13870761235_a0b9e04cb5_o.jpgGrève massive en Chine : 40 000 ouvriers paralysent la plus grande usine de chaussures au monde, fournisseur d'Adidas et Nike

 

 

Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

 

Qui a dit que rien ne bougeait en Chine ? Depuis plusieurs mois une vague de grèves remet en cause la toute-puissance des multi-nationales, rendue possible par la connivence du gouvernement, et permet d'arracher certains droits, certaines revalorisations salariales.

 

Ce mercredi 16 avril, on attaque le troisième jour de grève dans les usines du groupe taiwanais « Yue Yuen » à Dongguan, dans la province de Guangdong, dans le sud-ouest de la Chine, aux portes de Hong-Kong.

 

Ce sont d'abord 10 000 salariés le lundi, puis plus de 40 000 ouvriers répartis sur les six sites du groupe qui ont arrêté le travail, dans ce qui constitue peut-être la plus grande grève de ces dernières années sur le territoire chinois.

 

La grève s'est accompagnée de sit-in, de manifestations aux abords des sites de production, la principale mobilisant lundi plusieurs milliers de salariés. La police a alors répondu par un assaut, et l'incarcération de ceux qui portaient des banderoles et pancartes de protestation.

 

Les ouvriers de « Yue Yuen » avaient déjà lancé une journée de grève le 5 avril dernier. Ils exigent le paiement d'arriérés de cotisations sociales patronales et donc de prestations sociales, ainsi que les subventions-logement auxquels ils ont droit selon la loi chinoise.

 

Or, l'entreprise taiwanaiseet les autorités publiques chinoises – locales ou nationales – se sont entendues pour dissimuler à une partie des travailleurs migrants leur droit à l'adhésion à un système de sécurité sociale, tandis que la majorité a bénéficié de taux de cotisations sensiblement inférieurs à la norme, profitant de l'opacité du système de protection sociale.

 

Le scandale a éclaté lorsqu'un salarié de l'entreprise, après 18 ans de service dans la boîte, s'est retrouvé avec une pension d'un niveau ridiculement bas. Selon certaines estimations, l'entreprise aurait en moyenne évité de payer les cotisations dues de 20 € (200 yuan) par mois depuis deux décennies.

 

« Yue Yuen » n'est pas n'importe quelle entreprise, elle se définit elle-même comme le « plus grand producteur de chaussures » du monde avec 300 millions d'unités à l'année, l'entreprise étant le fournisseur privilégié d'Adidas, Nike, Reebok, Asics, Converse ou encore Timberland.

 

Le principal site se trouve en Chine, mais l'entreprise a également d'autres lieux de production, Indonésie, Vietnam et même Mexique.

 

Des grèves dans tous les secteurs en Chine …

la classe ouvrière s'organise, les multi-nationales contraintes de reculer !

 

Il serait fastidieux de citer tous les cas de mouvements de grèves qui ont touché la Chine ces derniers mois. Selon le China Labour Bulletin, la Chine aurait connu 1 171 grèves entre juin 2011 et décembre 2013.

 

Sur les trois premiers mois de 2014, on compte déjà 202 mouvements de grève, 31 % de plus que l'an passé, dont 119 pour le seul mois de mars.

 

Des grèves concentrées pour 40 % dans l'industrie, et à plus de 60 % dans la province de Guangdong (Canton), où se trouve notamment la Zone économique spéciale (ZES) de Shenzhen. Les secteurs des transports, de la santé et de l'éducation ont également été touchés.

 

Parmi les entreprises concernées durant ces derniers mois par ces mobilisations, on retrouve quelques-unes des principales multi-nationales : Samsung, IBM, Wal-Mart, Nokia.

 

Dans ces mouvements de grève qui ont impliqué à chaque fois plusieurs milliers de travailleurs, on trouve les mêmes revendications : hausse des salaires mais aussi bataille pour les droits à la Sécurité sociale, le paiement des arriérés, pour garder les emplois, pour faire respecter leurs droits.

 

Toujours, selon le China Labour Bulletin, un tiers des grèves dans le secteur industriel ont trait au paiement d'arriérés de salaire, un quart au maintien d'emplois et à l'obtention d'indemnités en cas de plan social – ce qui révèle l'ampleur du phénomène de fermeture/relocalisation d'usines en Chine – et moins d'un dixième portent spécifiquement sur des hausses de salaire.

 

Des mouvements de grève avaient déjà frappé le secteur du textile, de la production de chaussures avec le mouvement dans l'usine de Ciyu, dans la ville de Shenzhen.

