Le dirigeant de die Linke Gregor Gysi soutient l'ingérence allemande et les exportations d'armes en Irak !
05 sept. 2014
Le dirigeant de die Linke Gregor Gysi prêt à soutenir l'ingérence allemande et les exportations d'armes en Irak !
Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
La droitisation de Die Linke en Allemagne – en particulier sur la question de la paix – laisse le peuple allemand désarmé face à la militarisation du pays, elle fournit toujours un inquiétant visage de ce que pourrait être une « gauche » européenne de demain, celle que désire le PGE.
Depuis plusieurs mois, le gouvernement allemand est à l'offensive sur la scène internationale entamant la re-militarisation du pays, une politique mondiale agressive inscrite dans la « Grande coalition » forgée l'an dernier par les sociaux-démocrates avec la droite.
La remilitarisation de l'Allemagne fait tomber les défenses de Die Linke
La chancellerie allemande est active en Ukraine pour faire avancer les intérêts des konzern (grands monopoles), la Bundeswehr (armée allemande) intervient pour épauler la France au Mali et en Centrafrique, et maintenant les « marchands de canon » allemands se frottent les mains alors que le gouvernement annonce la livraison d'armes aux kurdes d'Irak conte la menace fantôme ISIS.
La décision a été officialisée par la chancelière conservatrice Angela Merkel le 20 août dernier, trouvant comme relais dans une nouvelle « Union sacrée » (ou burgfrieden en Allemagne, la trêve des partis) les partis démocrate-chrétien, social-démocrate et vert.
Depuis plusieurs mois, à chaque offensive militariste du gouvernement a correspondu une reculade de « Die Linke » sur sa question identitaire de la paix et ses mots d'ordres fondateurs : « Pas de mission à l'étranger – pas d'exportation d'armes dans le monde ».
A chaque reculade, Gregor Gysi est là. L'artisan du projet « Die Linke » en Allemagne qui a liquidé les restes du communisme en Allemagne pour étendre ce projet à l'Europe avec le PGE est encore le chef naturel de « Die Linke », il se voit déjà Ministre des Affaires étrangères en 2017. Il l'a dit.
« Que l'OTAN et l'Allemagne aident les forces en Irak à arrêter l'EIIL …
je suis contre les exportations d'armes, mais peut-on pas faire exception ici ? »
Gysi a donc mis les pieds dans le plat, le 12 août dernier dans son interview à « Die Tageszeitung » (TAZ) appuyant sans réserves le plan gouvernemental de livraison d'armes aux « résistants » irakiens face à la menace islamiste EIIL/ISIS. Extraits.
« TAZ – l'Allemagne a-t-elle fait assez pour sauver les Yezidis et les Chrétiens irakiens face au groupe terroriste EIIL ?
Gysi – Il faut participer plus massivement à l'acheminement de l'aide. En outre, l'OTAN et l'Allemagne doivent veiller à ce que les forces en Irak et au Kurdistan puissent arrêter EIIL.
Taz – Qu'est-ce que cela signifie ?
Gysi – bon, je suis formellement contre les exportations d'armes allemandes. Mais, vu que l'Allemagne est un important exportateur d'armes, alors l'exportation d'armes ne pourrait-elle pas être autorisée dans ce cas exceptionnel, si les autres pays n'en sont pas capables tout de suite.
Ce n'est pas avec des lettres de protestation qu'on va arrêter l'EIIL.
Taz – En Allemagne, l'exportation d'armes vers les zones de conflit est interdite. Vous voulez passer outre ?
Gysi – Ce n'est pas une interdiction, mais une directive, à laquelle nos gouvernements n'obéissent que trop peu par ailleurs. L'Allemagne arrose le Moyen-orient de ses armes. Regardez l'Arabie saoudite.
Taz – Et maintenant que voulez-vous faire au Kurdistan ?
Gysi – Dans cette situation d'urgence, il faut faire le nécessaire pour empêcher une plus grande catastrophe (…)
Taz – Tout cela semble bien audacieux pour un parti opposé à la guerre.
Gysi – Oui c'est dur. Mais nous n'avons pas nié le droit à la défense nationale. La Bundeswehr doit défendre l'Allemagne, si elle est attaquée. En Syrie, en Irak, au Kurdistan, on a affaire à une guerre d'agression d'EIIL qui doit être repoussée. »
Le reniement de la lecture anti-impérialiste mène au ralliement
à la « défense nationale » … des monopoles allemands !
Tout est dit dans cette interview édifiante du dirigeant de Die Linke,vrai ralliement à la position des industriels, de l'armée et du gouvernement allemand : on est contre la guerre mais pour la défense nationale face à une « guerre d'agression », contre les exportations sauf dans certains cas.
