Les liens du clan Bolsonaro avec les milices

26 janvier 2019 (Traduction MR pour Solidarité Internationale PCF)

 

THE INTERCEPT BRASIL

Cecília Oliveira

Plus on en découvre, plus la proximité de la famille Bolsonaro avec les milices de Rio de Janeiro se confirme. Et cela va bien au-delà des médailles et des honneurs.


"Aujourd'hui c´est l´amour!" La scène de liesse du milicien Rocha lors d'un barbecue dans lequel il célèbre les quatre années du centre communautaire à "Rio das Rochas", dans le film Tropa de Elite 2, est un bon portrait de la réalité des milices à Rio de Janeiro. "Tout est à nous!" crie-t-il. Mais un jour la maison tombe. C'est ce qui s´est passé il y a peu, depuis que le ministère public et la police civile ont annoncé l'arrestation de cinq miliciens accusés d'avoir accaparé des terres dans la zone ouest de Rio de Janeiro. Ce n'était pas leur l'intention – mais, par ricochets, l'opération baptisée Intocáveis (les intouchables) a également permis de mettre la main sur deux des suspects de l'exécution de Marielle Franco et Anderson Gomes [assassinés le 14 mars 2018].

 

L'un d'entre eux, arrêté lors de l'opération, est le commandant de la police militaire Ronald Paulo Alves Pereira. Selon la police, il s'agit d'un extorqueur des quartiers de Vargem Grande et de Vargem Pequena et un chef de la milice de Muzema, dans le quartier d'Itanhangá - d'où est partie la voiture qui a été utilisé pour le meurtre de Marielle ranco. Le second est Adriano Magalhães da Nóbrega, chef de la milice de Rio das Pedras et ancien officier de police du bataillon des opérations spéciales (Bope), qui est aujourd´hui en fuite. Ejecté de la police militaire pour son implication dans l'un des principaux clans de la mafia des jeux d´argent à Rio, l'ancien capitaine s´est engagé dans la carrière de mercenaire, travaillant pour les mafias, les politiciens et tous ceux qui peuvent le payer grassement.

 

La participation de l'ancien cerveau du meurtre de l´ancienne conseillère municipale et de son chauffeur a été révélée par Intercept la semaine dernière. Au moins six témoins mentionnent cet ancien policier comme le meurtrier. Le choix de l'arme, l'utilisation de munitions à usage restreint et la compétence technique dans l'exécution du crime ont attiré l'attention dès le mois de mai dernier (2018) sur l´implication du Bope.

 

Dis-moi avec qui tu marches et je te dirai qui tu es.

 

En raison de son excellent "profil technique", Adriano Magalhães da Nóbrega a reçu la médaille Tiradentes en 2005, plus grande distinction législative de l´Etat de Rio de Janeiro, d´après la suggestion du député régional, désormais sénateur, Flávio Bolsonaro (PSL), le deuxième fils de Jair Bolsonaro. L'ancien crack a également reçu deux autres distinctions, en plus des louanges et des félicitations, pour ses services rendus à la société, et plus exactement pour avoir contribué "directement et indirectement à des actions visant à promouvoir la sécurité et la tranquillité de la société".

 

Flávio Bolsonaro a également décoré le commandant de la police militaire Ronald Paulo Alves Pereira, qui a reçu une mention honorable alors qu'il faisait déjà l'objet d'une enquête comme l´un des auteurs du massacre n 2003 de cinq jeunes dans la discothèque Via Show (Baixada Fluminense).

 

Les deux sont soupçonnés de faire partie du "Bureau du crime", un groupe d'extermination présumé responsable du meurtre de la conseillère municipale Marielle Franco. Quatre membres de la police militaire liés au groupe ont déjà été arrêtés. Pereira sera jugé le 10 avril 2019. Le groupe est, par ailleurs, également accusé d’extorsion de fonds auprès des résidents et des commerçants, et de versement de multiples pots-de-vin.

 

Selon le député, le groupe de miliciens arrêtés dans le cadre de l'opération « Intouchables » agissait dans la région de Rio das Pedras, zone ouest de Rio de Janeiro. Or c'est précisément là que Fabrício Queiroz, ancien policier militaire et ancien conseiller de Flávio Bolsonaro s'est caché après la révélation du scandale de son mouvement financier suspect.

L´autorité de contrôle des activités financières (Coaf) a détecté un mouvement de 7 millions R$, incompatible avec les revenus de l’ancien conseiller. L'argent a été déposé par d'autres conseillers de Flávio Bolsonaro et de son père, Jair Bolsonaro. La première dame, Michelle Bolsonaro, a même reçu un chèque de 24.000 R$ de la part de Queiroz. Flávio Bolsonaro lui-même, aurait reçu 48 dépôts douteux de 2.000 R$ chacun. La famille, cette base sacrée de la société morale qu´ils veulent pourtant ériger…

 

De fait, la préoccupation de Flávio Bolsonaro pour la famille est touchante. En plus de trouver un emploi à l'épouse et aux filles de Fabrício Queiroz - l'une d'elles en tant que conseiller fictif de son père -, il a également employé la mère et l'épouse de l'ex-Bope Adriano Nóbrega. Oui, le même qui fut indiqué comme l'un des potentiels assassins de Marielle Franco.

