abril-sin-censura.jpgDix ans après le coup d’État raté au Vénézuela, rappel de la position et de l'action des communistes qui furent parmi les rares soutiens indéfectibles du président Hugo Chavez

 

 

Article d'Alejandro Ruiz, repris par Tribuna popular, organe du Parti communiste vénézuelien (PCV)



Traduction MA pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/



Dix années se sont écoulées, et parmi les livres, documentaires, articles, revues et tracts publiés dans les médias et organismes privés et même ceux du gouvernement, pas un seul document, interview ou compte-rendu ne portent sur la position ou de l'action des militants du Parti communiste du Vénézuela, entre le 11 et le 14 avril 2002.

Ce silence médiatique et cette négation des communistes ne devraient surprendre personne. Toutefois dans le cadre du processus de construction du socialisme du XXIème siècle, il s'agit d'une norme tacite. Il est plus facile de voir un banquier sur la chaîne publique 8 (VTV) qu'un dirigeant du PCV. Ou peut-être est-ce la prudence des communistes qui les incite à ne pas parler de ces choses-là en public.

Que firent les hommes, les femmes et les jeunes de cette organisation politique révolutionnaire qui avait choisi Hugo Chavez comme son candidat depuis février 1998 et comme leader du processus révolutionnaire ? Certes, dans une relation complexe mais sincère dans le cadre de la voie menant au socialisme.

Difficile à savoir parmi cette marée humaine de gens du peuple et de militaires patriotes qui le 13 avril 2002 a remis Hugo Chavez au pouvoir, à la tête de la République bolivarienne du Vénézuela. Et je ne sais pas si cela intéresse beaucoup les communistes que nous le rappelions. Mais l'histoire, c'est plus qu'une histoire de héros et de faits télévisés.

Il existe des moments cruciaux, où ne pas trahir ses principes ni renier le leader tombé est un mérite en soi. Et combien il y eut de trahisons et de renégats lors de ces jours cruciaux et chaotiques d'avril 2002 ! Il est facile de parler de principes et de loyauté dans le confort d'un poste de haut fonctionnaire ou dans la lutte électorale routinière. Avril, c'est une toute autre histoire.

Il est étonnant de savoir aujourd'hui que le PCV fut le seul parti politique qui, « au cœur des événements », a défini une telle position par écrit et analysé fort justement les événements du 12 avril 2002. Il a compris par ailleurs qu'il s'agissait à la fois d'un coup d’État médiatique et d'un coup d’État militaire oligarchique, sous mandat de l'impérialisme états-unien ; tout comme les communistes se montrèrent disposés à combattre par tous les moyens ce coup d’État fasciste, comme ils le soulignent dans ce document remis à toutes les organisations et à tous les gouvernements révolutionnaires du monde :

« Les communistes, et le mouvement populaire en général, ont besoin urgent de soutien international, avec des déclarations publiques qui nous aident à rompre le siège médiatique, avec une solidarité matérielle de tout type qui nous aide à faire face à nos besoins actuels »

Le plus surprenant, c'est d'apprendre qu'un mois avant le coup d'Etat d'avril 2002, le Parti communiste du Vénézuela a réuni son XI ème congrès à Caracas avec près de 1 000 délégués de tout le pays et ont fait part au président Chavez de l'imminence de tentatives subversives de la part de la bourgeoisie et de l'impérialisme, indiquant qu'il y aurait participation de franges de l'armée – en particulier la Garde nationale, la Police métropolitaine, la Police de Miranda (dirigée par l'agent de la CIA Hermes Rojas Peralta) et les polices locales de Chacao et Baruta.

Le 10 mars 2002, le message du XI ème congrès des communistes vénézueliens fut très clair et direct : « Mettons en échec la conspiration, impulsons la Révolution ! ». Hélas, cet appel et ces conclusions du PCV furent sous-estimés par les organismes de renseignement et les hautes sphères gouvernementales, confiants dans le soutien sans failles des officiers de l'armée, un avis que les communistes ne partageaient pas, ce pour quoi ils suggéraient de créer des Unités de défense populaire (UDP).

