Ivan Melnikov sur les résultats des élections régionales en Russie

Ce 1er mars 2009, les électeurs étaient appelés à voter pour désigner leurs représentants locaux dans 79 « sujets de la Fédération de Russie ». Dans neuf régions, le Tatarstan, la République de Kabardino-Balkarie, la république de Karachaievo-Tcherkessie, la République de Khakassie, les provinces d'Arkhangelsk, de Bryansk, de Vladimir, de Volgograd et la province autonome de Nénétsie, ont eu lieu les élections aux assemblées législatives régionales. Le Parti communiste de la Fédération de Russie a pris part à toutes ces élections.
Voici l'analyse à chaud, le jour même, de la liste des fraudes constatées et des résultats obtenus par le vice-président du Parti communiste de la Fédération de Russie, et responsable du Parti pour les questions électorales, Ivan Melnikov.

(traduction pour vivelepcf : AC)

 

«Nous ne fermerons pas les yeux sur les fraudes»

« Les informations que nous avons reçues concernant des violations du Code électoral le jour du vote inscrivent cette élection dans la continuité des précédentes. Néanmoins, elle a présenté deux traits originaux. La propagande illégale, les tentatives de persuader les citoyens ou de les pousser à bien voter, a légèrement régressé. Par contre, les tentatives pour décider de l'issue du vote par des moyens techniques ont considérablement augmenté, sans qu'il soit fait directement appel au vote des électeurs. On parle de fraudes liées à l'émission de bulletins, à Saint-Petersbourg et au Tatarstan, à l'octroi de permissions pour aller voter, comme dans la région de Briansk. Mais, l'essentiel des soupçons porte sur la technologie liée au vote anticipé. Ainsi, par exemple, à Tver, 20% des électeurs ont voté par un tel procédé « extraordinaire ».

Pour assurer la réussite de ces fraudes liées à la technologie, et pour les cacher aux yeux de tous, divers procédés ont été employés. On se chargeait d'éloigner des bureaux de vote les observateurs et membres des commissions électorales, comme ce fut évident en Karachaievo-Tcherkessie et au Tatarstan. Comme le président d'une des commissions de Volgograd, on se donnait le droit d'emporter les bulletins de vote chez soi. En Khakassie, une lettre du Ministère de la Santé local était envoyée dans le but de connaître les intentions de votes des médecins et des malades. Dans la même idée, on peut noter aussi le refus de remettre des copies des procès-verbaux à nos observateurs.

Après avoir recensé tous les cas de violation à la loi, nous porterons plainte à la commission électorale centrale, aux commissions électorales locales et aux organismes publics. Notre service juridique se chargera comme toujours de demander des enquêtes qui soient menées à leur terme. Nous ne fermerons jamais les yeux sur les fraudes et les violations de la loi dorénavant.

«C'est le retour des sombres méthodes des années 90»

Je veux particulièrement insister sur le fait qu'au cours de ces élections régionales de mars 2009, dans la campagne électorale, on a assisté au retour des « sombres méthodes » des années 90.  Dans les dernières années nous n'y prêtions pas une attention particulière, exception faite pour les programmes d'Alexeï Karaulov. Maintenant, elles sont redevenues un phénomène massif. Dans la région d'Arkhangelsk, le jour du vote, était tiré le journal «la patrouille d'Arkhangelsk», où il était écrit que les communistes voulaient «plonger la Russie dans un bain de sang». En Khakassie, on tirait des tracts supposés signés du Parti communiste de la Fédération de Russie, où étaient mises en valeur des thèses provocatrices destinées à discréditer notre parti. A Vladimir, sans en connaître l'émetteur, étaient diffusés des tracts relayant un appel imaginaire du gouverneur, communiste, de la province. On a noté aussi des coups de téléphone de nuit aux électeurs, soi-disant de la part du Parti communiste de la Fédération de Russie.

Cela démontre que le parti du pouvoir, s'appuyant sur un appareil bureaucratique travaillant pour lui, a orienté ses discours, pour la première fois depuis sa création, non vers la propagande, la mise en valeur de ses propres idées et propositions, mais sur la contre-propagande, la calomnie du plus bas étage. Les raisons en sont pragmatiques: l'échec de ses politiques a emmené un changement de tactique, conséquence immédiate du fiasco « du plan Poutine » et de « Stratégie 2020 ». La suite donnée au manque de réponse à cette question: où est passé l'argent pour le plan de relance? Le silence sur un éventuel plan « anticrise » pèse tout comme l'incapacité à retrouver, ce mot qui est dans toutes leurs bouches, la « stabilité ».

 

«Les résultats du parti du pouvoir sont en déclin»

« Cette 'crise de la propagande' s'est faite sentir dans de nombreux cas jusque dans les résultats du parti « Russie Unie ». Certes, dans toutes les régions, le parti reste à la première place. La télévision rapporte unanimement un soutien populaire à son maximum. Mais à y regarder de plus près, on peut observer facilement, que les résultats du parti du pouvoir sont en baisse si on les compare aux résultats dans ces mêmes régions lors des élections à la Douma. Ils baissent en moyenne de 5% entre les deux élections.

