revolucion-gamonal.jpgUne révolte populaire massive à Burgos, en Espagne, met en échec un projet de spéculation immobilière : la lutte paye !

 

Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

 

Que se passe-t-il à Burgos ?Cette ville moyenne de 200 000 habitants, située en Castille-Léon est au centre de toutes les attentions en Espagne ces derniers jours : une révolte populaire met en échec un projet de spéculation immobilière, pendant que l’État répond par la force.

 

La municipalité de Burgos ressemble à beaucoup d'autres en Espagne : gérée par la droite (ici le Parti populaire, ailleurs le PS), elle combine clientélisme, corruption marchés publics truqués, privatisation des services municipaux, impôts locaux gonflés et dette vertigineuse.

 

Burgos est même un cas d'école. La ville a accumulé 500 millions d'euros de dette, a quasiment tout privatisé, augmenté trois fois les impôts ces deux dernières années, pendant que la ville compte 18 000 chômeurs.

 

Pourtant le maire de droite Javier Lacalle trouve encore 9 millions d'euros pour lancer un grand projet de rénovation du centre, de la rue Vitoria, située dans le quartier de Gamonal pour en faire le « grand boulevard » de la ville : le projet pharaonique « Gamonal XXI ».

 

Depuis le 9 janvier, les habitants de la ville ont dit Non. Par milliers ils ont bloqué les chantiers de construction, étudiants, chômeurs, femmes au foyer, travailleurs.

 

Ils ont subi la répression des forces de l'ordre, les arrestations, les passages à tabac. Mais ils sont revenus chaque jour depuis : le 11, le 12, le 13 et ce 15 janvier.

 

Ce vendredi 16 janvier, le maire de la ville Javier Lacalle a annoncé l'arrêt définitif du chantier de construction de grand boulevard dans le quartier de Gamonal, tandis que 3 000 manifestants se réunissaient dans le quartier pour fêter la nouvelle. Retour sur une lutte qui a payé.

 

Spéculation et gentrification à Gamonal : les pauvres exclus du travail, saignés … et maintenant chassés de leur quartier !

 

Burgos est une ville espagnole comme une autre, avec ses 18 000 chômeurs. Mais Gamonal est le quartier qui concentre tous les problèmes sociaux. Ce quartier ouvrier – qui concentre la moitié de la population de la ville – connaît les chiffres les plus élevés de pauvreté, de chômage.

 

A Gamonal, les ouvriers souvent immigrés ont déjà perdu leur emploi et leur revenu (la moitié des chômeurs n'ont plus d'aide publique), ils ont perdu leurs services publics, ils risquent maintenant d'être dépossédés de leur quartier.

 

Le nouveau Gamonal n'est pas pour eux : les maisons vont être rénovés, le quartier va devenir commerçant, les rues privatisées. Au nom du développement durable (sic), c'est la gentrification du quartier qui s'annonce et l'expulsion des pauvres hors du centre.

 

Heureusement, les habitants de Gamonal peuvent compter sur leur solidarité, ce qu'il reste d'associations de riverains combatives, d'engagement syndical et politique de classe – surtout auprès du Parti communiste, pour résister.

 

Corruption, privatisation, spéculation : quand le peuple se soulève contre le consensus patronal mafieux

 

Car ce que dénoncent les habitants de Gamonal à Burgos va bien au-delà de ce projet de spéculation immobilière : c'est tout ce système qui régit l'Espagne, responsable de la crise, un capitalisme qui allie corruption, privatisation, décentralisation et collusion entre élites politiques et économiques.

 

Décentralisation et dette publique. Rappelons que l'Espagne est un modèle de « décentralisation », les services publics ont été transférés aux municipalités, aux régions, sans les moyens correspondants, laissant l'alternative : privatisations ou/et coupes, sans oublier hausse des impôts !

 

A Burgos, la dette atteint la somme vertigineuse de 500 millions d'euros. Elle a servi de prétexte aux coupes dans les services sociaux, à l'augmentation des impôts locaux, aux privatisations.

 

Privatisation intégrale. Tout a été privatisé à Burgos ou presque. La municipalité s'attaquant désormais à la santé (hôpitaux), à l'eau et à l'éducation (université). Le projet de « boulevard » s'intègre à cette politique de privatisation de la ville.

 

En effet, la rue et le sol seront privatisés. La rue, jusqu'ici 2 x 2 voies seraient réservés désormais aux transports institutionnels (taxis, bus) déjà privatisés et onéreux, ou à la circulation en vélos, développement durable oblige. La circulation des riverains serait, elle, entravée.

 

Le sol serait privatisé, un exemple significatif : le parking public de 350 places serait remplacé par un parking souterrain de 250 places, privatisé, où la place coûterait 20 000 € à l'année !

 

Corruption généralisée. L'Espagne est le pays des accommodements véreux, des contrats publics arrangés, des projets immobiliers destinés à gonfler la dette publique comme les profits privés.

 

Ces deux dernières années, deux conseillers de droite de la ville ont été démis de leur mandat pour faits de corruption avérés. Ce n'est qu'un début pour les élus locaux communistes.

 

A qui est confié le projet ?A la « M.B.G. Ingeniería y Arquitectura SL », du magnat de l'immobilier Mendez Pozo, ce dernier est un ami proche du maire Javier Lacalle. Il a même été condamné à deux ans de prison pour faux en écriture pour une affaire de travaux publics … à Burgos, justement.

 

Collusion entre milieux d'affaires et monde politique. Bien au-delà de la corruption, c'est bien la question de la nature des liens entre milieux patronaux et hommes politiques, tout comme la concentration monopolistique de l'économie espagnole qui est en cause.

