Le Liban : Entre le marteau des menaces israéliennes et l’enclume de l’immixtion étasunienne, extrait du bulletin mensuel du PC Libanais
16 mai 2010 Le Liban : Entre le marteau des menaces israéliennes et l’enclume de l’immixtion étasunienne
Extrait du bulletin mensuel du Parti Communiste Libanais (Intégralité du bulletin sur le site du PC Libanais: http://test1.lcparty.org/
A la lumière de ce qui vient d’être dit et par suite de l’importance des facteurs régionaux, négatifs en général, dans la situation libanaise, le Liban vit dans une tension extrême due, en particulier, aux menaces israéliennes envenimées par l’immixtion de Washington dans les affaires intérieures du pays. Ajouter à cela le fait que les élections municipales, basées sur les mêmes principes qui avaient régi les législatives, il y a moins d’un an, vont produire de nouvelles divisions confessionnelles dans plus d’une ville libanaise.
1.L’escalade israélienne
La nouvelle escalade israélienne part de deux faits essentiels. Le premier est que les Etats-Unis ont besoin de l’Iran pour résoudre certains problèmes auxquels ils font face tant en Irak qu’en Afghanistan ; ce qui pousse à dire que l’enrichissement de l’uranium ne constitue ni le seul point de litige entre ces deux pays, ni, d’ailleurs, le point le plus important. Le second réside dans la volonté des chefs de guerre israéliens, tant au gouvernement que dans l’armée, de se venger de la défaite cuisante qui leur fut infligée par la Résistance en 2006.
Cette escalade se manifeste de différentes manières :
.La violation du territoire libanais dans la région de Abbassieh.
.Les bombes éclairantes tirées au-dessus de la région frontalière.
.Le survol, presque quotidien, du territoire libanais par l’aviation militaire israélienne.
Cependant, le fait le plus marquant de cette nouvelle escalade reste sans conteste la campagne menée, en même temps, par Tel Aviv et Washington à propos des soi-disant « nouveaux missiles SKUD » fournis par la Syrie (et l’Iran) au Hezbollah…
La campagne, en plus des objectifs politiques régionaux déjà cités, est en relation directe avec la découverte de nouveaux nids d’espions israéliens au Liban. Elle fut nourrie et dirigée par des journaux britanniques (Sunday times) et Koweitiens (Al Raii) ; le premier publia, au milieu du mois d’avril, des interviews avec des responsables israéliens menaçant la Syrie et le Liban de les « ramener à l’âge de pierre » et de « bombarder les stations d’énergie électrique, les tankers de carburant ainsi que les infrastructures stratégiques ».
Cependant, ce qui attire le plus l’attention dans cette campagne, c’est qu’elle provoqua au Liban le retour à la rengaine des armes du Hezbollah ; le dossier de ces armes fut même évoqué durant la réunion de la « Table du dialogue national » par certains ex amis d’Israël qui, se basant sur les menaces israéliennes, poussèrent le holà que le Hezbollah allait, comme en 2006, mener le Liban à la destruction ; ce qui nous pousse à rétorquer que ce ne sont pas les armes du Hezbollah et, avant lui, de la Résistance patriotique libanaise (communiste) qui furent à la base des agressions israéliennes contre le Liban, parce qu’en 1948, il n’y avait pas encore de mouvement de résistance et Israël avait perpétré le massacre du village de Houla (sur la frontière sud), pris les terres appartenant à 7 villages frontaliers après avoir chassé leurs habitants.
Et, si les déclarations de certains responsables israéliens ont essayé, vers la fin du mois d’avril, de minimiser les possibilités d’une nouvelle escalade, il n’en reste pas moins que les manœuvres sur les frontières avec le Liban se font de plus en plus fréquentes et les préparatifs à une guerre possible de plus en plus clairs. Et, si nous ajoutons à cette escalade les problèmes économiques et militaires dans lesquels Washington s’enlise de plus en plus, nous ne pouvons que nous poser les deux questions suivantes : les Etats-Unis tentent-ils d’ouvrir un nouveau front au Moyen Orient dans le but de détourner l’opinion de la crise économique ? Vont-ils, pour cela, recourir une fois de plus à une agression israélienne de grande envergure afin de reprendre en main toutes les ficelles, celles qu’ils ont perdues en Irak ou celles qu’ils veulent prendre à l’Iran, sans oublier la nécessité pour eux d’empêcher la Syrie de poursuivre la tentativ e de rapprochement entre l’Iran et la Turquie ?
