allées et venues considérables dans les centres de travail – 95 000 m2 en moyenne, soit 13 terrains de football –, de cadences intenables ainsi que d'un temps de travail de 10 h par jour.
La grève des salariés d’Amazon, inédite par son ampleur, montre néanmoins qu’il est possible de mobiliser les salariés parmi les plus exploités, les plus isolés du capitalisme moderne. Les salariés, syndicalistes français ne peuvent être que solidaires de ce mouvement.
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