 

Il suffit de penser que le vice-maire Angel Ibanez a fait le tour de force d'être à la fois le chef de l'Agence de recrutement de l'Université de Burgos (35 000 € par an), vice-président de la Caisse du Burgos, filiale de la banque Caixa (19 000 € par an) et enfin conseiller de l'entreprise de travaux publics Fomento, spécialisée dans les marchés des collectivités locales (20 000 € par an).

 

Qui a dit conflit d'intérêts ?

 

On peut aussi évoquer le patron véreux Mendez Pozo, président de la Chambre de commerce de Burgos, fondateur de six sociétés immobilières (qui lui permettent d'effacer ces compromissions) mais aussi premier propriétaire des médias de la région de Castille-Leon !

 

Ainsi, Mendez Pozo contrôle les journaux suivants : el Diario de Burgos, Diario Palentino, El dia de Valladolid, Diario de Ávila, ainsi que l'ensemble des journaux de Las Tribunas de Castilla la Mancha.

 

Il est aussi propriétaire de la chaine de télévision 4 de Castilla y León et président de l'Agence d'informations Ical.

 

Pas étonnant que le mouvement de résistance des habitants ait été répercutée par les médias locaux comme une émeute d'une violence inédite, mettant en avant les voitures brûlées, les devantures des magasins fracturées, les échauffourées provoquées par des jeunes déchaînés.

 

« Loi de sécurité citoyenne » : un test pour le pouvoir dans sa répression des mouvements populaires

 

En Espagne, la répression contre les mouvements populaires prend une tournure fascisante. La dite « Loi de sécurité citoyenne » surnommée « Loi baillon » (Ley mordaza) par ses détracteurs, votée en décembre dernier, prévoit 51 infractions passibles d'amendes plus ou moins lourdes.

 

Parmi les « infractions graves » (entre 1 000 et 60 000 € d'amende !) : désobéissance à des agents de l'ordre et refus de s'identifier ; manifestation sans autorisation ; offense à l'Espagne et ses symboles ; faire obstruction à des décisions légales (comme lors des expulsions) ; trouble à l'ordre public.

 

Il s'agit ouvertement d'une atteinte à la liberté d'expression, de réunion et de manifestation.

 

Burgos est un test pour cette nouvelle loi. L' « état d'urgence » a été déclarée, plusieurs dizaines de troupes anti-émeute mobilisées sur place. Au 15 janvier 2014, 40 personnes avaient été arrêtés et incarcérés par les forces de police espagnoles.

 

Le ministre de l'Intérieur a ciblé des « groupes violents, extrémistes, anti-système » qui perturbaient l'ordre public et devaient être réprimés par la force. On voit le danger de la nouvelle loi adoptée, les frontières floues entre « trouble à l'ordre public » et « expression d'une opposition ».

 

 

Izquierda Unida contre le PP à Burgos … mais alliée à la droite pour à Oviedo, capitale des Asturies, quelle cohérence ?

 

Dans ce combat, le Parti communiste local – intégré dans Izquierda Unida – a adopté une position digne, cohérente, combative, qui a pu servir de repère aux manifestants.

 

On peut sourire aux larmes versées sur le « non-respect de la démocratie participative » (sic) par la mairie de droite, mais sa dénonciation de la corruption des édiles au Conseil municipal, de la politique de privatisation est tout à fait juste.

 

Ce qui est plus dommageable – et qui pèse sur l'image que peut donner cette formation bariolée,cette auberge espagnole qu'est Izquierda Unida – c'est que toutes les Fédérations, sections d'Izquierda Unida (IU) sont loin de partager la même ligne.

 

On pourrait gloser sur Izquierda Unida en Andalousie qui collabore au gouvernement socialiste, connu pour son niveau de corruption à côté duquel Burgos est une cité propre, connu pour ses politiques d'austérité qui saignent les fonctionnaires locaux et ceux dépendant des aides sociales.

 

On peut aussi prendre des cas de collaboration active avec la droite. C'est le cas en Extrémadure où le PP peut compter sur le soutien d'Izquierda Unida pour gouverner. C'est le cas surtout à 200 km de là, à Oviedo, la capitale de la région des Asturies.

 

A Oviedo, Izquierda Unida a tout simplement choisi de signer un pacte budgétaire, de facto un accord politique de gouvernement avec le Parti populaire, la droite. Un accord dénoncé comme il se doit par le Parti communiste local, mais qui crée un certain malaise, au-delà des Asturies.

 

Oviedo connaît pourtant les mêmes dynamiques que Burgos : privatisations, coupes dans les dépenses sociales, corruption et clientélisme (à niveau certes inférieur à Burgos, mais c'est une question de degré).

 

Izquierda Unida se présente comme une formation à géométrie variable – avec la droite dans les Asturies ou Extrémadure, avec les socialistes en Andalousie, bientôt à Madrid, dans l'opposition en Castille-Léon –, c'est la conséquence de son absence de ligne claire, de toute autre boussole politique … que celle de conserver un maximum d'élus locaux.

 

Même si IU devrait progresser électoralement (on l'annonce à 12 %), bénéficiant de la ligne droitière du PSOE, de l'absence d'alternative à gauche, ainsi que de la radicalisation de la population espagnole, cette ligne floue laisse le mouvement populaire espagnol sans réelle perspective de victoire nationale.

 

Quoi qu'il en soit, la lutte des riverains de Burgos montre que la lutte paye. Vive le Parti communiste d'Espagne quand il joue son rôle d'impulsion des luttes ! Vive le peuple et les travailleurs d'Espagne unis dans le rejet des politiques de casse sociale !

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