 

La mère de l'ancien officier de police, Raimunda Veras Magalhães, est également actionnaire d'un restaurant situé en face la Banco Itaú où 17 dépôts en espèces furent versés sur le compte de Queiroz. Elle est d´ailleurs citée dans les mouvements frauduleux détectés par le Coaf. Flávio Bolsonaro a déclaré qu´ « il n´en savait rien ». Pas même que ces derniers étaient ses propres employés. Flávio Bolsonaro a déclaré dans une note qu'il n´en savait rien et, pire, qu´il se sentait désormais persécuté. "Quant à la parentèle constatée de l´inculpé aujourd´hui en fuite, sa mère, je réaffirme qu'il s'agit d'une allégation irresponsable de ceux qui veulent me diffamer." Le sénateur élu s´est déchargé sur son ancien conseiller Queiroz, pointant sa responsabilité quant au choix de ses employés. Son ex-employé a accepté volontiers de porter cette responsabilité, envoyant même une note à la presse expliquant qu´il connaissait Adriano et qu´il était responsable d´avoir suggéré que ses proches pouvaient travailler pour Bolsonaro.

 

Divulgation

 

Flávio a récement posté sur Instagram une photo de lui avec son père, Jair Bolsonaro, ainsi que les policiers militaires Alan et Alex, faits prisonniers depuis après l'opération Quarto Elemento. Il est possible que Flávio Bolsonaro ne savait pas non plus que la fiche technique des deux policiers ayant participé à sa campagne ont été fait prisonniers à l´issue de cette opération, également commanditée par le ministère public voulant enquêter sur un escadron de policiers spécialisés en extorsion de fonds.

 

Il se peut aussi que Flávio Bolsonaro ne savait pas non plus que la milice de São Gonçalo, en accord avec la police militaire, avait organisé un des évènements de campagne du colonel Salema, son collègue de parti (PSL), depuis élu député fédéral avec quasiment 100.000 votes.

 

Il lui serait difficile de nier cette dernière chose car, en plus du fait que ces deux là ont fait campagne commune, Flávio Bolsonaro a déclarer à son propos: “un guerrier de plus dans notre camp!”. Le camp dont il parlait apparait maintenant plus clairement.

 

Le mécanisme

 

Pas peu fier d'être militariste, la dynastie Bolsonaro ne cache pas ses sympathies pour la milice, ces groupes paramilitaires formés par des ex-officiers de police, de la police militaire, des pompiers ou par des agents pénitentiaires, qui torturent, volent, trafiquent et dominent économiquement une grande partie de Rio de Janeiro.

 

Flávio Bolsonaro s´est déjà compromis législativement avec ces groupes paramilitaires. Au début de son deuxième mandat à l'Assemblée régionale de Rio en 2007, il a voté contre l'installation de la commission d´enquête parlementaire des milices (CPI), qui fut à l'ordre du jour après qu'un groupe de miliciens ait torturé pendant des heures une équipe de journalistes du journal O Dia. Sa raison? Les milices ne sont pas si terribles et les gens sont très heureux dans les zones dominées par les paramilitaires.

 

"Chaque fois que j'entends parler des personnes résidant dans ces communautés, supposées dominées par des milices, il n'est pas rare de constater leur bonheur maintenant qu´ils n´ont plus à se soumettre à l'esclavage, à une imposition odieuse de la part des trafiquants et qu´ils disposent, au moins, de cette garantie, de ce droit constitutionnel, qu´est la sécurité publique ", a-t-il déclaré à Alerj à l'époque.

 

À la maison, le groupe joue à ce rythme. En 27 ans de discours en tant que député à l`Assemblée Nationale, le père Jair Bolsonaro a constamment défendu les "bons" miliciens et les groupes d'extermination. En 2003, pour la première fois, il défendait les groupes d'extermination: "Tant que l'État n'aura pas le courage d'adopter la peine de mort, le crime d'extermination sera, à mon avis, le bienvenu. Si ce n´est pas possible à Bahia, vous pouvez toujours aller à Rio de Janeiro [il était député de Rio à l´époque]. Si cela ne dépendait que de moi, vous aurez tout mon soutien, car dans mon État, seules les innocents sont décimés."

 

Critiquant le rapport final du CPI sur les milices en 2008, Bolsonaro a déclaré qu'"on ne  peut pas généraliser" lorsqu'on parle des miliciens. À l'époque, le CPI avait demandé l´inculpation de 266 personnes, dont sept responsables politiques soupçonnées de liens avec des groupes paramilitaires à Rio de Janeiro. "Ils veulent attaquer le milicien, qui est devenu le symbole de la malveillance, pire que les trafiquants. Mais le petit milicien lambda n'a rien à voir avec le trafiquant du coin. Comme il gagne 850 reais par mois, soit le salaire d'un soldat de la police militaire ou d'un pompier, et qu'il possède son propre pistolet, il est naturellement conduit à organiser la sécurité de sa communauté. Il n´a rien à voir avec la Milice. Donc, Monsieur le Président, nous ne pouvons pas généraliser. »

 

Lors de la campagne électorale de 2018, alors que son appréciation positive des milices lui fut rappelé, Bolsonaro a fait l´autruche et a déclaré qu’il n´était pas intéressé par le sujet. « Plus personne ne soutient aujourd´hui la milice. Et je ne suis plus intéressé à en discuter ».

 

Jair Bolsonaro, rappelons-le, a été le seul candidat à la présidence à ne pas se prononcer sur le meurtre de Marielle Franco et Anderson Gomes. Et Flávio Bolsonaro était le seul député qui a voté contre la remise de médaille Tiradentes à la conseillère assassinée en guise d´hommage à titre posthume.

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