XIX ème Congrès du PC espagnol : la position de rupture avec l'UE et l'Euro avance … non sans contradictions !
18 nov. 2013 XIX ème Congrès du PC espagnol : la position de rupture avec l'UE et l'Euro avance … non sans contradictions !
Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
Du 15 au 17 novembre avait lieu le XIX ème Congrès du Parti communiste espagnol (PCE). Avec comme thème central, la position du parti sur l'intégration européenne et la question de la sortie de l'Euro.
C'est le débat qui anime les partis communistes d'Europe, il traverse le PCE comme il traverse une société espagnole de plus en plus hostile à une Union européenne et un Euro qui contribue à l'appauvrissement des Espagnols.
Le PCE, partie prenante d'Izquierda Unida (IU) et à travers elle, du Parti de la gauche européenne (PGE) connaît depuis plusieurs semaines un débat animé, entre partisans de la « réforme » de l'UE et de l'Euro et adeptes de la « rupture » avec l'intégration européenne.
Dans la lignée de la dernière Conférence nationale d'IU en décembre 2012, puis de la Conférence sur l'Union européenne organisée par IU en juin dernier, la direction du PCE a proposé des « thèses politiques », très critiques envers l'UE et l'Euro, mais toujours euro-compatibles.
Une ligne de « refondation » de l'UE défendue par Izquierda unida, relayée par la direction du PCE
En effet, le document avance l'idée que « la situation actuelle révèle la véritable nature de la construction européenne depuis les années 1950, accélérée par Maastricht ».
Sur l'Euro, le document du PCE analyse bien ses conséquences : pression à la modération salariale, alliance du bloc dominant espagnol avec le capital financier européen, spécialisation productive inégale, contrôle des budgets par des institutions supra-nationales sans contrôle des peuples.
Pourtant, les ambiguïtés subsistent. Abondent les références à l'absence d'une « union fiscale européenne » (est-elle souhaitée, déplorée?) à l'origine de cet « échec » et était rejetée de façon claire l'idée de « sortie unilatérale de l'Euro » perçue comme non-viable économiquement.
Finalement, le document reprenait finement le programme du PGE : audit et négociation sur la dette d'un côté, refondation de l'Union européenne de l'autre.
« Rupture » avec l'UE et l'Euro ou « refondation » de l'Europe : la vraie alternative
Or, ce programme a été vivement débattu ce week-end. Les débats du samedi tournant exclusivement autour de la question de la poursuite de l'intégration européenne ou de la rupture avec cette Union européenne et la monnaie unique, la seule alternative.
Des voix s'étaient élevées ces dernières semaines pour une « rupture » ou une « sortie » de la monnaie unique, elles venaient de l'ancien secrétaire charismatique d'IU Julio Anguita, de la Jeunesse communiste espagnole (UJCE) ou encore de fédérations, comme celle du Pays Valencien.
Même le secrétaire du PCE, José Luis Centella, avait dû admettre dans un entretien à Publico que : « le débat n'est pas oui ou non à l'Euro, le seul débat tourne autour de savoir comment on en finit avec l'Euro, car c'est un échec ».
De son côté, Izquierda Unida lors de sa conférence de juin sur l'Europe avait affirmé « défendre l'Euro dans une Union européenne refondée », insistant, selon les termes du député européen Willy Meyer sur la « démocratisation de la BCE » (sic).
Vers la rupture avec l'intégration européenne ? On avance
Cette position n'a pu être défendue jusqu'au bout pendant la conférence. Au contraire, sous l'impulsion du secrétaire de la Fédération d'Andalousie, José Manuel Mariscal, un amendement capital a été proposé et voté à une large majorité, avançant l'idée de rupture avec cette Europe.
Il fustige une « Union européenne, construction politique commune des classes dominantes européennes, un projet du capital contre son ennemi commun : les travailleurs (…) une union à caractère impérialiste subalterne à l'impérialisme nord-américain ».
Il analyse par ailleurs l'euro comme le « lubrifiant qui facilite la concurrence entre capitaux, entre travailleurs, conditions nécessaires à la reproduction du capital comme rapport social ».
