Succès de la grève des métallurgistes en Italie: 250 000 manifestants défilent à l'appel de la CGIL-FIOM contre les accords séparés et les licenciements
12 oct. 2009 Succès de la grève des métallurgistes en Italie: 250 000 manifestants défilent à l'appel de la CGIL-FIOM contre les accords séparés et les licenciements
Introduction et Traduction d'AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
La colère monte en Italie.
La grande manifestation des métallurgistes organisée le 9 octobre par la CGIL et sa branche métallurgie, la FIOM (sur des positions de lutte de classe plus affirmées que sa maison-mère) a été un franc succès: 250 000 manifestants réunis en 5 cortèges – 100 000 à Milan, 70 000 à Florence, 50 000 à Naples, 30 000 à Rome et 10 000 à Palerme – et des taux de grévistes estimés par la FIOM à plus de 70%. La raison majeure de cette mobilisation est la menace d'accord séparé sur la re-négociation des conventions collectives que vont signer prochainement les deux syndicats minoritaires et réformistes que sont la Fim (dépendant de la Cisl – syndicat chrétien-démocrate) et l'Uilm (dépendant de l'Uil – syndicat social-démocrate). La pratique des accords séparés vise à court-circuiter le syndicat majoritaire et de classe qu'est la CGIL-FIOM en laissant le patron (ou la fédération patronale qu'est la Federmeccanica) choisir pour les salariés les syndicats qui les représentent. La CGIL-FIOM conteste un déni de démocratie, elle exige que l'on mette des pratiques d'accords séparés, et que la question des conventions collectives soient traités avec les organisations réellement représentatives des travailleurs. Dans l'appel à la grève, la CGIL-FIOM lie la question du refus de l'accord séparé à la défense de l'emploi et à la lutte contre la crise qui doit reposer sur l'extension des « amortisseurs sociaux » et plus largement sur une politique de relance industrielle.
Toutefois, l'élément marquant de cette journée du 9 octobre restera la rencontre des métallurgistes et des étudiants dans la rue. Les débuts d'une convergence des luttes. Selon les syndicats étudiants, 150 000 étudiants ont défilé dans 60 villes, remettant en cause l'école à deux vitesses et la privatisation de fait du système éducatif italien contenue dans la réforme Gelmini. Si on ajoute à ces manifestations du 9 octobre, la manifestation géante bien que symbolique à Rome pour la défense de la liberté de presse qui a réuni 350 000 manifestants au début du mois, au moment même où Berlusconi tente le coup de force par des attaques réitérées contre les pouvoirs constitutionnels (Présidence de la République, Cour Constitutionnelle), on se pose la question, que manque-t-il à ces luttes?
On peut entrevoir la réponse dans cet article d'une maladresse sans doute volontaire, hélas, avec sa désorganisation structurée et son sens du détail qui occulte le fond: le manque de perspective politique, le jeu des combinaisons politiciennes qui n'offrent qu'une impasse à ces luttes qui pourtant portent en elles une conscience politique – lutte contre les privatisations, pour la sécurité sociale, pour les services publics, pour une politique de relance industrielle, défense des libertés – bien supérieure à celle des politiciens italiens; entre un PD collaborationniste (comme dans les débats sur le bouclier fiscal où une cinquantaine de députés a préféré ne pas assister au débat pour ne pas voter pour sans doute!), des communistes en dehors, à côté ou derrière les luttes mais jamais dedans (hélas, ce n'est pas qu'une question de capacité mais aussi une question de volonté – l'unité de la gauche dans les institutions plutôt que l'unité des travailleurs dans les luttes) et un Di Pietro, dans un rôle de justicier de droite, qui incarne une opposition résolue mais bien arrangeante pour le pouvoir en place.
Chez les communistes italiens, au sein du PdCI et du PRC, où les débats actuels se focalisent sur la naissance d'une « Fédération de Gauche d'alternative », sorte d'Izquierda Unida à l'italienne, aux penchants électoralistes et institutionnalistes, la question devrait se poser en ces termes: comment reconstruire l'organisation communiste sur les lieux de travail pour impulser et animer les luttes? C'est à ce prix que les communistes parviendront à survivre et que les luttes pourront triompher.
AC
« Ils auront affaire à nous »
de Manuela Cartosio à Milan, pour Il Manifesto du 9 octobre
« Nous donnons un conseil au président du conseil », lance Gianni Rinaldini alors qu'il arrive à la fin de son discours sur la Place du Dôme. En contrebas de l'estrade, quelqu'un le devance et crie « retourne chez toi » et « en prison » à l'adresse de Berlusconi. La foule ne reprend pas le mot d'ordre et le secrétaire de la FIOM-CGIL poursuit avec son conseil au chef du gouvernement qui « souffre de cette maladie infantile qui est de voir des complots partout »: « Ne touche pas à la Constitution et à l'équilibre des pouvoirs ».