En tout cas, cent après le vote des crédits au Bundestag par les députés sociaux-démocrates – qui deux ans avant au Congrès de Bâle proclamaient la main sur le cœur leur opposition à la guerre européenne – le parallèle est saisissant.
Abandonnant la grille de lecture autour du concept léniniste d' « impérialisme », Gysi se permet d'éviter de lutter contre le sien, il le cautionne, il s'en fait le héraut hypocrite.
Pourtant, le Kurdistan irakien suscite les intérêts des monopoles européens et américains, avec ses 45 milliards de barils, c'est la 6 ème réserve mondiale du monde, d'où l'empressement des Etats-unis à soutenir les combattants kurdes … brimés chez son allié turc !
Les monopoles allemands ne sont pas en reste. Ils lorgnent sur les réserves colossales de gaz (facilement extractibles et transportables via la Turquie au Kurdistan, près de 5,7 milliards de m3, ce qui en fait la 8 ème réserve du monde.
Pour l'Allemagne, le gaz kurde source d'approvisionnement alternative à la Russie, une façon de sortir de la dépendance russe pour le conflit qui vient.
En 2010, le monopole du gaz allemand RWE a signé un accord de coopération avec le gouvernement régional kurde pour extraire le gaz local
Gysi profite en réalité de chaque manœuvre militariste pour avancer ses pions, pour changer la ligne pacifiste de son parti et mesurer le rapport de force. Après une première tentative en avril sur un vote de soutien à manœuvre de l'armée allemande (avec les États-Unis) en Syrie, son coup se solde ici par un échec.
Certes, il a trouvé un point d'appui chez les « réformateurs » comme Jan Korte qui dans le « Mitteldeutschen Zeitung » estimait que « les considérations de Gysi sont justifiées (…) l'armée irakienne, les kurdes sont légitimes, donc on doit se poser la question de leur armement ».
Toutefois, ces positions ont rencontré un front d'opposants mêlant l'aile-gauche du parti menée par Sarah Wagenknecht, des députées engagées dans la lutte pour la paix comme Sevim Dagdelen, enfin des « centristes » du parti dont le président Bernd Reixinger, ou le responsable de la politique étrangère du parti, Jan van Aken.
Gysi revient : « en fait il faudrait interdire toutes les exportations d'armes » (mais comme on ne peut pas, autant en livrer en Irak !)
Cela a conduit Gysi à se désavouer de façon assez peu convaincante par ailleurs. On a même parlé de « tournant à 180 degrés », de « rétro-pédalage ». Dans la Rhein-Zeitung, ce 29 août, il change de ligne : « les rebelles ne manquent pas d'armes, ils ont besoin d'aide humanitaire ».
Une hypocrisie de plus au moment où le gouvernement allemand s'apprête – sous couvert d'aides humanitaires – à fournir des armes aux Pechmergas. Et Gysi de continuer à marteler la nécessité d'une implication allemande plus forte … par l'entremise de l'ONU naturellement.
Gysi a réaffirmé également dernièrement sa conviction qu'il faut « interdire toutes les exportations allemandes d'armes à l'étranger ». Une position de principe juste, mais qui sert à brouiller le front de lutte immédiat : le refus des exportations d'armes ici et maintenant en Irak.
Cette tactique, brillamment illustrée par son interview à « Taz » le 12 août n'est pas nouvelle chez Gysi : feindre une position gauchiste abstraite pour faire avancer une proposition réformiste concrète.
On se souvient qu'en 2009 il avait rassuré l'ambassadeur américain à Berlin lui avouant que le mot d'ordre maximaliste qu'il propageait dans Linke sur l'OTAN (« Dissolution de l'OTAN ») était inoffensif par rapport au mot d'ordre offensif et possible : « Retrait de l'Allemagne de l'OTAN ».
On ne présente plus sa prise de position frappante lors des commémorations du 60 ème anniversaire de l'Etat d'Israel, en 2008 quand il déclara que : « l'anti-sionisme n'est plus, au XXI ème siècle, une position défendable pour un parti de gauche ».
En cela, nous partageons pleinement la position exprimée par le Parti communiste allemand (DKP) qui affirme un clair « Pas en notre nom ! » :
« En tant que communistes, nous disons non à toute agression impérialiste (…) une aide militaire par les puissances impérialistes ne peut que conduire à l'escalade du conflit.
Que les exportations d'armes cessent maintenant, exigeons la fin des missions allemandes à l'étranger tout en réclamant la reconnaissance du droit à l'auto-détermination du peuple kurde ».
Nous suivons avec beaucoup d'inquiétude la droitisation du parti « Die linke » – malgré certaines résistances allemandes –, et lançons un appel à la vigilance à ne pas suivre cet exemple régulièrement avancé en France par ceux qui veulent transformer le « Parti communiste » révolutionnaire en un « mouvement de gauche » inoffensif pour l'ordre établi.
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