2.L’immixtion flagrante des Etats-Unis
Ces deux questions démontrent que les Etats-Unis se cachent, généralement, derrière les motifs israéliens pour faire leur propre guerre contre le Liban et les autres pays arabes. Ce sont les Etats-Unis qui, en 1982 et 2006, ont dirigé l’agression israélienne contre le Liban ; ils ont fourni toujours à Israël ce dont il avait besoin pour garder sa supériorité militaire. D’ailleurs, l’ambassadrice des Etats-Unis au Liban mène une campagne active dans le but d’appliquer la clause contenue dans la résolution 1559 et concernant les armes de la Résistance nationale libanaise ;
Nous n’oublions pas, à ce propos, les déclarations « guerrières » de Hilary Clinton et ses mises en garde à la Syrie et à l’Iran contre « les conséquences négatives pouvant découler d’un changement dans l’équilibre des forces » entre le Hezbollah et Israël ! A cela, il faut ajouter les affirmations concernant l’engagement pris par Washington de préserver la sécurité de Tel Aviv, mais aussi les tentatives de voir de plus près la situation sur les frontières syro-libanaises : à cet égard, une délégation militaire étasunienne s’est « infiltré » sans permis du gouvernement libanais dans la zone frontalière de Masnaa.
Quant à l’ONU et à ses Forces intérimaires (FINUL), elles subissent des pressions de plus en plus fortes afin de se détourner de ce qui se passe du côté israélien et d’oublier les violations terrestres et aériennes contre le Liban, tandis que les porte-parole des Nations Unies insistent sur la configuration des frontières avec la Syrie et oublient que la « ligne bleue » n’est pas la frontière réelle entre le Liban et Israël, puisqu’il y a toujours le problème des fermes de Chebaa et des hauteurs de Kfarchouba, sans oublier le problème du vol de l’eau des fleuves frontaliers libanais au vu et au su des soldats de la FINUL.
Enfin, et en plus de ce qui a été dit, il est nécessaire d’attirer l’attention sur le rôle joué sans répit par l’ex ambassadeur étasunien Jeffrey Feltman, devenu l’adjoint de la ministre des Affaires étrangères Hilary Clinton, dans l’accord, dit « de sécurité » et dévoilé dernièrement, qui donne aux Etats-Unis le « droit » d’écoute de toutes les communications, téléphoniques et autres, partant du Liban ou que ce pays reçoit…
3.Les élections municipales
Les élections municipales durent tout le mois de mai et se font, comme le mentionne le bulletin précédent, suivant une loi arriérée que toutes les factions de la bourgeoisie au pouvoir a défendue afin de se partager, là aussi et à la suite des législatives de 2009, le gâteau et de garder leur hégémonie.
Le meilleur qualificatif que l’on peut donner à ces élections est qu’elles sont « surréalistes » : dans certaines villes, des ententes se sont formées entre le Hezbollah (proche de l’Iran), les Forces libanaises (proches des Etats-Unis et d’Israël) et le Courant patriotique libre de Michel Aoun) ; sans oublier les mariages électoraux entre le Courant du « Futur » (formé par le président du conseil Hariri et proche de l’Arabie saoudite) avec le Hezbollah, le mouvement AMAL, ou ceux faits entre le Parti socialiste (Walid Joumblatt) et le Parti nationaliste syrien (proche de la Syrie)…
Quant aux forces de gauche, y compris les Communistes, elles ont focalisé leur action sur ce qui suit :
.Insister sur l’importance de la décentralisation et du développement équilibré entre les régions, surtout le Sud où il ne peut y avoir de véritable résistance à l’ennemi israélien sans appui donné aux revendications populaires dans cette région.
.Donner la priorité aux « mains propres » dans le choix des candidats.
.Donner de l’importance à la mise en place d’un plan visant le changement de la loi dans un sens plus démocratique, notamment en ce qui concerne la représentation des jeunes au sein des conseils municipaux.
.Œuvrer pour la mise en exécution de la décentralisation administrative et économique.
4.La crise socio-économique
L’étude de la situation socio-économique sera centrée sur les indices publiés durant le mois d’avril et tournant autour de quatre points :
4.a. Les impôts indirects
Les dernières statistiques disent que les rentrées des impôts et des taxes sur les salaires (2,76%) constituent la moitié de ce que paient les banques, les sociétés d’assurance et les grandes sociétés étrangères (5,75%). En d’autres termes, les taxes sur la consommation, dont la TVA (22,7% des rentrées de l’Etat), sont payées par les seules masses populaires, tandis que les banques et les grandes sociétés en sont exemptées.