Et enfin, il indique la perspective du PCE : « la seule alternative dans les intérêts du peuple, c'est la rupture stratégique tant de l'Union européenne que de l'Euro ».
Alors où est le problème … c'est Izquierda Unida !
A y regarder de plus près, la victoire autour de cet amendement « euro-critique » emmène quelques nuances, voire même de sérieuses inflexions.
Tout d'abord, l'amendement a permis de clore le débat dans le Congrès et de saper les conditions de tout débat démocratique et éventuellement toute contestation ultérieure, autour d'un amendement intégré à un texte de congrès bientôt remisé dans les cartons.
Le prochain débat a été renvoyé … à l'automne 2014, avec une Conférence économique sur l'UE bien après les échéances décisives pour IU et le PGE : les européennes de printemps 2014, et surtout le congrès du PGE qui a lieu à Madrid, en décembre prochain.
Ensuite, la position a été qualifiée de « compromis » par José Manuel Mariscal. Car non seulement elle évacue la question de la « sortie de l'Euro », mais surtout parce qu'elle pose la « rupture de l'UE et de l'Euro » et non « la rupture avec l'UE et l'Euro ».
Loin d'être un débat byzantin, chaque mot compte, dans son ambiguïté. La rupture avec l'Union européenne, l'Euro est un processus qui suppose la lutte contre l'intégration européenne. La rupture de l'UE et de l'Euro actuelle peut conduire à une refondation d'une autre Europe.
Ce dernier projet PGE-comptatible, c'est celui qu'on dessiné les économistes d'Izquierda Unida tel José Antonio Garcia Rubio qui a proposé à la conférence de juin d'IU une « autre Europe, avec une autre monnaie », comme alternative à la sortie de l'Euro.
José Manuel Mariscal, dans les explications qu'il donne à son amendement va dans ce sens, en posant « le contrôle sur le mouvement des capitaux » (à l'échelle européenne) comme préalable à l'abandon de l'Euro … il faudrait donc paradoxalement plus d'intégration européenne !
Enfin, c'est surtout sur la question organisationnelle que se pose le cœur du problème. Il y a quatre ans, le PCE était au bord de la liquidation intégrale, Izquierda Unida au bord de la disparition électorale.
Aujourd'hui, le PCE se reconstruit très lentement, après deux saignées de liquidation dans le projet IU qui conserve encore aujourd'hui toutes les compétences politiques, électorales et financières. Le PCE est toujours hélas réduit à l'état de coquille vide, malgré sa reconstruction.
Et maintenant, ce projet Izquierda Unida trouve mécaniquement un espace électoral – face au discrédit qui touche la droite et le PS – qui lui promet 10, 15, qui sait 20 % de voix. Rappelons que IU était à 3 % en 2008 !
Pour occuper cet espace, tout en suivant la ligne du PGE, Izquierda Unida doit finasser : jouer sur la colère populaire contre l'UE et l'Euro (d'où la critique plus aiguisée contre cette Europe et cette Euro), tout en canalisant vers une solution euro-compatible (« la refondation de l'Europe »).
De quoi avait besoin donc Izquierda Unida dans ce congrès du PCE ? D'abord qu'il n'y ait aucun remous d'ici les européennes, donc étouffer le débat sur la « sortie de l'Euro », animé par le leader historique Julio Anguita ou le nouveau responsable du Parti du Pays Valencien Javier Parra.
Et ensuite, de renforcer l'intégration de l'organisation satellite du PCE dans l'organisation centrale d'Izquierda Unida. Ainsi derrière les appels au « renforcement du Parti », le secrétaire-général du PCE Centella a aussi lancé un appel pour que « tous les communistes intègrent IU ».
Ainsi, Centella a considéré qu'il « fallait en finir de façon urgente avec le fait qu'il existe des militants du PCE qui restent en dehors d'IU ».
Plus que jamais, ce dont a besoin le peuple d'Espagne, ce n'est pas d'une vague « formation de gauche » attrape-tout électoral, fondant sa ligne sur ambiguïté permanente, mais bien d'un Parti communiste fort, sur des positions claires, de classe et de masse.
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