En Khakassie, ils passent de 59,53% à 57,3%, dans la région d'Arkhangelsk, de 56,72% à 51,8%, à Briansk de 61,7% à 54%, à Vladimir de 56,75% à 51,3%, à Volgograd de 57% à 49,4%, en Nénétsie de 48,7% à 42,4%. Enfin, en Kabardino-Balkarie, ils ont sérieusement baissé passant de 96% à 72%.

Ainsi, quand les membres de Russie Unie affirment que les citoyens ont renouvelé leur confiance à leur parti, ils passent sous silence le fait qu'il commence à la perdre, cette confiance. Je pense que si les élections se déroulaient dans des conditions honnêtes, nous constaterions une baisse beaucoup plus conséquente de leurs résultats. En tout cas, un processus est enclenché, marqué par une déception grandissante vis-à-vis des membres de Russie Unie et qui touche des secteurs de plus en plus importants de la population »

«Le Parti Communiste de la Fédération de Russie est dans une bonne dynamique»

« Le Parti Communiste de la Fédération de Russie vise toujours, comme but stratégique, la victoire. C'est pourquoi nous ne pouvons pas nous réjouir outre mesure de ses résultats, et nous ne le ferons pas. Mais, nous jugeons globalement que les résultats du vote sont positifs. Nous avons confirmé notre statut de deuxième force politique du pays. De plus, à mon avis, nous l'avons non seulement confirmé mais aussi, grâce à nos électeurs, nous l'avons renforcé. Nous sommes à la deuxième place dans 6 des 9 régions.

Nous sommes dans une bonne dynamique, nous avons amélioré nos scores dans toutes les régions, si on les compare à nos résultats lors des dernières élections à la Douma, et nous les avons considérablement augmentés dans certains cas, permettant même un saut qualitatif.

Quand on parle de saut qualitatif, on pense avant tout au Tatarstan. En 2004, lors des élections régionales, nous faisions 6,3%, en 2007 aux élections à la Douma 6,71%, maintenant nous faisons 11%.  Dans cette république, il y aura enfin un parlement bipartite.

Nos résultats se sont aussi considérablement améliorés dans la région d'Arkhangelsk. Bien que nous y occupions la troisième place, nous obtenons presque 17%, alors qu'aux élections à la Douma nous avions fait 11%, et en 2004 seulement 8,6%.

Des résultats loin d'être mauvais ainsi que la deuxième place dans la région de Briansk (23%), de Volgograd (23,5%) et de Vladimir (27%). C'est-à-dire dans une moyenne se situant autour de 25% et avec de sérieuses longueurs d'avance sur les autres partis. 'Russie Juste et le LDPR parviennent juste à dépasser les 10% dans la région de Volgograd, et n'atteignent même pas ce seuil dans les deux autres régions.

Nous avons dépassé la barre fatidique des 20% dans la province autonome de Nénétsie, nous y prenons la deuxième place avec 21 %, là ou en 2007 nous arrivions à seulement 12,3 %. En Khakassie, nous prenons aussi la deuxième place avec 14,6 %, alors qu'en 2007 nous étions à 12,8 %.

En Kabardino-Balkarie, nous passons de 1,72% à 8,36% et prenons la troisième place. En  Karachaievo-Tcherkessie, nous sommes encore troisième, passant de 3,66% à 10,5%. En tenant compte des particularités de la situation de ces républiques caucasiennes, ces résultats sont loin d'être mauvais.

C'est dans cette même dynamique positive que s'inscrit le renforcement de nos positions dans de nombreuses villes, parmi les gens les mieux informés, ceux qui peuvent saisir la portée de l'événement. Notre victoire aux élections du conseil municipal de Tver constitue une très bonne nouvelle. Des résultats tout aussi positifs à Briansk et à Oulan-Oude ou nous avons obtenu respectivement 31% et 25% des votes.

«Pour la suite, dans notre action politique, il faudra s'appuyer sur le rapport de force réel»

« Tout en analysant et en comparant les résultats de ces élections régionales, il faut prendre en compte une chose essentielle: ce sont les statistiques officielles. Il faut prendre en considération les conditions et possibilités inégales d'accès des partis aux médias, les infractions et fraudes; le rapport de force réel, l'état réel de la population sera plus intéressant pour nous, avec une tendance à la convergence du nombre de personnes soutenant 'Russie Unie' et le Parti Communiste de la Fédération de Russie, tandis que le LDPR et « Russie Juste » joueront un rôle marginal d'arbitre entre les deux. Un rôle tantôt plus grand, tantôt moindre.

Le décompte parallèle, réalisé par notre parti, nous confirmait simplement que notre poids en pourcentage était biaisé par les techniques utilisées par le pouvoir. D'après nos calculs, globalement, la perte serait de 6 à 7%. Si on ajoutait ces pourcentages aux résultats obtenus, et si nous avions le même accès à l'information pour tous les citoyens dans le cadre de cette enquête, nous pourrions mieux comprendre la réalité de notre société. Et pour la suite, dans notre action politique, nous devrons partir de ce rapport de force réel, sentir et s'appuyer sur cette situation réelle, sentir et découvrir ses potentialités latentes, sans laisser de place pour les tentatives du pouvoir de faire diversion dans la société avec son parti de rechange - « Russie Juste », artificiellement gonflé aux fins de la lutte contre le Parti Communiste de la Fédération de Russie.

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