Maintes fois vilipendés, les communistes du Vénézuela ont alors assumé leurs « responsabilités » comme parti, non comme individus : mettre en échec le coup d’État en mobilisant le peuple dans la rue ; informer par des affiches, tracts et communiqués que « Chavez est fait prisonnier, il n'a pas démissionné », pour remonter le moral et l'espoir au sein des masses populaires sur le fait que le Président Chavez n'avait signé aucune lettre de démission ; se joindre au Peuple afin de pousser les garnisons militaires à respecter la légalité constitutionnelle ; informer les autres partis communistes et révolutionnaires du monde entier de ce qu'il se passait réellement au Vénézuela ; tenter de trouver un soutien international pour mettre en échec le coup d’État fasciste.

Il ne s'agit pas seulement de cela. De source sûre, nous savons que le président du PCV d'alors, Pedro Ortega, un monsieur âgé de près de 90 ans (mort en février 2006), se trouvait le 11 avril 2002 dans les faubourgs de Miraflores et Puente Laguno, répondant à l'appel à défendre la Révolution, des lieux où des dizaines de vénézueliens sont morts et ont été blessés par des tirs de franc-tireurs et de la Police métropolitaine. Et ainsi, d'autres dirigeants communistes à Caracas ont fait le maximum de ce qu'ils étaient en mesure de faire.

Dans les gouvernements provinciaux et les mairies Bolivariennes qui les 12 et 13 avril 2002 commencèrent à être assiégés par l'assaut fasciste et les petits coups d’État locaux, il y a des témoignages de loyauté et de courage des dirigeants communistes et de nombre de gens modestes qui, aux côtés de dirigeants conséquents des partis MVR, PPT, Ligue socialiste et d'autres organisations, ont continué à défendre ces espaces gouvernementaux et ont dénoncé le coup d’État contre le président Chavez, sans avoir, dans de nombreux cas, aucun poste d'élu. Tandis que de nombreux directeurs, hauts fonctionnaires et dirigeants politiques « de premier plan » ont gardé le silence, et certains ont même reconnu le gouvernement de facto de Carmona Estanga, comme c'est le cas de plusieurs gouverneurs et maires « chavistes » qui se mirent sous les ordres du « gouvernement de transition ». Dans de telles circonstances, peu importait qui avait le plus de voix ou le plus de militants dans tel ou tel parti. En avril, tout était différent.

Un document pour une histoire sans héros

Le 12 avril 2002, dans l'après-midi, le Bureau politique du Parti communiste du Vénézuela (PCV) diffuse par fax et par internet un communiqué très important sur le moment et pour l'histoire, méconnue ou peu diffusé, du coup d’État. Ceux qui l'ont alors reçu peuvent témoigner de sa véracité, ainsi que certaines pages Web d'autres pays où il est possible de le trouver.

Malgré la confusion et l'incertitude régnant sur ce qui s'est réellement passé les 11 et 12 avril 2002, y compris dans les hautes sphères gouvernementales, le document du PCV reflète, avec des informations précises, le sens profond des événement d'avril, relate des détails qui furent connus par la suite et offre la perspective du dénouement possible de la mobilisation populaire « du peuple héroïque de Bolivar qui aujourd'hui fait face à l'impérialisme », ce que seuls eux pouvaient savoir et écrire au cœur de l'affrontement car les communistes étaient au centre de la coordination des informations et de certaines actions comme l'organisation en divers lieux de la résistance, avec la mobilisation de ses militants.

Dans un contexte de méconnaissance de la Constitution bolivarienne, le président Chavez arrêté, Pedro Carmona auto-proclamé président, la dissolution et la destitution de toutes les institutions démocratiques, la persécution et la répression contre les dirigeants révolutionnaires, les assassinats massifs dans les rues et une offensive réactionnaire pour déformer les faits et discréditer Chavez ; la direction nationale du PCV se réunit et diffuse le communiqué suivant aux organisations, mouvements et gouvernements révolutionnaires et démocratiques du monde entier, où d'entrée les événements sont qualifiés de « coup d’État fasciste ». Voyons quelques paragraphes en passant par le début :

« Ce qui se passe réellement au Vénézuela est un coup d’État fasciste »

Communiqué du bureau politique du PCV du 12 avril 2002

« L’impérialisme nord-américain a joué sa carte pour ce qui est de la Révolution bolivarienne du Vénézuela, hier 11 avril, avec des sommes colossales mises sur la table et l'achat de la conscience de certains militaires, avec un soutien technologique par satellite pour contrôler les communications et imposer sa politique médiatique de démoralisation, de guerre psychologique, de désinformation et de démobilisation (…) parmi les nombreux putschs militaires déjà orchestrés, tous ont toujours attendu l'ordre de Washington pour réaliser le coup d’État.