Les cent mille travailleurs (selon la FIOM) qui ont parcouru Milan hier sous la pluie n'aiment pas Berlusconi, c'est sûr, mais ils l'ont quasiment ignoré. Leur réaction a été, peut-être, avant tout défensive. Snobés par les médias, ils n'ont pas voulu que Silvio envahisse également leur journée de grève. Ils ont tenu la barre sur le fond: sur la crise, avant tout, qui fait fermer les usines et qui mordra encore pour qui sait combien de mois encore. Ensuite sur l'accord séparé sur la re-négociation des conventions collectives, que la Fim et l'Uilm se prépare à signer en conformité avec les nouvelles règles qui réduisent à néant, « maintenant et à l'avenir », la démocratie sur les lieux de travail et l'autonomie du syndicat.
Ainsi le cinglant « Berlusconi gigolo » qui sort du mégaphone du cortège de la Whirpool (Varese) fait tâche. « Mais nous avons aussi un slogan plus sérieux », affirme presque en s'excusant le délégué: « Démocratie, travail, liberté. Que des valeurs étrangères à Berlusconi ». Pour information, à la Whirpool « le taux de grévistes est de 90% ».
Que cela ait été une grève difficile, personne ne le nie. « Dur de demander à ceux qui seront au chômage le lundi de faire grève le vendredi », confie Beppe Severgnini, qui suit les entreprises du groupe Brembo du patron Bombassei. « Mais les gens apprécient la différence entre une organisation qui fait voter les plates-formes et les accords et les autres qui considèrent la démocratie comme une option ». De Bergame sont arrivés dix bus, avec à bord de nombreux ouvriers de la Tenaris Dalmine [fabrication de tubes d'aciers]où le licenciement d'un millier de travailleurs est dans les cartons. « Dans les assemblées – raconte le secrétariat de la FIOM Mirco Rota – la préoccupation majeure est celle de l'emploi. Ensuite vient la question des conventions collectives ». Et la politique? « On n'en parle pas ».
Nous essayons d'en parler. Nous nous heurtons à Gianni, de l'usine Olmi [fabrication de machines agricoles] de Siusio. Il est très pessimiste: « Nous ferions cent élections, Berlusconi en gagnerait cent ». Les ouvriers de l'usine Lafert [fabrication de moteurs] de San Donà del Piave s'impatientent: « Tu nous demandes pourquoi nous ne parlons pas de Berlusconi? C'est à nous de demander pourquoi la gauche, en particulier le PD, ne parle pas de notre convention collective, de notre avenir. Qui nous représente? Personne. C'est le manque d'opposition qui permet à Berlusconi de se maintenir ». Abandonnés par la politique, avec l'accord séparé qui pointe son nez, les ouvriers de l'usine Lafert ne désespèrent pas toutefois: « Dans notre entreprise à la table des négociations ils auront affaire à nous, nous sommes la majorité ». La Fim, le référendum l'a fait seulement parmi ses 15 inscrits, « ils n'ont même pas mis le résultat sur le tableau d'affichage, et c'est cela qu'ils appellent démocratie ». Giuseppe raconte qu'à la Fomas [fabrication de machines-outils] de Lecco un tiers des inscrits à la Fim « ont rendu leur carte et sont passés avec nous », une raison de plus pour dire que la grève a été « une grande réussite ». Les ouvriers de la Fomas défilent vêtus comme des enfants de choeur, ils participent à « l'enterrement de Mme. Démocratie, dont la triste annonce est revenue à la Cisl et l'Uil, ceux qui lui ont porté le coup de grâce ». Plus tard, sur l'estrade, un délégué venu du Trentino étiquettera la Cisl et l'Uil de « fossoyeurs ». Un délégué venu de Carraro, de son côté, a taillé un costume à ces parlementaires du Pd qui « en se défilant lâchement » ne sont pas allés voter contre le bouclier fiscal.
Paolo Nerozzi, l'ancien secrétaire de la Cgil, était le seul représentant du PD de niveau national présent au cortège de hier. Pour la gauche radicale, il y avait Ferrero et Ferrando. Il y avait, annoncé massivement, Antonio Di Pietro avec la casquette rouge de la Fiom sur la tête. « Le gouvernement est confronté à la vraie crise, pas sa crise existentielle », a déclaré le leader de l'Italie des Valeurs. Di Pietro a recueilli des soutiens et des compliments plus des passants que des manifestants. Saisie au vol, la petite leçon que donne une étudiante des médias à trois adolescents boutonneux: « Di Pietro est de droite, mais il est anti-berlusconien ».
A la tête du cortège, on retrouvait les banderoles de l'INNSE (« Nous sommes ici pour montrer que la lutte paie ») et des autres entreprises milanaises mobilisées contre les fermetures d'entreprises et les licenciements. Des précaires de l'enseignement et des étudiants se sont joints au métallurgistes. Les collectifs étudiants - « Ils nous veulent ignorants, ils auront des rebelles » - sont partis de la Place du Dôme pour se rendre au Rectorat, où ils sont mis en « état de siège » les politiques et les coupes de la ministre Gelmini.
Gianni Rinaldini a terminé la manifestation en renouvelant l'appel « Arrêtez-vous! » à la Fim, l'Uilm et la Federmeccanica. Il sait qu'ils ne s'arrêteront pas et annonce donc: « Nous passeront outre leurs règles ».
Site de Il Manifesto: http://www.ilmanifesto.it/
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