Interview de Wil van der Klift, dirigeant du Nouveau parti communiste des Pays-Bas: « La vie politique aux Pays-Bas glisse vers la droite »
27 juin 2010 La vie politique aux Pays-Bas glisse vers la droite
Interview de Wil van der Klift, rédacteur en chef du « Manifeste », journal du Nouveau parti communiste des Pays-Bas (NCPN), sur les résultats des dernières élections.
Publié dans « Unsere Zeit », hebdomadaire du Parti communiste allemand, le 18 juin 2010
Traduit par EDT http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
Peux-tu d’abord nous donner un aperçu des résultats des élections du 9 juin 2010 ?
Wil van der Klift : La caractéristique des élections aux Pays-Bas est un nouvel éclatement du paysage politique et un déplacement vers la droite. Le courant nationaliste continue de monter. Dans le détail, les libéraux de droite du VVD obtiennent 31 sièges, en progression de 9 sièges, et sont chargés de former le gouvernement. Le PvdA social-démocrate perd trois sièges et arrive second avec 30 mandats. Le Parti socialiste de gauche (SP), qui suit une ligne comparable avec Die Linke, abandonne 10 mandats (de 25 à 15).
La défiance dans la population à l’égard des partis établis et la peur pour l’avenir se manifestent principalement dans la poussée du PVV. Le parti d’extrême droite, nationaliste et islamophobe de Geert Wilders passe de 9 à 24 sièges. Il se présente comme le parti de l’anti-establishment mais cherche dans les faits à gagner des positions de pouvoir pour lui-même dans la vie politique néerlandaise. Le PVV a réalisé de très hauts résultats électoraux dans la province du Limbourg.
Cela s’est fait au détriment du CDA (chrétien-démocrate), qui dispose traditionnellement d’une base importante dans le sud catholique. Cette fois, il perd 20 de ses 41 sièges. Le CDA qui a fourni le premier ministre ces dernières années a été chassé du centre de l’échiquier politique. Le premier ministre sortant, Jan Peter Balkenende, a cédé sa place de dirigeant du parti et ne sera plus membre du parlement. Les partis de la gauche libérale, Groen-links et D66 ont obtenu chacun 10 sièges et l’Union chrétienne, qui appartenait au gouvernement précédent, a perdu un mandat, tombant de six à cinq.
Quel effet a la poussée à droite sur les conditions sociales ?
Wil van der Klift : La vie politique néerlandaise vient de glisser nettement à droite. La campagne électorale était placée sous le signe des effets de la crise sur le niveau de vie de la population : chute des salaires et des prestations sociales, augmentation des charges et recul des services sociaux. Elle a porté de fait sur les thèmes sociaux et économiques.
Une part de plus en plus grande de la population s’inquiète du maintien de son niveau de vie et a peur pour l’avenir. Pendant qu’Angela Merkel met sur la table des mesures d’austérité à hauteur de 80 milliards d’euros, qu’ailleurs en Europe on parle de plans d’austérité de dizaines de milliards d’euros, on s’en sort aux Pays-Bas avec 29 milliards. Comme si souvent en temps de crise, les électeurs cherchent la sécurité dans les partis de droite. Le VVD et le PVV ont le mieux réussi à transformer la peur de l’avenir en suffrages. Les élections montrent avant tout l’état de confusion actuel de la population néerlandaise qui a été encore renforcé par le pouvoir des media.
Vu les divergences entre la « droite » et la « gauche » sur la question « où faire des économies et combien ? », les possibilités d’une coalition sont faibles. On agite en ce moment plusieurs options pour le nouveau gouvernement, qui toutes présentent un caractère hautement spéculatif. Une longue période de recherche de partenaires va avoir lieu.
L’état de confusion et d’émiettement politique aux Pays-Bas rend aussi très nerveux les puissants, les grands patrons et leurs relais politiques. Ils veulent rapidement faire passer le programme d’austérité européen. Dans ces milieux règnent les mêmes conceptions qu’au gouvernement allemand : ils veulent mettre un terme aux mesures de stimulation à la Keynes et s’attaquer durement aux salaires, prestations sociales et autres acquis.
Sur la base du résultat de ces élections, un tel programme de casse sociale ne pourra être réalisé qu’avec la participation au gouvernement du PVV, ou, comme au Danemark, avec le soutien de ce parti.
Il ne reste donc plus à Wilders et à ses troupes qu’à rentrer au gouvernement pour que tout roule pour les classes dominantes aux Pays-Bas ?
Wil van der Klift : Le programme du PVV est ouvertement non démocratique, nationaliste. Pour l’instant, il ne va pas dans l’intérêt du grand capital. Les représentants du patronat rejettent sa participation au gouvernement. De façon contradictoire, le programme social du PVV comprend quelques aspects positifs. Cependant le parti a laissé tomber sa principale proposition sociale dès le lendemain de l’élection : le maintien de l’âge de la retraite à 65 ans. Cette politique populiste, imprévisible contribue à ce que le PVV soit regardé avec méfiance du côté des partis établis et des milieux d’affaires.
Il ne semble donc pas que le PVV va entrer au gouvernement. Par ailleurs, on peut douter que le PVV le veuille pour le moment. Etre dans l’opposition rapporte plus. C’est pourquoi on parle aussi d’une « coalition nationale » et d’un gouvernement de transition qui resterait en poste jusqu’aux élections provinciales de mars 2011 et la tenue de nouvelles élections.
Quelles tâches s’assignent les militants de gauche, les communistes aux Pays-Bas ?
Wil van der Klift : La gauche va devoir se diriger dans la période qui vient vers la lutte dans les quartiers et les entreprises, vers le renforcement d’une politique syndicale progressiste. On doit aussi travailler davantage à la résistance contre le caractère antidémocratique du PVV. Le PVV n’a cependant aucun lien direct avec des groupuscules fascistes et n’a pas non plus un fond fasciste. Wilders lui-même vient du VVD. Ce parti s’adresse aux mécontents avec un programme de droite. Beaucoup sont actuellement sympathisants du PVV uniquement pour faire entendre leur rejet de la politique élitiste des partis établis. Pour eux, Wilders reflète le mieux leurs vues. Dans la pratique, il s’avère que beaucoup d’électeurs sont surtout furieux de ne pas être entendus, de ne pas être pris au sérieux. Les partis de gauche doivent parler avec la base de la société, dans les zones d’habitation et dans les entreprises. Le risque qu’un parti comme celui de Wilders puisse tirer profit du mécontentement dans la population ne doit pas non plus être surévalué.
Le NCPN apportera sa contribution à ce travail d’éclaircissement en intervenant et en diffusant des informations dans les syndicats et dans les entreprises pour lever la confusion politique.
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