Voilà pourquoi, dans son communiqué adressé à la classe ouvrière libanaise, le Parti Communiste libanais a réaffirmé que les revendications des Communistes, à savoir la réforme du système des impôts et le renforcement de la croissance, doivent avoir la priorité dans les luttes à venir. De plus, il a insisté sur la nécessité d’augmenter l’impôt sur les fortunes et sur les salaires élevés, sans oublier la majoration du SMIG à un million de livres (500 euros) comme premier pas vers la correction des inégalités sur ce plan.
4.b. corruption
Les scandales sur ce point sont de plus en plus nombreux, depuis celui du sésame avarié jusqu’à celui des médicaments, en passant par les cargaisons de blé et de maïs avariées… Et ceci n’est pas étrange, vu qu’un gouvernement corrompu ne peut que produire de la corruption. C’est pourquoi le PCL insiste sur l’importance primordiale de voter une loi sur l’alimentation permettant la formation d’un organisme national indépendant qui garantirait un minimum de sécurité dans ce domaine et, aussi, la possibilité de poursuivre en justice les responsables des actes nuisant à la santé des Libanais.
4.c. valeur des bons de trésor et la dette publique
La valeur des bons de trésor, mis en circulation jusqu’à la fin de 2009, a atteint les 70 400 milliards de livres libanaises (soit 46,7 milliards de dollars). Ils se divisent en des bons en livres libanaises, atteignant 43758 milliards (soit 62% de la valeur globale), et d’autres en monnaies étrangères, atteignant 17 milliards et 700 millions de dollars (38%).
L’échéance des bons en livres libanaises se répartissent sur la période 2010-2014 (5 ans), tandis que la dette en monnaies étrangères est retardée jusqu’en 2024. Il faut dire que la valeur de la dette, telle qu’elle est publiée, ne prend pas en considération les intérêts, parce qu’alors la dette s’élèvera à 44577 milliards de livres, plus 18 milliards de dollars.
Ces bons sont répartis entre deux parties essentielles : la Banque du Liban (Banque centrale) et les banques libanaises qui en détiennent 62,2%. Ainsi, le peuple sue sang et eau pour payer des impôts de plus en plus élevés, qui vont dans les poches des riches, en particulier les propriétaires des banques et ceux qui les protègent dans les hautes sphères du système confessionnaliste libanais.
Il faudra ajouter que l’ensemble des intérêts payés en ce qui concerne la dette publique a atteint en vingt ans, entre 1993 et 2009, 65636 milliards de livres, c’est-à-dire la valeur de 85,2% de la dette publique contractée. Le gouvernement se prépare à mettre en circulation de nouveaux bons de trésor ; les banques vont les rafler , comme d’habitude, et gagner des sommes mirobolantes, au dépens de la classe ouvrière et des salariés.
4.d.Le Budget de 2010-05-15
Après un retard de plus de deux mois et demi sur la date maximale proposée par le nouveau gouvernement pour présenter le projet de son Budget, la ministre des finances a envoyé ce projet devant le parlement.
Le titre général de ce projet est qu’il ouvre, large, la voie devant les privatisations.
Il paraît que les représentant de la grande bourgeoisie se sont entendus entre eux pour faciliter le vote de ce Budget, tout en y supprimant temporairement et jusqu’à l’an prochain, la majoration (à 12%, puis à 15%) de la TVA. Cependant, ils ont tous convenu de mettre en exécution les projets de privatisation des services publics, sans pour autant préciser ni les aspects de ces privatisations, ni leur impact sur le projet du Budget en tant que tel ; ce qui fut seulement dit, c’est que les dépenses prévues s’élèveraient à 2816 milliards de livres, chiffre qui ne manquerait pas de poser, selon l’équipe du président du Conseil Saad Hariri, la nécessité de choisir entre l’augmentation de la TVA ou les privatisations.
Ces faits posent un grand nombre de points d’interrogation en ce qui concerne les objectifs réels derrière la proposition d’augmenter la TVA, rapidement remplacée par celle concernant les privatisations.
Il est possible que, pour l’équipe du gouvernement, ces privatisations soient la seule issue possible à « la crise » du surplus de liquidités en livres libanaises et dont le montant serait de 13 milliards de dollars accumulés dans les caisses des banques. D’ailleurs, une autre question se pose : pourquoi privatiser maintenant, surtout que les intérêts de la dette publique passibles d’être réclamées en 2010 s’élève à 453 milliards de livres seulement (quelques 3 milliards de dollars) ?
Le Comité des relations internationales du Parti Communiste libanais
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