 

Ciyu fournit les marques américaines New Balance et Crocs. Lors d'un changement de donneur d'ordres, le salaire des ouvriers avait été brusquement divisé par deux en mars – passant de 600 à 300 $ – provoquant une grève de trois jours pour réclamer le maintien des salaires.

 

Les ouvriers sont soumis à des procédures d'intimidation, de division entre les salariés comme chez Wal-Mart qui a prévu de supprimer 20 de ses grands magasins en Chine, dont celui de Changde (province de Hunan, au sud-est du pays) occupé depuis un mois par une centaine de salariés.

 

A l'annonce du plan de licenciement le 4 mars, la direction laisse deux semaines aux salariés pour accepter le plan avec proposition de « mutation interne » sachant qu'il n'y a aucun Wal-Mart à moins de 150 km. Une proposition bien entendue refusée par les salariés.

 

Dès lors, la direction tente de déloger par la force les occupants, propose à certains de les acheter en leur proposant des primes de licenciement, mais les travailleurs tiennent bon unis derrière une structure syndicale forte.

 

La lutte a payé, elle a déjà fait reculer les multi-nationales. Ce fut le cas chez Samsung, réputée pour ses pratiques anti-syndicales.

 

Une grève a commencé le 27 mars, touchant d'abord les chaînes d'assemblage où les ouvriers sont soumis à des cadences inhumaines (4 secondes pour assembler un portable, 10 h par jour, 6 jours sur 7), elle s'est étendue à tous les départements après l'annonce de la décision de l'entreprise sud-coréenne de déduire les cotisations sociales patronales du salaire des travailleurs.

 

Finalement, face à l'ampleur d'un mouvement qui a uni les 5 000 salariés du site de Dongguan, toujours dans la province de Guangdong, la direction a reculé, acceptant de doubler les primes, de majorer le taux salarial des heures supplémentaires. Une victoire symbolique forte.

 

La Chine populaire … devenue paradis des milliardaires !

 

Pas facile de s'organiser dans un pays dirigé par un Parti communiste censé représenter les intérêts des ouvriers, des paysans, des salariés mais de plus en plus au service des grandes fortunes chinoises, et des multi-nationales.

 

La Chine est le pays où le développement des millionnaires et milliardaires est le plus spectaculaire. En dix ans, la Chine a vu son nombre de millionnaires multiplié par sept, passant de 147 000 en 2002 à 858 000 en 2012.

 

Le pays a vu son nombre de milliardaires doubler en deux ans, de 2010 à 2012, passant de 189 à 356, selon le classement chinois Hurun. La Chine est désormais le deuxième pays pour son nombre de milliardaires derrière les Etats-unis.

 

Plus frappant, le Congrès du peuple compte désormais 83 milliardaires, qui totalisent une fortune globale de 100 milliards de $, soit 15 fois plus que tous les membres du Congrès américain réunis !

 

Des milliardaires évidemment encartés au Parti communiste, tout comme un tiers des millionnaires qui ont leur carte au « parti des ouvriers et des paysans », au parti héritier de Mao.

 

Un tableau troublant, hélas confirmé par la répartition de la valeur ajoutée entre capital et travail, de plus en plus favorable au premier.

 

La part dévolue aux salaires est passée de 53 % en 1980 à 42 % en 2007, même si la courbe est depuis légèrement revenue à la hausse, effet des luttes menées par les travailleurs chinois essentiellement.

 

La Chine se caractérise également par des inégalités croissantes, entre riches et pauvres, espaces urbains et campagnes, capital et travail.

 

Même si la persistance d'une partie de l'héritage communiste, notamment certains filets de protection sociale, permet de les atténuer par rapport à certains autres pays dits « émergents », inscrits dans la trajectoire d'un système capitaliste permanent.

 

Ainsi, si ces grèves sont souvent déclenchées par le non-respect de la loi par ces entreprises, le paiement d'arriérés de cotisations sociales, la bataille pour des droits sociaux au logement ou à la santé, c'est souvent que ces droits existent en Chine, même si ils tombent en déshérence.

 

Les salaires qui sont l'objet d'âpres luttes entre employeurs et salariés se chiffrent souvent entre 200 et 600 $, là où au Bangladesh ou en Indonésie, les salaires tournent généralement autour du seuil de pauvreté absolue, soit 1 ou 2 $ par jour.

 

Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons qu'exprimer notre solidarité avec la lutte des ouvriers chinois dans l' « atelier du monde » : ce sont les chaussures qu'ils fabriquent que nous portons, à nous de les soutenir pour qu'ils obtiennent la juste rémunération de leur travail !

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