« Tout cela est une farce, Chavez ne s'est pas rendu, comme ils disent, mais il a été arrêté et fait prisonnier, il ne s'est pas présenté en public, ils n'ont présenté aucun document qui prouve sa « démission ». Les images diffusées à plusieurs reprises de « franc-tireurs » sont des images de sympathisants du processus révolutionnaires qui se défendaient de l'attaque sauvage de la Police du maire Alfredo Peña. Des onze morts annoncés, neuf d'entre eux sont des dirigeants révolutionnaires, parmi les cinq assassinés par armes à feu, quatre sont des révolutionnaires. On peut mentionner parmi eux le garde du corps du vice-président Diosdado Cabello, trois représentants de la Coordination populaire de Caracas, trois dirigeants locaux de l’État de Vargas, l'agent des services de renseignement (DISIP) assassiné pour avoir défendu plusieurs passants soumis au tirs de la canaille réactionnaire, qui comptent parmi ceux assassinés lâchement par des franc-tireurs, mais des franc-tireurs de la Police métropolitaine et du « parti gauchiste » Bandera Roja, qui ont embrassé la cause de l'impérialisme (…)

La réaction veut faire croire que Chavez s'est rendu pour se conformer au scénario prévu par le Département d’État et la CIA. Aujourd'hui, par exemple, ils ont pris d'assaut l'ambassade de Cuba pour s'en prendre au gouvernement cubain (…) Ils font passer les anciens membres du gouvernement pour des assassins, des bandits et des hors-la-loi, tandis que la Police métropolitaine réprime et assassine des dirigeants populaires dans les quartiers de Catia, du 23 janvier et d'autres banlieues de tradition révolutionnaire (…)

A Vénézuela, c'est un coup d’État, avec des teintes « novatrices », mais cela reste en fin de compte un coup d’État. Qui a élu Carmona Estanga, représentant du patronat ? Pourquoi ne laisse-t-il pas en place l'Assemblée nationale ? Pourquoi changent-ils la constitution et forment-ils un gouvernement sans légitimité ? Parce qu'il s'agit d'un coup d’État, que nous avions annoncé, un coup d’État qui assume une façade institutionnelle. Dans leurs plans, les industries de base (fer, pétrole, aluminium, électricité) sont remises entre les mains de l'impérialisme, s'instaure la rupture de la politique de coopération avec les pays pauvres et la rupture avec la politique des prix de l'OPEP ; dans leurs plans, continue l'élimination sélective des dirigeants révolutionnaires, en commençant par le Commandant Hugo Chavez, qui n'a pas été présenté en public et qu'ils tentent d'assassiner.

Il existe des foyers de résistance dans le mouvement populaire, dans les forces armées et dans certains gouvernements locaux, mais leur pouvoir médiatique falsifie ce qui se passe dans notre pays, ils accusent les Gardes nationales qui ont protégé le Palais tandis qu'ils cachent le fait que ce sont les Polices de Chacao, Baruta et Métropolitaine qui ont blessé et assassiné ceux qui ont soutenu alors en ce moment de crise la révolution bolivarienne.

Il est nécessaire de faire connaître cela, il est nécessaire d'exiger que le Commandant Chavez fasse une apparition publique, et que l'on respecte sa vie et ses droits de l'Homme, le respect des droits de l'Homme des dirigeants populaires qui sont en ce moment persécutés au milieu d'un état de siège non décrété dans la ville de Caracas.

Les communistes, et le mouvement populaire en général, ont besoin urgent de soutien international, avec des déclarations publiques qui nous aident à rompre le siège médiatique, avec une solidarité matérielle de tout type qui nous aide à faire face à nos besoins actuels.

Salutations bolivariennes et révolutionnaires du peuple héroïque de Bolivar qui fait face aujourd'hui à l'impérialisme. »

Voilà comment cela s'est passé, en avril.

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